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Que sait-on du bien être perçu par les élèves à l’école ? Qu’est ce qui l’influence ? Quelles conséquences a-t-il ? Un rapport de recherche du Cren (Etude BE-Scol 2, Université de Nantes) apporte un nouvel éclairage sur ces questions. Original, il s’agit d’une étude longitudinale qui suit sur plusieurs années un millier d’élèves du primaire et du collège, ainsi que des enseignants et personnels de direction, sur plusieurs années. Agnès Florin, co auteure du rapport avec Philippe Guimard, Fabien Bacro, Séverine Ferrière et Tiphaine Gaudon ville, fait le point sur les apports de cette recherche.

De quoi se plaignent les élèves ?

Les élèves se plaignent davantage au collège qu’à l ‘école primaire. C’est liée à l’âge. Mais pas seulement : on voit une nette dégradation lors de l’entrée en 6ème.

Et le premier motif de plainte concerne la scolarité. Ils estiment avoir trop de travail (55% des écoliers et 60% des collégiens) et notamment trop de devoirs à la maison (49% des écoliers et 73% des collégiens). Ils aimeraient que les professeurs expliquent davantage (48 et 69%) et la moitié estime ne pas être assez félicitée.

Le point le plus difficile concerne les évaluations. 66% ont peur d’avoir une mauvaise note (75% au collège). 55% des élèves ont peur quand un enseignant écrit dans le carnet de correspondance. 52% ont peur de voir l’enseignant parler avec leur parent. Au fil des années ça ne s’améliore pas. En positif, les élèves citent la classe, la relation avec les autres élèves, le sentiment de sécurité.

Ce qu’on voie aussi c’est que la qualité de vie à l’école est liée au sentiment d’efficacité de l’élève et par là à son niveau scolaire.

A t-on un effet lié au type d’établissement ou à la catégorie sociale de l’élève ?

On a surtout un lien avec le milieu familial : avoir ses deux parents est préférable. On constate aussi que les élèves du privé ressentent une meilleure qualité de vie mais sont moins satisfaits de leurs activités scolaires et des évaluations. Ils sont aussi moins satisfaits de la restauration et des toilettes.

Observe-t-on une différence entre filles et garçons ?

Il y a peu de différences. Mais les filles sont plus satisfaites de leur scolarité et des relations avec les enseignants. Mais elles se sentent moins en sécurité et sont moins contentes des évaluations.

Que nous apprend l’étude sur les chefs d’établissement et les enseignants ?

On voit que dans le discours des principaux; le bien être revient souvent mais qu’ils ont du mal à le décrire. Par contre il n’apparait pas dans les projets d’établissement. On le voit davantage sous l’angle d’actions de prévention (contre le harcèlement par exemple) que dans la vie quotidienne. Pour que ça marche, il faut un responsable, une implication de l’équipe éducative et du temps dégagé pour cela.

Le rapport aboutit-il à des préconisations ?

On a l’impression que la question du bien être des élèves commence à être prise en compte dans les textes officiels ce qui est nouveau. Evidemment il y a un écart entre les textes et la réalité sur le terrain. Mais il y a des établissements où les enseignants se préoccupent beaucoup de cette question. Mais ce n’est pas encore le cas partout du fait d’une dichotomie ancienne entre l’enfant et l’élève.

Si on devait recommander quelque chose ce serait de considérer l’élève de façon plus globale. C’est prévu dans les programmes de maternelle. Ce serait bien que ça gagne les autres niveaux.

L’école est là pour accompagner le développement de l’enfant. Cela comporte le développement de son autonomie. Or la moitié des élèves se plaignent qu’on ne leur demande jamais leur avis. Une recommandation ce serait d’utiliser vraiment l’heure de vie de classe et que les élèves puissent choisir une partie des enseignements. Même tout petits, on voit que les enfants aiment prendre des responsabilités et qu’ils ont besoin d’être regardés comme responsables.

L’étude n’aboutit donc pas à des recommandations que sur le collège ?

Non. Au collège, les enfants ont davantage d’autonomie cognitive, sociale et affective. Et si on leur refuse d’être responsable c’est plus insupportable pour eux. Mais c’est ancré dès le primaire selon leur niveau. Par exemple, les enfants qui font du tutorat en maternelle dans des classes à niveaux différents ils aident les plus petits. Mais les plus petits leur apprennent aussi beaucoup en développant des compétences nouvelles d’attention à l’autre, de formulation etc.

Pour beaucoup d’élèves la vraie vie se réfugie hors de l’école ?

C’est le cas par exemple quand il s’agit du vivre ensemble. C’est pourtant une compétence absolument nécessaire dans la vie sociale et professionnelle. Voilà une compétence qui n’est pourtant pas travaillée à l’école.

Quels sont les freins à une amélioration du bien être à l’école ?

Le premier c’est le manque d’ouverture sur l’international. Quand on regarde les pays qui ont de bons résultats dans les enquêtes internationales (PIRLS, PISA) ce sont des pays qui ont développé l’auto-évaluation, le bien être des élèves. Contrairement à ce que certains pensent, haut niveau et bien être sont liés. Dans notre étude le lien n’est pas directe entre efficacité scolaire et qualité de vie. Il passe par le sentiment d’efficacité comme je l’ai indiqué plus haut. Quand la confiance s’améliore , les performances suivent c’est quelque chose de bien établi.

Dans la plupart des pays on encourage systématiquement les élèves. Nous sommes encore sur l’idée que l’élève est un adulte inachevé. Or un adulte est inachevé toute sa vie ! Avec cette idée on ne donne pas à l’élève la possibilité d’être reconnu comme responsable.

Propos recueillis par François Jarraud

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