Print Friendly, PDF & Email

Inaugurés le 18 janvier par la ministre pour « assurer l’égalité des opportunités de réussite », les parcours d’excellence sont-ils une réponse valable aux inégalités profondes dans le système éducatif ? Le dossier publié par le ministère éclaire davantage ce nouveau dispositif.

Ce nouvel accompagnement des élèves de la 3ème à la terminale est présenté de façon ambigue par le ministère. Selon lui, il s’agit de « généraliser l’accompagnement des collégiens de Rep+ volontaires ». La même formule a été utilisée par F Hollande à propos du service civique , lui aussi appelé à être « généralisé » tout en étant réservé aux volontaires…

Cette hésitation dans les termes n’est pas le fruit du hasard. C’est que le dispositif veut assurer l’égalité tout en ne s’adressant qu’à une minorité, les volontaires. On est là dans une des contradictions d’un dispositif égalitaire. Le ministère table en fait sur 20% des élèves, ce qui serait déjà beaucoup. Le communiqué officiel donne deux raisons à ce dispositif.

D’une part il y a l’idée qu’en accompagnant en dehors des cours les élèves on les aidera à réussir. Le dossier ministériel explique qu’il s’inspire des Cordées de la réussite, un dispositif peu évalué et qui est peu présent dans les établissements populaires. Si l’efficacité des Cordées reste à établir, on a eu par contre une évaluation des dispositifs d’aide proposés aux élèves des internats d’excellence. P Rayou a pu montrer, dans Aux frontières de l’école, que ces dispositifs, qui ressemblent à ce que veut mettre en place le ministère, ont échoué et ont finalement été désertés par les élèves. Il ne suffit pas d’offrir des visites de musée pour transmettre la culture bourgeoise. Il ne suffit pas d’une aide en dehors de la classe pour résoudre les difficultés des élèves. Ce n’est pas parce que les élèves travailleront plus, qu’ils auront un encadrement plus attentif que les difficultés, souvent anciennes, s’envoleront.

Une autre idée fonde ce dispositif : l’idée que ce qui empêche les élèves de réussir c’est l’autocensure des familles. Deux études récentes, un rapport de l’Inspection et une étude de la Depp, ont montré que cette autocensure existe. Mais là aussi il ne suffit pas de la gommer pour que la réussite arrive. On aimerait croire qu’il suffise de promouvoir l’information sur les filières sélectives et de donner un coup de pouce ministériel pour que la sélection sociale des élites s’atténue. Malheureusement c’est plus compliqué. Sylvain Broccolichi et Rémi Sinthon, dans un article paru dans le numéro 175 de la Revue française de pédagogie, en ont fait la démonstration. « On disait que les enfants de milieu populaire ont des ambitions moindres et que ça expliquait les écarts d’orientation. Ce qui est masqué c’est que quand on suit le devenir de ces jeunes de milieu populaire, ceux qui semblaient exagérément prudents en fait échouent beaucoup plus que leurs camarades de niveau apparemment à peu près identique. Cela s’explique par le fait que les chances de progresser des élèves au cours des années sont très inégales selon les catégories sociales », nous avait dit Sylvain Broccolichi en 2011.

Cette idée que c’est l’autocensure des familles qui nuit à l’égalité dans l’orientation, il estime qu’elle « déculpabilise l’institution puisque c’est soi-disant les familles qui n’osent pas demander une orientation meilleure… Et puis elle donne un semblant de solution simple : il suffirait de les encourager à oser y aller ! » Le problème vient après et particulièrement en CPGE. « Les enfants des milieux populaires semblent vouloir y aller moins que les autres mais ils y échouent beaucoup plus que les autres. En fait, ils ont de bonnes raisons d’hésiter à y aller ! »

Avec ce nouveau dispositif, la ministre montre qu’elle veut lutter contre les inégalités dans le système éducatif, ce qui est une nécessité absolue. Mais l’aide efficace c’est déjà dans la classe qu’elle doit avoir lieu. Faire en sorte qu’il y ait des enseignants en Rep+, qu’ils soient remplacés, que ce ne soit pas systématiquement des débutants, que les effectifs d’élèves soient nettement plus bas, voilà des pistes déjà bien repérées pour assurer le droit à une offre éducative égale. Car c’est bien déjà de cela qu’il s’agit…

François Jarraud

Dossier de presse

Rayou

Broccolichi