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L’extraordinaire hausse du nombre de candidats et du taux de réussite permettent-ils une véritable démocratisation du bac ? Alors que vont commencer les épreuves du bac, regardons les chiffres. Avec 78% d’une génération reçue au bac en 2014, l’objectif des 80% semble presque atteint. Mais plus le bac se banalise , plus les différences se creusent entre ses séries. Si presque tout le monde obtient le bac, alors le bac des uns n’a plus rien à voir avec celui des autres. La massification du bac se fait au détriment de sa démocratisation. Un sacré problème pour un système éducatif qui fait de ce diplôme à la fois la validation d’une formation secondaire et un passeport pour l’enseignement supérieur.

L’explosion du bac repose sur le seul bac pro

En 1980 , seulement 26% d’une génération obtenait le bac. En 2000, ils étaient 63%, un taux qui va rester stable jusqu’en 2010. Depuis 2010, le taux de bachelier dans une génération a repris s progression montant à 74% en 2013 et 78% en 2014. Jamais la France n’avait connu un tel nombre de bacheliers : 626 000 jeunes ont obtenu le précieux diplôme qui marque la fin de la scolarité secondaire et ouvre la porte de l’enseignement supérieur. C’est 35 000 jeunes supplémentaires par rapport à 2013.

Mais cette augmentation ne touche pas de façon identique les différentes séries. Le nombre de bacheliers généraux reste quasiment stable depuis 20 ans. En 1995 on comptait 287 000 bacheliers généraux. En 2010 ils étaient 279 000. En 2013, 305 000 et 315 000 en 2014. La progression est très lente et au total on ne compte guère que 28 000 bacheliers généraux de plus sur 20 ans quand le nombre de bacheliers a progressé de 134 000 personnes. Les filières technologiques ont régressé sur cette période. On comptait 153 000 bacheliers technologiques en 2000. Il n’y en a plus que 129 000 en 2014. L’extraordinaire hausse du nombre des bacheliers s’explique donc par l’explosion du bac professionnel. Il y avait 67 000 bacheliers professionnels en 1995, 119 000 en 2010 et 190 000 en 2014. De 2013 à 2014 on compte 31 000 bacheliers professionnels supplémentaires. Aujourd’hui un bachelier sur trois est un bachelier professionnel.

C’est donc à un éclatement des bacs que l’on assiste entre un bac général qui reste stable et un bac professionnel en hausse rapide. Les écarts entre ces deux familles de bacs augmentent en même temps qu’ils se creusent à l’intérieur de chaque famille. Autrement dit la hiérarchisation des bacs avance encore plus vite que la massification.

Des bacs généraux marqués socialement

Qu’est ce qu’un bac général ? Un bac général est d’abord caractérisé par un fort taux de réussite. En 1995 75% des candidats étaient reçus. Aujourd’hui c’est 91% avec de très faibles différences entre filières. De plus en plus un bac général est un bac S. Il y avait 139 000 bacheliers S en 1995, ils sont maintenant 161 000. Le bac ES a légèrement augmenté passant de 77 000 en 1995 à 97 000 en 2014. Le bac L est en voie d’extinction : il y avait 71 000 bacheliers littéraires en 1995, ils ne sont plus que 47 000 en 2014. Les bacs technologiques ont aussi beaucoup régressé, on l’a vu. Ils se comportent maintenant comme les bacs généraux : fort taux d’admission 91% au total, 90% en STMG, 91% en St2s.

A l’intérieur de cet ensemble général et technologique on assiste à une différenciation par le genre. 55% des bacheliers S sont des garçons quand 79% des L sont des filles. 91% des bacheliers de St2s sont des bachelières quand ce n’est que 7% des Sti2d.

Enfin le bac général a une forte coloration sociale. Sur les 18 000 enfants de professeurs qui ont été admis au bac en 2013, 15 000 ont eu un bac général. Chez les cadres c’est le cas de 105 000 jeunes sur 135 000 bacheliers. Seulement 35 000 enfants d’ouvriers sur les 98 000 admis au bac ont eu un bac général. C’est le cas de 9 000 enfants d’inactifs sur 60 000.

Le bac pro permet la massification du bac

Le bac professionnel a donc des caractéristiques très particulières. C’est le bac qui progresse le plus rapidement mais c’est aussi celui où le taux d’échec est le plus fort. On comptait 73% d’admis au bac pro en 1995. Il n’y en a que 79% en 2014. Alors que le bac général est passé de 75 à 92%, le bac professionnel n’a presque pas bougé. Le taux de réussite y est contenu même si le nombre de candidats explose. La bac professionnel est caractérisé par l’origine modeste de ses bacheliers : 81% des enfants d’inactifs admis au bac sont des bacheliers professionnels. C’est le cas de 9% des enfants de cadres.

Ainsi le bac professionnel porte la massification du bac. C’est lui qui ouvre les portes de l’enseignement supérieur aux enfants des familles populaires alors que le bac général se révèle être le bastion des familles privilégiées. La massification de bac ne signifie pas sa démocratisation. Mais au contraire sa hiérarchisation. On verra demain comment le succès du bac pro est source de problèmes pour la vieille institution scolaire…

François Jarraud

Résultats du bac 2015

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