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« Evaluation : le ministère est-il fou ? » , demande le Snalc. A vous de vous faire votre idée grâce aux textes officiels que le Café pédagogique s’est procuré. Il ne s’agit que de projets. C’est mercredi que le ministère fera connaitre son texte définitif qui devra encore passer devant le CSE probablement le 15 octobre. Mais à 48 heures de la publication, les principaux arbitrages semblent faits. Au bout d’une année de communication sur un sujet particulièrement sensible pour les enseignants, après une « conférence nationale », la remise du rapport du jury présidé par Etienne Klein, le ministère cherche le bon équilibre entre évaluation par compétences et évaluation traditionnelle. Pas sur d’échapper à l’usine à gaz. Pas sur non plus de contenter tout le monde…

Vers une évaluation positive

Tout a commencé avec la loi d’orientation mais a germé vraiment avec N Vallaud-Belkacem. La ministre reprend à son compte l’idée de B Hamon de changer le mode d’évaluation des enseignants. Elle veut aller vers « une évaluation positive des acquis des élèves » et « abandonner un système qui décourage les élèves et accentue le déterminisme social ». A grand frais, une « conférence nationale » réunit pendant deux jours près de 300 responsables éducatifs en décembre 2014. La Dgesco réunit un « jury » présidé par un scientifique, E Klein, qui remet un rapport en février 2015. Il préconise l’abandon de la note du CP à la 5ème. Au cycle 4 (5ème à 3ème) on aurait des notes mais reposant « comme dans les cycles précédents sur des grilles de référence et un livret de suivi de cycle ». Un livret numérique normalisé enregistrerait ces évaluations. Le DNB serait accordé d’une part au vu d’un « livret de compétences » qui s’appuierait sur des évaluations sommatives « dont les contenus sont puisés dans une banque nationale ou académique », d’autre part selon les résultats aux épreuves du DNB. Ces épreuves comporteraient une épreuve écrite d’examen définie nationalement renvoyant à plusieurs disciplines, deux projets personnels pluridisciplinaires menés en 4ème et 3ème et une épreuve orale de langue vivante.

Mais l’essentiel de la réforme était déjà inscrit dans la loi d’orientation de 2013. Celle-ci précise que  » dans l’enseignement primaire, l’évaluation sert à mesurer la progression de l’acquisition des compétences et des connaissances de chaque élève. Cette logique d’évaluation est aussi encouragée dans l’enseignement secondaire ». Selon elle, « les modalités de la notation des élèves doivent évoluer pour éviter une « notation-sanction » à faible valeur pédagogique et privilégier une évaluation positive, simple et lisible, valorisant les progrès, encourageant les initiatives et compréhensible par les familles.. Il faut aussi remédier à la difficulté pour les enseignants d’évaluer les élèves avec des dispositifs lourds et peu coordonnés entre eux. Ainsi, l’évolution des modalités de notation passe notamment par une réforme du livret personnel de compétences actuel, qui est trop complexe, et une diversification des modalités de l’évaluation ».

L’évaluation au brevet

Le projet d’arrêté sur l’évaluation du brevet prévoit un système de double évaluation mêlan examen terminal et évaluation du socle.

D’abord un examen terminal comportant trois épreuves : un oral portant sur un projet mené dans le cadre des EPI ou du parcours Avenir ou du parcours artistique; un écrit portant sur les programmes de français, histoire-géo et EMC et un écrit portant sur le programme de maths, SVT, physique-chimie et technologie. Ces trois épreuves compteraient pour 310 points sur 620.

L’autre moitié des point serait gagnée au vu du  » niveau de maîtrise de chacun des domaines et de chacune des composantes du premier domaine du socle commun de connaissances, de compétences et de culture atteint par le candidat ». En fait seraient évalués les 4 composantes du domaine 1 « les langages pour penser et communiquer ». Il s’agit de « comprendre et s’exprimer en français », dans une langue étrangère ou régionale; en utilisant les langages mathématiques et scientifiques ou encore en utilisant les langages des arts et du corps. Les 4 autres domaines participent mais de façon non détaillée : méthodes et outils pour apprendre, formation du citoyen, systèmes naturels et systèmes techniques et représentations du mode et de l’activité humaine. En clair toutes les disciplines sont mobilisées mais certaines (celles qui contribuent au domaine 1 pèsent plus lourd.

Les points sont attribués selon une échelle à 4 niveaux : « 10 points si le candidat obtient le niveau « Maîtrise insuffisante » ; 20 points s’il obtient le niveau « Maîtrise fragile » ; 30 points s’il obtient le niveau « Maîtrise satisfaisante » ; 40 points s’il obtient le niveau « Très bonne maîtrise » ». Il n’est plus question d’avoir une simple évaluation binaire acquis / non acquis.

Un nouveau livret scolaire de l’école élémentaire

Un arrêté détermine les bilans de fin de cycle ainsi que les bilans périodiques pour chaque cycle. Ou presque. Car le cycle 3 connait deux évaluations différentes pour l’école et le collège.

A l’école les bilans périodiques indiquent pour les domaines d’enseignement  » le positionnement de l’élève au regard des objectifs d’apprentissage fixés pour la période sur une des quatre positions suivantes : objectifs d’apprentissage non atteints, objectifs d’apprentissage partiellement atteints, objectifs d’apprentissage atteints, objectifs d’apprentissage dépassés ». Il n’est donc plus question de note mais d’une évaluation graduée sur une échelle de 1 à 4.

Pour le cycle 2 cette évaluation porte sur 16 domaines : Français : langage oral, lecture, écriture, étude de la langue- Mathématiques : nombres et calcul, grandeurs et mesures, espace et géométrie

Éducation physique et sportive

Enseignements artistiques : arts plastiques et visuels, éducation musicale

Questionner le monde

Enseignement moral et civique

Langues vivantes (étrangères ou régionales) : comprendre l’oral, s’exprimer oralement en continu, prendre part à une conversation, écrire et comprendre l’écrit

Au cycle 3, on passe à 20 items : s’ajoutent l’histoire des arts, pour les langues : « lire et comprendre » et « réagir et dialoguer » et enfin l’histoire et la géographie.

Et celui du collège

Au collège (y compris la 6ème qui fait partie du cycle 3), les bilans périodiques sont toujours dans un « suivi des acquis scolaires de l’élève, réalisé sur la base des connaissances et compétences » et il est question d’une moyenne  » ou tout autre positionnement de l’élève au regard des objectifs d’apprentissage fixés pour la période ». Les notes demeurent ou pas selon ce que décidera le collège. S’y ajoutent « une indication des actions réalisées dans le cadre de l’accompagnement personnalisé, ainsi qu’une appréciation de l’implication de l’élève dans celles-ci » et au cycle 4 « la mention et l’appréciation des projets réalisés dans le cadre des enseignements pratiques interdisciplinaires, en précisant la thématique travaillée et les disciplines d’enseignement concernées ».

Le bilan de fin de cycle comprendra « une évaluation du niveau de maîtrise de chacun des domaines et de chacune des composantes du premier domaine du socle commun de connaissances, de compétences et de culture ». Celle-ci se fera sur une échelle à 4 niveaux : « Maîtrise insuffisante ; Maîtrise fragile ; Maîtrise satisfaisante ; Très bonne maîtrise ».

Tous ces relevés seront informatisés dans « une application informatique nationale, dénommée livret scolaire unique numérique ».

Le retour à un nouveau livret de compétences ?

Mis en place après la loi de 2005 sur le socle, le « livret de compétences  » a laissé un mauvais souvenir de la première intervention du pouvoir politique dans le domaine de l’évaluation. Sa lourdeur a conduit à une validation souvent factice des compétences. « Le nouveau « livret scolaire de la scolarité obligatoire » a de quoi rivaliser avec les formulaires administratifs les plus abstrus, et sera une véritable purge pour les équipes enseignantes », prévient Jean-Rémi Girard, vice-président du Snalc, qui fait allusion au livret de compétences. Le fait que l’évaluation porte sur 16 items au cycle 2 et 20 au cycle 3, qu’ensuite on passe à une évaluation à quatre niveaux pour les disciplines du collège lui donne-t-il raison ?

Il s’indigne aussi de la disparition de la notation à l’école et du fait qu’au collège  » ce sont les niveaux de maîtrise des 8 domaines ou sous-domaines qui seront pris en compte pour l’obtention d’un diplôme du brevet encore plus tordu que l’actuel ».

Effectivement la notation sur 20 disparait à l’école mais elle y était devenue rare. Les notes continuent à exister au collège, où elles sont largement majoritaires. Les rares collèges qui les ont abandonné pourront aussi utiliser le nouveau livret numérique.

La double évaluation continue pour le DNB

A la complexité des livrets scolaires et des relevés intermédiaires, le ministère a ajouté celle du brevet. Le brevet reste soumis à une double validation : celle du socle et des épreuves terminales. « Pour nous le brevet devrait être accordé simplement avec la validation du socle », nous a dit Frédéric Sève , secrétaire général du Sgen Cfdt. Pour Frédérique Rolet, co secrétaire générale, « les enseignants tiennent à une validation par des épreuves terminales ». Entre les deux, le projet ministériel garde les deux modes d’évaluation et les équilibre. « Le ministère a fait un compromis », nous dit F Rolet. « entre la loi d’orientation et le Code de l’éducation et le fait que la profession fait le choix de l’évaluation terminale ».

Une évaluation qui traite différemment les disciplines ?

Pour Claudie Paillette, secrétaire nationale du Sgen, le principal changement c’est que l’évaluation finale des compétences donnera enfin aux élèves le temps d’apprendre. Frédérique Rolet s’interroge, elle, des effets de cette évaluation sur les élèves. « Certaines disciplines seront évaluées nettement au brevet. D’autres ne seront plus évaluées que de façon marginale dans un domaine parmi d’autres. Par exemple les langues vivantes ou les arts. Quel effet cela aura-t-il sur les élèves ? Ne risquent-ils pas de moins les travailler ?  »

La nature des épreuves terminales pose aussi question : s’agira-t-il d’une épreuve interdisciplinaire ou d’épreuves disciplinaires en parallèle ? F Rolet ne voit pas comment une épreuve commune pourrait traiter à égalité des disciplines aussi différentes que la technologie, les maths et les SVT.

Une autre question est posée pour l’évaluation des compétences : comment les enseignants feront-ils pour évaluer les compétences en commun ? Pour le Sgen ce travail collectif est fondamental. C Paillette estime que « les équipes prendront le temps » de le faire.

Finalement le Sgen regrette que le DNB ne soit pas accordé avec la validation du socle. Il regrette aussi que les livrets scolaires ne soient pas uniformes par cycle et qu’il y ait au cycle 3 ub livret école et un collège. Mais globalement juge positivement la nouvelle évaluation.

Pour F Rolet, ces changements arrivent en plein conflit. « On avait conseillé au ministère de ne pas précipiter les choses. Dans le contexte actuel de conflit sur la réforme du collège, c’est certain qu’il y aura des réactions et des blocages ».

François Jarraud

Téléchargez les projets d’arrêtés :

L’épreuve du DNB

Le livret scolaire et les relevés intermédiaires

Le décret

Communiqué Snalc

Evaluation : Le DOSSIER