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Comment adapter l’Ecole à la réforme territoriale sans régionaliser l’éducation ? Le conseil des ministres du 31 juillet a présenté les grandes décisions concernant l’éducation. Le gouvernement met en place des super recteurs qui ne seront pas forcément installés dans la capitale des nouvelles régions. En changeant le nombre des régions, le gouvernement modifie aussi le rapport de force entre les super régions et les représentants de l’Etat. Il interroge ainsi le fonctionnement de tout le système éducatif. Il laisse ainsi encore des questions sans réponses…

Des super recteurs installés au dessus des rectorats

Dans chaque région fusionnée, il y aura l’an prochain un seul « recteur de région académique », a annoncé le gouvernement le 31 juillet. Dès aujourd’hui des préfigurateurs sont désignés pour ces fonctions. Ils sont chargés de mettre en place la nouvelle administration régionale avant fin 2018. En métropole, les académies actuelles sont maintenues dans leurs limites géographiques. Mais elles sont regroupées en 13 « régions académiques » et l’un des recteurs exercera la fonction nouvelle de « recteur de région académique ». Ce dernier disposera « de pouvoirs propres qui garantiront l’unité et la cohérence de l’action de l’éducation nationale » annonce le gouvernement. « Il sera l’interlocuteur unique du président du conseil régional et du préfet de région ».

Dans les neuf régions comprenant plusieurs académies, le « recteur de région académique » présidera un « comité régional académique » où siègeront les autres recteurs de la région. Cette instance « permettra d’harmoniser les politiques publiques de l’éducation nationale menées dans la région», annonce le gouvernement. A noter que ces nouveaux recteurs de région académique ne sont pas forcément dans la capitale régionale : les super recteurs de ces neuf régions seront ceux des académies d’Aix-Marseille, Besançon (et non Dijon), Bordeaux, Caen (et non Rouen), Lille, Lyon, Montpellier (et non Toulouse), Nancy-Metz (et non Strasbourg) et Paris. La plupart des académies actuelles vont donc devenir des territoires administratifs suspendus au dessus du découpage des collectivités locales dans une disposition dont on a du mal à voir l’avenir.

Quel impact pour les enseignants ?

En principe  » les évolutions de l’organisation des académies n’auront pas d’impact sur les règles de gestion des carrières et le périmètre d’affectation des personnels enseignants » a annoncé le gouvernement dès avril. Mais il a précisé aussi que chaque nouveau recteur  » mène, en lien avec le préfet préfigurateur et les autres recteurs concernés, la concertation avec les organisations syndicales pour élaborer un projet d’organisation inter-académique, pouvant aller de dispositifs de coopération renforcée à une intégration conduisant à une fusion d’académies ». Enfin, on a vu que seul le recteur de région académique a le contact avec les conseils régionaux. Si les procédures d’affectation des enseignants ne sont pas concernées pour le moment, on a du mal à imaginer qu’un cadre administratif aussi décalé de la gestion ordinaire du pays puisse s’imposer durablement…

Quel impact pour les établissements ?

En novembre 2014, durant un congrès de l’encadrement, Philippe Tournier, secrétaire général du Snpden, le principal syndicat des personnels de direction, nous avait confié :  » au lieu d’avoir une centaine d’interlocuteurs, les établissements ne vont plus en avoir que 13 et cela va changer considérablement les relations entre les collectivités territoriales et les établissements ». La montée en puissance des régions aurait pu dépasser le simple recteur. Le gouvernement vient de décider avec ses « recteurs de région académique » de créer des responsables au même niveau que celui du directeur régional de l’éducation.

La naissance des super régions pose aussi la question du pilotage de territoires plus grands. Alors que les établissements obtiennent plus d’autonomie (par exemple avec la réforme du collège), le nombre d’établissement à contrôler augmente. La réforme territoriale devrait donc soit relâcher le contrôle sur les établissements et donc augmenter le rôle du chef d’établissement, soit renforcer le rôle de l’échelon intermédiaire, Dasen ou bassin. Dans les deux cas c’est la nature du système qui est affectée.

Le début d’un processus de régionalisation

On n’est donc encore qu’au début d’une réorganisation de l’Education nationale aussi bien dans sa hiérarchie que sur le terrain dans la gestion des personnels. Les décisions du conseil des ministres montrent que le gouvernement avance très prudemment et ne précède pas le rééquilibrage des forces en train de se faire. Mais déjà se font entendre des voix pour aller au bout de cette évolution. Ainsi en décembre dernier, Alain Boissinot, ancien recteur et ancien directeur de cabinet d’un ministre de l’éducation, demandait dans le Café pédagogique de « positionner le ministre et la centrale comme régulateurs, et non prescripteurs, d’une politique éducative co-produite par les académies » et de créer des « établissements publics régionaux » à la place des académies. La réforme territoriale est-elle susceptible d’amener la régionalisation de l’éducation ?

François Jarraud

Le conseil des ministres du 31 juillet

Ce qu’en dit le ministère

Dans le Café pédagogique du 23 avril

Boissinot : Quel scénario pour déconcentre l’éducation

Un nouvel encadrement pour un nouveau pilotage

EMC – Géo : le nouveau découpage régional en 14 cartes thématiques