Print Friendly, PDF & Email

Les récentes ressources d’accompagnement des programmes de maternelle parues sur Eduscol vont dans l’ensemble dans le bon sens et conduisent donc à moduler les critiques que j’ai faites précédemment concernant le texte principal (voir le dossier spécial du café, octobre 2014, la consultation de maternelle en débat : « L’oral a-t-il sa juste place dans les programmes ? »).(1)

Au §1 p7 du nouveau texte, on signale que l’oral « peut ne pas avoir toutes les marques de l’écrit : les deux termes de la négation ne sont pas nécessairement présents, la reprise du sujet typique de l’oral peut fonctionner. » Plutôt que la chasse aux « incorrections », les caractéristiques essentielles d’un oral efficace c’est « l’explicitation lexicale, la structuration chronologique, spatiale, logique. » « Il faut surtout savoir raconter, décrire, évoquer, expliquer… »

Au §4 p16 « L’enseignant accompagne chaque enfant dans ses premiers essais, reprenant ses productions orales pour lui apporter des mots ou des structures plus adaptées qui l’aident à progresser… Il s’exprime progressivement de manière plus complexe. »

Ainsi l’exemple de la fillette de 4 ans pris dans ma critique précédente devient possible avec ce nouvel éclairage. Elle est en train de restituer « La petite poule rousse » qui a été présenté précédemment plusieurs fois à sa classe. Elle commence une phrase complexe en POUR QUE mais sa tentative échoue :

Elle fermait bien sa porte POUR… POUR QUi… POUR…

Comme ça i pouvait pas rentrer, le renard.

Elle s’empare spontanément d’un feedback bien dans l’oral qui lui est proposé :

Elle fermait bien sa porte POUR QU’i(l ne) rentre pas, le renard.

alors que, l’instant d’avant, un feedback plus académique, relevant plutôt de l’écrit :

Elle fermait bien sa porte POUR QUE le renard ne rentre pas.

s’est révélé inopérationnel.

Pour une enfant comme elle qui possède les phrases simples de notre langue orale :

Elle fermait bien sa porte.

I pouvait pas rentrer, le renard.

et qui est en train d’entrer dans la conquête des formes complexes, l’aide adulte en restant bien dans l’oral s’est révélée bien plus efficace qu’en versant d’emblée dans un académisme prématuré qui relève plutôt de l’écrit.

Ce n’est pas la complexité à acquérir qui pose problème à l’enfant dans la forme académique puisqu’elle parvient à s’emparer du POUR QUE si on reste dans l’oral mais le fait qu’on exige qu’elle parle comme un livre. Or c’est la conquête des phrases complexes qui à l’oral assure l’efficacité oratoire, permet d’efficacement « raconter, décrire, évoquer, expliquer… »

La nécessité de travailler en atelier de langage est évoquée mais la solution préconisée pour y parvenir consiste à organiser le reste de la classe en ateliers autonomes autour d’activités faciles or on sait bien qu’on n’assure pas ainsi au pédagogue une disponibilité mentale suffisante pour animer efficacement son groupe de langage.

On ose ici reprogrammer le vocabulaire à conquérir : 2500 mots pour la totalité de la maternelle.

Dans les activités ritualisées p24 pour aborder la littérature de jeunesse, on préconise d’utiliser des récits pas trop complexes… en randonnée… On va jusqu’à dire : « Quand on raconte , c’est pas comme quand on lit, on a le droit de le dire avec ses mots. »

Philippe Boisseau

Auteur de « Enseigner la langue orale en maternelle » (Retz).

Note :

1- « L’oral a-t-il sa juste place dans les programmes ?

Nouveaux programmes : le DOSSIER

Dans le café pédagogique