Print Friendly, PDF & Email

L’interdisciplinarité, ce sont les profs bivalents qui en parlent le mieux ? François Jore est PLP lettres/histoire affecté sur un poste spécifique français/histoire au collège de Saint-Aubin-du-Cormier dans l’académie de Rennes. Ses élèves de 5ème réalisent chaque année un webdocumentaire sur une ville où ils sont amenés à séjourner (Dublin, Rome). Un blog recueille leurs comptes rendus de recherches, qui préparent le voyage et que le voyage permet ensuite de compléter et d’affiner. Des productions audiovisuelles ou numériques viennent aussi « augmenter » le parcours culturel. François Jore nous livre des pistes et des conseils éclairants pour les EPI à venir, soulignant d’ailleurs une limite de la bivalence : « l’inconvénient est qu’un autre collègue aurait enrichi le projet ! »

Dans quel cadre ce projet de webdocumentaire s’est-il déployé ?

Toutes les classes de 5ème de notre collège avaient jusqu’à l’année dernière une heure hebdomadaire de projet associé à un voyage scolaire. Enseignant en Français et en Histoire – Géographie dans la même classe, je souhaitais trouver une forme motivante et efficace pour préparer les visites de Dublin. J’étais parti au début sur l’idée d’une webradio mais cela s’est avéré plus compliqué que prévu au niveau matériel. C’est alors que j’ai vu des webdocumentaires présentés sur le site du Monde. Je me suis rendu compte que c’était facilement transposable en classe et que cette forme présentait de nombreux avantages. Elle me permet de travailler des compétences très variées : lecture, écriture, prises de vues, tâches multimédias et les élèves peuvent exprimer aisément leur créativité.

Le webdocumentaire prend la forme d’un blog qui rassemble les productions des élèves : pouvez-vous en éclairer le contenu ?

Le webdocumentaire présente principalement les lieux et monuments que nous avons visités. Il comporte aussi des articles plus généralistes sur le mode de vie, l’histoire, les traditions, les spécialités culinaires du pays… Celui consacré à Rome est aussi riche de descriptions des œuvres d’art les plus célèbres visibles dans cette ville.

Comment le travail de préparation s’est-il déroulé pour parvenir à ces productions particulièrement claires et variées ?

L’année n’a pas commencé avec un plan entièrement préparé. Je souhaitais une démarche un peu expérimentale pour que les élèves puissent s’approprier leur documentaire et qu’ils proposent des sujets d’articles ou des lieux de visite. Ils ont commencé l’année en travaillant par groupe sur la façon de vivre du pays, son histoire, sa géographie, ses symboles… Certains sujets se sont révélés difficiles à traiter et ils ont été abandonnés. Une première série d’articles a alors été écrite. Puis nous sommes passés à une deuxième série, qui concernait les visites. Les élèves ont effectué des recherches sur les monuments. Cela leur a permis de choisir ceux qu’ils avaient envie de visiter et de contribuer à construire l’itinéraire au jour le jour. Puis ils ont rédigé les articles. Ces textes leur ont servi de support pour jouer les guides touristiques auprès de leurs camarades lors du voyage. Chaque groupe avait en outre le rôle de photographier et filmer si c’était possible le lieu qu’il avait étudié préalablement.

Au retour, les articles ont été réécris, enrichis des informations trouvées sur place. Les élèves ont choisi et mis en page les photos pour illustrer leurs textes. Une fois l’article corrigé et validé par l’enseignant, le groupe pouvait alors le mettre en ligne.

Le webdocumentaire, forcément multimédia, présente quelques réalisations audio et/ou vidéo : pouvez-vous nous les présenter ?

Un webdocumentaire est avant tout un reportage qui utilise différents médias. Les élèves étaient ravis de filmer chacun leur tour les monuments et les quartiers. Quand nous en avons eu le temps, au retour, ils ont écrit et enregistré des commentaires pour illustrer leurs images.

J’ai aussi utilisé les compétences et les talents des élèves. Certains aimaient chanter. Ils se sont alors enregistrés à chanter des classiques de la chanson italienne et cela a servi de fond sonore à certaines vidéos. D’autres ont voulu réinvestir leurs connaissances sur la prononciation italienne. Ils ont donc réalisé des vidéos sur le vocabulaire de base, les nombres.

Le travail s’est aussi enrichi de productions numériques originales : avec quel intérêt selon vous

Tout au long du projet s’est posée la question de la présentation et de la mise en valeur des informations. Pour rendre notre site plus attractif, nous avons décidé d’utiliser le site internet Voki qui permet facilement de créer un avatar animé. Il nous a permis de présenter le blog. De même, le site Padlet, qui permet de créer un mur virtuel, nous a paru adapté à une présentation des proverbes du pays.

Un autre exemple d’expérimentation et d’adaptation concerne l’utilisation du site internet Scribble Maps. Lors de la préparation des visites par journées à Rome, il nous est paru compliqué d’organiser l’itinéraire. Nous avons travaillé d’abord sur des cartes papier, puis nous sommes passés rapidement au support numérique en utilisant un site que nous avions déjà utilisé en classe, Scribble Maps. Il permet de créer des cartes personnalisées et interactives. Au fur et à mesure de l’utilisation de l’outil, ses possibilités se sont révélées et nous avons décidé de lui donner une place centrale dans notre webdocumentaire. La carte est placée sur la première page et permet une navigation à l’intérieur du blog puisqu’en cliquant sur un lieu, vous trouvez l’article du blog qui lui correspond.

Un regret, celui de ne pas avoir le temps de travailler davantage la communication autour de notre blog avec les élèves. Nous nous sommes contentés de créer un QR code à partager sur les réseaux sociaux et d’écrire un article pour le magazine municipal de la ville du collège. Tous ces outils ont permis de susciter l’engouement et la créativité des élèves. Ils ont l’immense avantage d’être gratuits, simples d’utilisation et de s’intégrer facilement à un blog sous WordPress.

Au final, quel intérêt spécifique trouve chaque discipline dans un tel projet ? Quel vous semblent les intérêts de l’interdisciplinarité en elle-même ?

Il m’est difficile de répondre à ces questions, étant bivalent, j’ai toujours travaillé en interdisciplinarité et cela me semble naturel. L’avantage est que je suis souvent en accord avec moi-même, l’inconvénient est qu’un autre collègue aurait enrichi le projet !

Sur ce projet, le Français et l’Histoire ont toute leur place. En Français, un travail sur l’écriture d’un article a été mené. Les rôles du titre, de l’illustration ont été évoqués. L’intérêt principal est qu’un tel projet donne tout de suite du sens aux apprentissages, notamment en grammaire : les cours sur les reprises, la forme passive ont été mis en œuvre pour améliorer les articles. En Histoire, le chapitre sur la Renaissance a été travaillé en lien avec les œuvres d’art sur Rome.

Votre travail éclaire à sa façon les EPI à venir : quels enseignements en tirez-vous ? quels conseils pouvez-vous donner aux collègues amenés à s’y lancer ?

Ne pouvant cette année bénéficier d’une heure supplémentaire pour mener à bien le projet, notre webdocumentaire s’organise comme un EPI. Le choix de la destination s’est fait en fonction du programme d’Histoire. J’ai donc choisi d’emmener les élèves en reportage en Toscane et je traite une partie de mon programme d’histoire à travers cette région.

Ma petite expérience m’amène à penser qu’une grande souplesse au niveau des horaires est indispensable. Je consacrerai plus d’une heure par semaine au projet en moyenne sur l’année. Mais ce temps est globalisé. Nous ne ferons que travailler sur le projet pendant plusieurs semaines. La progression de Français s’est calée en fonction de celle d’Histoire.

Par ailleurs, susciter la créativité est assez difficile. Il ne faut pas que toutes les propositions viennent de l’enseignant. Je suggère beaucoup, trop sans doute. Pour y remédier, je fais la liste de tous les outils numériques que nous avons utilisés dans l’année et j’en présente quelques uns. Cela a été souvent le déclencheur d’idées venant des élèves.

Le plus difficile pour l’enseignant est de gérer cette multitude de tâches et de sujets au sein de la même heure de classe. La classe ressemble alors à une ruche : ça part dans tous les sens, chaque groupe d’élève a une tâche différente et il y a un bourdonnement incessant !

La réalisation d’un webdocumentaire est un projet long qui demande un engouement et un investissement importants de la part des élèves et des professeurs. Mais l’aspect multimédia et la perspective du voyage scolaire permettent d’entretenir la motivation de tous.

Propos recueillis par Jean-Michel Le Baut

Le webdocumentaire sur Rome

Le webdocumentaire sur Dublin