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Réuni en congrès national du 6 au 10 juin, le Snuipp Fsu doit adopter un nouveau projet pour les années 2016 – 2019 et désigner un(e) nouveau / elle secrétaire général(e). Ne pouvant se représenter statutairement, Sébastien Sihr, secrétaire général sortant, fait un état des lieux de l’enseignement primaire à la fin d’une refondation qui a beaucoup promis à l’enseignement primaire…

C’est à Rodez que le nouveau bureau national du Snuipp Fsu sera élu à l’issue d’un congrès national de 5 jours, du 6 au 10 juin. Si le congrès a lieu tous les 3 ans, cette année il prend une importance particulière. D’abord parce que le syndicat doit choisir une nouvelle direction pour des raisons statutaires et il pourrait y avoir quelques changements dans la façon de diriger le syndicat. Ensuite parce que le congrès a lieu au terme d’un quinquennat qui voulait donner la priorité au primaire et quelques mois avant une probable alternance politique. Autant de raisons de donner la parole à Sébastien Sihr, secrétaire général sortant.

La motion présentée au congrès dit que dans la refondation de l’Ecole « le compte n’y est pas » ni pour les enseignants ni pour les élèves. Que voulez vous dire ?

Il faut d’abord dire que cette motion a été rédigée avant les dernières décisions ministérielles. Depuis il y a eu la mise à niveau de l’ISAE (une prime versée aux professeurs des écoles) avec l’ISOE (la prime des enseignants du secondaire), puis les propositions de revalorisation dans le cadre du PPCR. Ces deux mesures vont dans le bon sens. Dans le PPCR, le plus intéressant pour les enseignants du premier degré ce n’est pas tant le gain indiciaire que l’accès à la hors classe enfin offert à tous. En deux mois, le ministère a éclairé la situation salariale des enseignants. On peut regretter que ce soit tard . Mais ce sont de vraies avancées en matière salariale.

Si on regarde ce qui s’est fait sous ce quinquennat, il y a d’autres avancées : les créations de postes, les nouveaux programmes, la scolarisation des moins de 3 ans, les maitres surnuméraires, la réforme de l’éducation prioritaire par exemple.

Le problème c’est que ces avancées n’ont pas toujours été à la hauteur des besoins d’une école qui a payé la facture salée des années Sarkozy. Trop souvent , ces mesures qui vont dans le bon sens n’ont pas été suffisamment accompagnées pour une mise en œuvre réussie. Du coup, dans les classes, les collègues vivent peu de changements. Ils ont des classes chargées, peu de formation continue, des conditions de travail inchangées.

On peut citer en exemple la scolarisation des moins de trois ans et l’écart qu’il y a entre la circulaire de décembre 2012, qui définit des conditions spécifiques pour sa mise en œuvre, et ce qu’il en est réellement en classe. Aujourd’hui elle relève davantage de la course au chiffre que du projet pédagogique.

On peut aussi citer les programmes de maternelle. Sur le papier ce sont des programmes de qualité. Mais dans le monde réel ils n’ont toujours pas été imprimés et distribués dans les écoles alors que ce sont les outils de travail des enseignants. De plus la formation continue sur ces nouveaux programmes est indigente.

On ne change pas l’école en faisant tomber sur elle une pluie de décrets et de circulaires. Il faut penser l’accompagnement du changement. J’alerte d’ailleurs pour la rentrée 2016 sur le cycle 3. La mise en œuvre n’a pas été anticipée en ce qui concerne la liaison école collège qui est la grande nouveauté de ce cycle à cheval sur l’école et le collège.

Mais dans ce cas précis, le problème n’est il pas davantage dans les cultures enseignantes que dans les moyens ?

Il y a déjà beaucoup de choses qui se font en interdegrés sur le terrain particulièrement dans les Rep et en zone urbaine parce qu’il y a de la proximité géographique, un coordonnateur et du temps dégagé. Ailleurs c’est beaucoup plus difficile car ces conditions sont absentes.

La rentrée 2016, malgré les nouveaux programmes, ne sera pas différente de celle de 2015 ?

Sur le papier ce sera une rentrée pleine de nouveautés. Mais dans les départements les enseignants auront toujours le sentiment d’être délaissés avec aussi l’idée d’une instabilité, en forme de balancier, dans les programmes. Ce sont les 3èmes depuis 2002.

Avec les récentes mesures salariales, pensez-vous que l’égalité entre le primaire et le secondaire est atteinte ?

On a bien avancé même s’il reste à obtenir concrètement la convergence sur l’accès à la hors classe. Mais il ne faut pas oublier que les professeurs des écoles ont été délaissés depuis longtemps qu’il s’agisse de moyens d’enseignement, de salaire ou de droit syndical. Ce sont les seuls fonctionnaires à avoir un droit syndical inférieur en terme de réunions d’information syndicale ou de date de départ en retraite.

La motion présentée au congrès parle beaucoup de la gouvernance de l’école et défend l’idée d’un pilotage national. Pourtant celui-ci n’a pas empêché les inégalités entre les écoles. Quelle position avez-vous sur les établissements publics de l’enseignement primaire (EPEP) et sur le statut des directeurs ?

Il y a en effet de vraies inégalités entre les écoles. Une enquête que nous avons réalisée il y a quelques années montre qu’il y a un écart de 1 à 10 en termes d’équipement et de crédits pédagogiques entre les écoles. Mais rien ne garantit que le statut d’EPEP apporte plus d’égalité. On restera soumis aux décisions d’une collectivité territoriale. Rien ne dit que le pilotage soit mieux exercé par un directeur doté d’un statut s’il n’en a pas les moyens. Vouloir copier le fonctionnement du second degré dans le premier est une mauvaise réponse à de vraies questions.

Pourtant la motion recommande la spécialisation des enseignants …

On est très attachés à la polyvalence. Mais on l’a beaucoup chargé ces derniers temps en ajoutant sans cesse de nouveaux enseignements : en langues, pour le numérique, le développement durable etc. Ce qu’on recommande c’est que les enseignants puissent faire équipe et ne pas fonctionner en polyvalence tout le temps mais chercher une polyvalence d’équipe sur une partie du temps scolaire. Dans ma petite école nivernaise, par exemple je faisais l’EPS avec mes élèves et ceux de ma collègue. Et elle prenait mes élèves en arts et en chant.

On est à quelques mois des présidentielles. Avez-vous peur de l’avenir ?

Le congrès intervient aussi dans un moment social agité avec en toile de fond la montée des inégalités et du chômage qui frappent durement les élèves. Il ne faut surtout pas avoir peur. Il faut regarder l’avenir avec confiance et détermination.

Quel sera l’avenir de Sébastien Sihr après le congrès ?

J’ai vécu une aventure intense sur le plan humain et intellectuel. J’y ai mis tout mon cœur en gardant en tête les visages de mes élèves et de mes collègues. C’est ça l’école ! Il faut être fier de faire du syndicalisme. Car un monde sans syndicats serait un monde à qui il manquerait beaucoup de choses. Je vais tourner la page mais continuer mon engagement pour l’école.

Propos recueillis par François Jarraud