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La publication des analyses de Pisa 2012 sur le numérique en éducation sonne comme un avertissement au gouvernement français qui prépare un grand plan d’équipement numérique. Elle remet au premier plan la nécessité de la formation pédagogique des enseignants. Alors que le ministère a programmé une vaste campagne de formation au collège, celle ci répond elle au changement culturel que dessine l’Ocde avec l’enquête Pisa ?

On le sait, le ministère accompagne la réforme du collège d’un vaste plan de formation de 8 jours pour tous les professeurs des collèges. Il y consacre 24 millions d’euros. Il s’offre ainsi une occasion d’agir réellement pour des changements sur le terrain. Alors que les académies envoient les premières informations sur l’organisation de ces formations, des interrogations remontent aussi du terrain sur l’efficacité de ce plan.

Faute de formateurs en nombre suffisant, le ministère a imaginé une formation pyramidale des enseignants. Il est prévu de former d’abord les principaux et les inspecteurs, puis des enseignants des conseils pédagogiques et ensuite l’ensemble des enseignants. Le ministère a ainsi imaginé une formation strictement hiérarchisée et inclus les conseils pédagogiques dans un rôle de relais entre direction et enseignants.

Dans un système où le travail en commun entre direction et enseignants est particulièrement peu développé, séparer ainsi la formation des cadres d’un coté et des enseignants de l’autre, n’est pas forcément une bonne idée. Ce que montre l’étude Pisa, c’est l’importance de la culture de collaboration et partage entre pairs pour assurer l’intégration du numérique en éducation. En ce sens, l’approche hiérarchique choisie par le ministère, dans une institution où celle ci est déjà très lourde, ne semble pas très efficace. La formation semble bien partie pour réaffirmer l’ordre hiérarchique er renforcer chacun dans ses représentations.

On sait depuis la fin de la semaine dernière que cela va être renforcé par une inégalité de rémunération qui n’est pas anodine. Les cadres et les enseignants des conseils pédagogiques seront rémunérés pour leur formation, alors que le ministère attend des enseignants une participation aux 8 jours de formation gratuitement. On peut dire que le prix des uns et des autres n’est pas estimé de même valeur. La contrainte hiérarchique pour tenter d’ imposer une formation dans ces conditions ne semble pas créer de bonnes conditions de collaboration.

La conception totalement descendante de cette formation qui veut « expliquer » la réforme et porter la parole de l’institution jusqu’au terrain est-elle réellement efficace ? Les enseignants ont-ils besoin de 8 journées de commentaires sur des thèmes choisis par la rue de Grenelle ? Ou ont-ils besoin d’échanger sur leurs pratiques entre pairs, dans la confiance et avec l’aide de formateurs accompagnateurs ? La conception toute hiérarchique des formations ministérielles ne risque t-elle pas une nouvelle fois d’étouffer les remontées de problèmes, chacun se protégeant en cachant ses insuffisances et ses besoins ?

Certes le ministère a aussi imaginé avec les collèges connectés des dispositifs qui doivent permettre une intégration du numérique raisonnée et observée avant de lancer une généralisation. Et on comprend bien que les changements systémiques sont forcément longs, qu’on ne peut prétendre immédiatement changer les usages et la culture d’une institution aussi ancienne. Faut-il pour autant laisser passer l’occasion d’une formation qui, de surcroit, est présentée comme un effort unique ? Est il encore temps de créer les conditions de la collaboration dans cette formation ?

François Jarraud