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Quel degré de surprise dans les décisions ministérielles sur l’évaluation à l’école et au collège rendues publiques le 30 septembre ? Le Café pédagogique en a révélé les grandes lignes le 28 septembre. Mais sans doute convient-il de revenir sur les spécificités de l’évaluation en France. Pour cela, le rapport remis par le Cnesco en décembre 2014, apporte des éclairages intéressants. Ces pistes seront-elles suivies par la ministre ?

Noter de 1 à 4 ?

L’étude montre la grande variété des modes d’évaluation dans les pays développés. Cela va de la notation de 1 à 100 en Corée ou au Québec, aux lettres ABCDEF utilisées en Suède. La remarque souligne, si besoin était, l’absurdité du débat sur le maintien ou non de la note.

Un mouvement mondial de repli de la liberté pédagogique

Mais N Mons a surtout situé le débat sur l’évaluation dans l’évolution globale des systèmes éducatifs. Elle constate que depuis les années 1970 et surtout 1990, dans tous les pays développés on assiste à un encadrement croissant des procédures d’évaluation. Partout de nouveaux textes réglementaires tentent de contraindre l’évaluation pratiquée par les enseignants. La France fait exception. Le socle commun de 2005 a bine essayé d’encadrer les pratiques enseignantes avec le livret personnel de compétences mais avec un rare insuccès. Si les enseignants français sont cadrés par un programme national de façon très stricte, ce qui n’est pas forcément le cas ailleurs, ils ont toute liberté pour concevoir les procédures et els supports d’évaluation. L’enjeu de la conférence nationale c’est d’en finir avec cette liberté enseignante pour cadrer la façon dont les enseignants évaluent en France comme cela se pratique,par exemple avec des tests nationaux, ailleurs.

La France peu préparée est au milieu du gué

N Mons montre aussi que la France est particulièrement peu préparée à cette évolution. De tous les pays de l’OCDE c’est le pays où on pratique le moins l’auto évaluation par les élèves. C’est le pays où la coopération entre enseignants est la moins développée alors qu’ele sert de base au changement des pratiques d’évaluation.

D’où l’idée que la France « est au milieu du gué ». « Alors que, dans la grande majorité des pays de l’OCDE, des réglementations strictes imposaient dès les années 1970 des critères d’évaluation des élèves de plus en plus prescriptifs, et que, dans d’autres pays, les collectifs enseignants fortement présents imposaient, de fait, des formes d’harmonisation, les enseignants français ont longtemps bénéficié d’une marge de manoeuvre individuelle sur le sujet », écrit N Mons. « Depuis une dizaine d’années, la France a clairement rejoint le mouvement de réformes internationales qui rendent les réglementations plus prescriptives. C’est le cas, récemment, avec le développement du « nouveau socle commun de connaissances, de compétences et de culture (article 13 de la loi du 8 juillet 2013) » qui comporte de nouveaux critères d’évaluation des élèves par les enseignants. La France n’est donc pas ce « village gaulois » qui passerait à côté du raz de marée international des réformes en éducation ». Mais « entre immobilisme et mouvement, entre attente réglementaire et difficultés de mise en oeuvre d’une politique d’évaluation, la France est désormais au milieu du gué… C’est cet assemblage, à ce jour hétéroclite, d’ancien et de nouveau qu’il faut mettre en cohérence à l’avenir. C’est la condition de la lisibilité de l’école pour les professionnels de l’éducation qui y oeuvrent au quotidien, mais aussi pour les parents, soucieux de suivre et de comprendre les progrès de leurs enfants à l’école. »

Un débat intensément politique

Un dernier apport, décisif, de l’étude c’est de faire le lien entre évaluation et alternance politique. N Mons montre que la question de l’évaluation des élèves est un sujet politique. Elle explique comment l’Angleterre conservatrice vient d’imposer la note A+ pour distinguer la crème qui alimentera « Oxbridge » du vulgaire. Elle le montre aussi clairement en reprenant l’exemple des cantons de Genève et de Vaud en Suisse. A Genève, une majorité de gauche impose une évaluation formative. Cela entraine un débat politique mené par la droite qui se remet en selle politiquement en défendant une évaluation sommative assurant le tri des élèves. Un référendum (une votation) tranche et se fait en faveur de la droite chargeant le gouvernement de gauche en place de changer la donne. Autrement dit les évaluations sont un sujet politique. C’est aussi sur ce terrain que l’initiative ministérielle doit être attendue.

François Jarraud

Evaluation : Ce que prépare le ministère

Evaluation : le DOSSIER

L’étude du CNESCO

L’évaluation question politique

Etude sur le bac pro

Le dossier Evaluation