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Le cycle 4 est pour un certain nombre d’élèves le cycle de tous les dangers. En pleine mutation, les élèves vivent plus ou moins bien leur situation scolaire et personnelle. C’est souvent un moment où les illusions s’envolent. Pour ces élèves, Marc Souvignet, professeur d’EPS au collège Marcel Pagnol de Bonnières sur Seine (78) propose une classe spéciale, porteuse de projets pour l’établissement et qui permet dans le même temps de redonner confiance à certains élèves en leur montrant qu’ils ont des savoir-faire, des compétences particulières qu’ils peuvent exploiter.

Quel est l’historique de votre projet ?

Ce projet a deux années d’existence, il est la suite logique de projets antérieurs, et s’intègre dans l’accompagnement éducatif. Dans notre établissement, on fait le constat d’une part que certains de nos élèves dès la classe de 5ème sont en voie de décrochage scolaire, ont une faible estime d’eux-mêmes et peu de persévérance. Dans le même temps, les élèves sont de façon générale demandeurs de projets et d’animations dans le collège. L’idée est de réunir un groupe d’élèves plutôt en difficulté, de travailler avec eux pour préparer, organiser des temps forts pour notre établissement.

Les élèves ne savent pas qu’ils sont dans un groupe que j’appelle « parcours estime de soi ». Je préfère leur parler de club d’initiatives et d’animation au Collège.

Comment se passe le recrutement des élèves ?

C’est en fonction du profil des élèves, ils sont recrutés par les professeurs principaux. Le profil recherché se base sur quelques indicateurs tels que l’absentéisme, le décrochage scolaire, des problèmes de sens, des soucis de persévérance, également des problèmes sur l’image de soi. Les élèves sont souvent détectés comme étant en manque de confiance, en manque de valorisation ou à l’opposé des élèves en recherche permanente de reconnaissance des pairs, des adultes. C’est finalement un peu l’archétype des problématiques des élèves de 5ème-4ème, entre ceux qu’on voit tout le temps, et ceux qu’on ne voit jamais.

Au cours de la première séance, je convoque les élèves, je leur montre ce qu’ont fait leurs prédécesseurs et à l’issue de cette séance, ils ont le choix de s’investir ou non dans le projet.

Vous avez des élèves ULIS intégrés avec un groupe de 24 élèves. Comment cela se passe-t-il ?

Mes collègues de la classe ULIS me donnent les élèves qui peuvent travailler en groupe. Les élèves ULIS sont bien intégrés dans l’établissement, les mettre dans un tel dispositif ne peut qu’avoir des effets bénéfiques pour eux. Généralement, je m’assure qu’ils ont bien compris le message lorsque je viens de donner une consigne à la classe. Mais comme nos objectifs pédagogiques sont très pratiques, ils ne sont vraiment pas pénalisés.

Quels sont les objectifs du dispositif ?

Les objectifs sont de proposer des opportunités qui permettent à nos élèves de mieux se connaître, de prendre des initiatives, de participer à la vie du Collège et enfin de travailler avec les autres. Pour cela, je vais proposer des animations dans lesquelles ils vont pouvoir s’exprimer, briller. Pour les élèves plutôt en manque de confiance, on fait attention à ce qu’ils ne soient jamais seul, toujours accompagnés dans un groupe. Il y a un moyen de rester « caché » à l’intérieur d’un groupe, tout en développant des compétences.

En relation avec un travail effectué avec ma collègue conseillère d’orientation psychologue, on suppose que nos actions vont contribuer à la connaissance qu’ils ont d’eux-mêmes, de leurs capacités, de contribuer à une image plus positive, de construire des attitudes plus autonomes, en lien avec les objectifs du socle commun de développement de la personne et du citoyen.

Comment les actions sont-elles planifiées sur l’année ?

Toutes les actions que nous proposons s’enchaînent au fur et à mesure que l’année avance. Au début d’année, les élèves participent à l’organisation du cross. Ensuite, ils travaillent sur le logo de l’association sportive, de leur club. Nous organisons aussi la course contre la faim et les interclasses des 6ème sont également préparées par le groupe.

Comment sont perçus les élèves par les autres ?

Les élèves sont connus et très bien vus de leurs camarades. En effet, la course contre la faim réunit 150 élèves, plus de 300 élèves pour les interclasses de 6ème. En organisant les parcours, ça ne peut qu’être positif pour ces élèves, c’est une forte reconnaissance, d’autant plus qu’on prend le temps à chaque remise de récompense de les remercier. De plus, en créant leur logo, on se débrouille pour le floquer sur un t-shirt qu’ils mettent lors des manifestations. Ils sont reconnaissables de tous.

Après deux années de fonctionnement, quel bilan tirez-vous de cette expérience ?

En ce qui me concerne, je trouve qu’un tel dispositif nous permet d’avancer vers l’interdisciplinaire, ce que je crois beaucoup. D’autre part, travailler autour de l’estime de soi est un enjeu central pour nos élèves. Bien souvent, ça n’est pas un problème de capacités. C’est un dispositif qui me semble bien adapté à nos élèves, il commence à être bien reconnu dans l’établissement. J’ai dû faire face cette année à un afflux de demandes, que je n’ai pas pu toutes satisfaire. En revanche, je trouve dommage que ce dispositif ne soit pas bien compris par mes collègues.

Vos collègues n’ont pas pris fait et cause pour le dispositif ?

Effectivement, l’investissement de mes collègues est plutôt un échec. Avec mon collègue d’EPS qui s’occupe du PSC1 (secourisme) et la COPsy, nous sommes seulement 3 à être convaincus du dispositif. C’est pour moi l’écueil du travail interdisciplinaire. Par exemple, lorsque j’ai donné les feuilles aux collègues professeurs principaux pour pressentir les élèves qui pourraient intégrer le groupe, seulement la moitié des professeurs principaux m’ont répondu.

Avec la mise en place de la prochaine réforme des Collèges, ce manque de travail en commun ne va-t-il pas poser problème dans votre établissement ?

C’est une certitude. Pourtant, ce travail interdisciplinaire nous semble fondamental, et ce depuis plusieurs années. Nous l’avions mis en place dans le cadre de l’accompagnement éducatif. Dans le cadre des EPI ou de l’AP, nous verrons comment ce dispositif peut ou non être maintenu. Mais être seul, c’est très difficile, un vrai travail d’équipe doit être engagé chez nous.

Pour terminer, avez-vous mis en place des indicateurs qui mettraient en évidence une relation positive entre le dispositif et la réussite des élèves, leur estime de soi ?

Sur les travaux pratiques, on voit une nette amélioration dans les prises de paroles des élèves, dans leur autonomie et leur implication. De façon très pratique, nous avons mis en place un « arbre des savoir-faire ». Les élèves doivent faire l’inventaire de leur savoir-faire. On retrouve donc des savoir-faire communs (se brosser les dents, s’habiller etc.), et des savoir-faire spécifiques (comme cuisiner par exemple). On s’aperçoit que les élèves ont beaucoup de savoir-faire, sans en avoir vraiment conscience. Après chaque action, les élèves font un retour et complètent leur arbre. Du coup, en prenant une photo des arbres en début d’année et en fin d’année, les élèves voient clairement une progression dans leur savoir-faire, en espérant leur redonner un peu de confiance en eux, d’estime de soi.

Propos recueillis par Antoine Maurice et Benoît Montégut

Le projet