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« Ce colloque se veut résolument professionnel ». C’est à travers ces mots que François Lavie, président de l’AE-EPS a introduit ces deux journées placées sous la thématique « l’observation et l’évaluation au service des progrès des élèves en EPS ». Au programme plusieurs conférences mais également une quarantaine de communications de professeurs d’EPS bien actifs sur le terrain. Au total, 2 jours très riches où il est question, par exemple, des classes sans notes et de l’évaluation des apprentissages méthodologiques et sociaux.

Un colloque interpellant les pratiques enseignantes

Najat Vallaud-Belkacem a rappelé dernièrement que la loi d’orientation « appelle à faire évoluer les modalités d’évaluation des élèves vers une évaluation positive, simple et lisible, valorisant les progrès de l’élève, encourageant les initiatives et compréhensible par les familles, pour mesurer le degré d’acquisition des connaissances et des compétences ainsi que la progression de l’élève ». Cette thématique de l’évaluation est au cœur de la refondation de l’école. Le traitement par l’AE-EPS de cette thématique pour cette première biennale est donc en phase avec les enjeux de l’école, avec pour objet d’identifier le rôle et la plus-value de l’observation et de l’évaluation en EPS.

Mais surtout les productions des auteurs invitent à faire évoluer les pratiques enseignantes autour d’une évaluation à la fois outil pour apprendre et outil pour vérifier les acquis des élèves. C’est le rapport de l’élève dans son processus d’acquisition qui semble être le réel enjeu et ici interrogé par les différents collègues.

Qu’entendre par évaluation ?

Quand on parle d’évaluation on a souvent tendance à la confondre à la notation ou l’évaluation sommative. Pourtant, suffit-il de supprimer les notes pour résoudre les problématiques scolaires ? Justement le forum y consacre un temps important. Autre pratique à la mode, les TICE qui ont l’écueil d’être souvent considérée comme une fin. Nous verrons justement en quoi les TICE peuvent être un outil pour évaluer mais surtout pour permettre à l’élève de s’inscrire dans son processus d’acquisition.

D’ailleurs dans la même logique, l’AE-EPS a présenté son groupe EPIC (évaluation par indicateur de compétence) qui place le regard du côté de l’élève apprenant. Pour prolonger le travail et les réflexions des intervenants, il sera intéressant de savoir comment évaluer les enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI), institués par la réforme actuelle. Quelles compétences seront développées par les collègues ? Sur quels indicateurs s’appuieront-ils pour montrer que les élèves les ont bien acquises ? Quoi observer et comment les évaluer ?

Les classes sans notes, est-ce bien important ?

C’est un peu à la mode actuellement. En effet, de nombreux établissements scolaires ont opté pour des expérimentations avec des classes sans notes. Quel retour peut-on en faire ?

A. Feyfant souligne que « supprimer les notes ne marche pas » (pression des familles, des gouvernements). Pour autant, ça n’est pas forcément le problème, il faudrait aller vers une évaluation pour les apprentissages : « le problème, c’est bien ce qu’on fait avec les élèves ». L’intervention de Benjamin Chabauty va d’ailleurs dans le même sens en montrant des résultats plutôt mitigés en étudiant 3 classes sans notes : « il ne suffit pas de supprimer les notes pour amener une plus-value à l’évaluation et faire en sorte que tous les élèves réussissent. Par contre, le fait d’évaluer sans notes a soulevé un certains nombre d’obstacles et inciter à évoluer par rapport à ces obstacles (pour toutes les disciplines) ».

Par exemple, l’équipe de chercheurs s’est rendue compte que les élèves les plus en difficulté étaient toujours aussi stressés, par manque de compréhension de ce qu’on attendait d’eux : « plus de 50% des élèves les plus en difficulté ne savent pas comment progresser ». De plus, l’engagement de tous les élèves dans les apprentissages n’est pas non plus garantie. Cela a amené les auteurs à proposer de travailler autour d’objets d’enseignement envisageant les compétences de façon curriculaire, de sorte que chaque élève soit tout le temps en train de chercher à passer d’une étape d’acquisition à la supérieure. Les pistes de travail nous paraissent intéressantes à creuser ans la logique de l’évaluation positive.

Utiliser le numérique pour observer et/ou évaluer

Quel rôle les TICE peuvent-elles avoir pour l’apprentissage des élèves ? C’est une question à laquelle plusieurs intervenants ont essayé de répondre. Nicolas Hayer a montré par exemple comment aider les élèves en course d’orientation, activité où par essence le professeur ne voit pas ses élèves, grâce à des montres GPS. L’utilisation des Tice se révèle ainsi un des seuls moyens permettant de comprendre les stratégies d’élèves de façon objective, permettant ainsi leur régulation.

De façon plus générale, comme le soulignent Eric Dauphas, Sébastien Lacroix et Yoann Tomaszower du GREID-EPS de Créteil (que nous avions interviewés), les Tice doivent questionner l’enseignant sur leur utilisation. Il est en effet plus facile aujourd’hui d’observer, d’analyser une prestation, d’évaluer, toute la difficulté se situant pour l’enseignant de « rendre efficace et profitable pour l’élève » cette utilisation.

L’évaluation par indicateur de compétence

L’approche quantitative de l’évaluation peut-elle permettre de favoriser les apprentissages ? Telle est la question que se pose le nouveau groupe de l’AE-EPS nommé « épic » (évaluation par indicateur de compétence). Des formes de pratique scolaire ont mis en avant des « scores parlants » : le « 1/10/100 » ; le « 12001 » etc. Ces « scores parlants », selon les collègues qui travaillent dessus permettent de renseigner rapidement les élèves sur ce qu’ils viennent de produire avec pour idée que le quantitatif (le score) permet de renseigner le qualitatif. Selon David Rossi, « c’est aussi un système qui facilite l’observation de l’élève et qui surtout crée des émotions (point 100 ! 10 !) : ça prend du sens, ça facilite le fonctionnement de l’enseignant ».

Comment évaluer les apprentissages méthodologiques et sociaux ?

Comment passer d’une évaluation des apprentissages à une évaluation pour les apprentissages ? Les stratégies d’enseignement des professeurs sont au cœur de cette démarche en vue de la réussite des élèves, ce que Carole Sève a exposé lors de sa conférence « Conceptions de l’apprentissage et formats d’observation de l’activité des élèves ». Ces stratégies d’(auto)observation, d’(auto)évaluation, les rôles de juges, de coach, d’aide… souvent réalisés par les élèves ont fait émerger la place des acquisitions méthodologiques et sociales. Bien évidemment, il ne s’agit pas de les écarter, ce qui serait un retour en arrière, mais bien de questionner leur place.

Comment, jusqu’à quel point l’enseignant peut-il les utiliser au service des apprentissages des élèves, tout en garantissant des temps moteurs conséquents ? C’est une question que se sont posés de nombreux participants et qui doit interroger la profession. Demeure une question importante sur l’évaluation des enjeux éducatifs ? Quels indicateurs proposer, révélateurs d’une éducation à la citoyenneté ou à la santé réussie ? N’est ce pas au regard du nouveau socle commun un enjeu important pour la profession ?

Un colloque professionnel

En effet, autour de 4 conférences « savantes », les 40 communications professionnelles se sont appuyées sur des vidéos d’élèves en situation. Les interventions étaient donc vivantes, professionnelles et les participants ont eu leur place aussi car un temps conséquent était réservé aux échanges. Nous avons clairement senti qu’il y avait un besoin d’échanges de la part des participants, ce qui fait finalement évoluer les façons de penser, de concevoir le métier d’enseignant. Cela nous a semblé être les vrais moments forts de ces deux journées !

Pour terminer, si vous souhaitez aller plus loin, les actes seront publiés à travers un Dossier « Enseigner l’EPS N°2 » qui sortira au début de l’année 2016.

Par Antoine Maurice et Benoit Montégut

L’AEEPS