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Au coeur des réformes depuis un demi siècle, l’autonomie des établissements ne cesse d’apparaitre comme la solution aux difficultés de l’Ecole pour, sans cesse, se dérober. Administration & éducation, la revue de l’AFAE, lui consacre son dernier numéro sous le titre « l’autonomie, pour quoi faire « . La question du pourquoi y est effectivement traitée. Mais ce sont surtout les obstacles à l’autonomie qui alimentent le débat. L’un d’eux émerge nettement pour les « acteurs de l’éducation » (ex administrateurs de l’éducation) : le statut des enseignants. Au final, 50 ans après les premiers textes qui ont lancé l’idée de l’autonomie, c’est surtout une image de l’autonomie impossible qui se dégage des interventions. L’autonomie dépitée ?

Où en est-on ?

Où en est-on dans l’autonomie des établissements en Europe ? Bernard Hugonnier se livre à une analyse basée sur Eurydice qui montre que « l’autonomie des établissements est encore loin d’être une réalité ». C’est déjà qu’elle s’exerce très peu quand il s’agit de choisir le chef d’établissement ou de fixer ses devoirs. Seulement 3 pays sur 27 font bénéficier d’une autonomie totale leurs établissements sur ces points. Quand i s’agit des enseignants c’est plus nuancé. Dans uen quinzaine de pays les établissements choisissent les enseignants et peuvent les mettre à pied et dans une vingtaine ils peuvent choisir les remplaçants. Dans uen vingtaine de pays l’établissement influe sur les devoirs des enseignants. Si le curriculum reste presque partout une affaire d’Etat, une assez large autonomie prévaut dans le choix des méthodes d’enseignement, des manuels et des évaluations.

New Public Management

En France, l’idée d’autonomie vient de loin. La revue cite 1968 et le décret Faure ou encore le décret fondateur de 1985. Mais JP Delahaye fait remonter l’autonomie aux père fondateurs de la IIIème République en rappelant les tentatives d’autonomie données aux lycées avant 1914. Gérald Chaix montre comment l’idée d’autonomie se situe dans un cadre de pensée plus large, celui du New Public Management qui a remis en question l’état providence en injectnat dans l’administration des notions venues de l’entreprise comme le terme même de management. « L’Etat ne cherche plus à être le lieu où le bien commun et juste se construit… mais se contente d’être le lieu de la recherche rapide, économe et parfois autoritaire des moyens les plus appropriés pour l’atteinte de finalités générales.. qui sont celles que lui imposent le triomphe du capitalisme, la mondialisation économique ».

Le moteur de l’autonomie est à chercher dans la quête de réponses à la démocratisation de l’enseignement. Le système administré manque d’efficacité et creuse les inégalités. G Chaix rappelle que 69% des parents estiment que l’éducation nationale ne garantit pas l’égalité des chances, qu’une grande majorité des enseignants s’estime peu préparée à l’hétérogénéité des publics et que 37% d’entre eux juge l’évolution du métier nocive. Du coté des chefs d’établissement seulement 38% sont satisfaits de l’état actuel d’autonomie. L’Ecole se trouve dans une injonction de réussite pour tous alors qu’elle laisse peu de marge sur le terrain pour y répondre.

Quels obstacles ?

Mais l’essentiel du numéro est consacré aux obstacles, ce qui donne cette idée d’une autonomie dépitée, tous les auteurs de ce numéro étant favorables à l’autonomie des établissements. « Une partie des acteurs de l’éducation considère qu’un pilotage national fort est de nature à garantir l’égalité des territoires », rappelle JR Cytermann. Il relève aussi la maigreur de la politique contractuelle entre les établissements et ses tutelles. Un chef d’établissement, JC Torres , parle lui de « concept inopérant » malgré des « cabris de l’autonomie ». « L’autonomie fait peur », dit-il. « Elle effraie les syndicats enseignants…Elle déroge à la culture administrative en vigueur depuis toujours.. Elle inquiète nombre de personnels d’encadrement qui lui associent davantage de complexité dans leur mission ». JC Torres ironise sur l’autonomie actuelle fixée par le décret d e1985 : « les établissements sont libres de placer les élèves dans leurs classes , de faire les emplois du temps. Taches essentielles mais peu centralisables ». L’autonomie c’est ce qui reste quand on a tout déconcentré… Cette autonomie statutaire n’est donc bie qu’un cadre juridique vide de tout contenu ». Elle est résumée dans la position du chef d’établissement à la fois président du conseil d’administration et fonctionnaire soumis aux injonctions centralisées.

Le statut enseignant principal obstacle

Mais l’obstacle mis au centre du numéro ce sont les enseignants et particulièrement leur statut. « N’a -t-on pas davantage de manoeuvre quand on est enseignant dans un établissement qui reçoit des consignes nationale et donc lointaines », rappelle JP Delahaye. « La dépendance hiérarchique qui déresponsabilise et le pilotage lointain qui donne une liberté peu contrôlée sont somme toute assez confortables ».

L’idée d’autonomie est évidement portée par la réforme du collège qui est évoquée dans plusieurs articles comme un défi « ceux qui le rélèveront permettront au système de faire des progrès considérables » comme le dit JL Durpaire. Il relève aussi l’impact du numérique dans les établissements comme un moteur d’autonomie.

Quelle école après 2017 ?

La question posée par le numéro n’ets pas vraiment « pour quoi faire ». Là dessus els contributeurs semblent convaincus des bienfaits d’une autonomie qu’ils perçoivent surtout comme un outil de gestion locale permettant aux cadres de prendre leur essor. La question cachée du numéro c’est plutôt quand. Globalement l’autonomie semble suspendue 3 ans et demi après le lancement de la refondation. Le mot n’est jamais prononcé mais tous y pensent : 2017. Mais les plus perspicaces voient aussi que 2017 va relancer le débat de l’autonomie. « Il y a deux manières de penser et de faire vivre l’autonomie », écrit JP Delahaye. « S’il y a deux visions de l’autonomie c’est qu’il y a deux visions de l’école et donc de la société ». L’autonomie sera-t-elle au service d’un marché de l’éducation ou du progrès d’un système éducatif qui doit donner leur place à tous les jeunes ? C’est là que se justifie le titre de ce numéro.

François Jarraud

L’autonomie, pour quoi faire ?, revue Administration & éducation, n°2015-3.

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