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Alors que sont publiés ce matin les résultats du bac, gageons qu’en 2016 comme en 2015, le taux de réussite au bac devrait s’établir autour de 85% de reçus. Un résultat d’ailleurs très variable selon les filières. Au bac général, 92% des candidats ont été reçus en 2015, à peu près autant au bac technologique alors que le taux de reçus au bac professionnel était seulement de 80% . Alors faut-il supprimer le bac parce qu’il « ne sert à rien » ou parce que « tout le monde l’a » ? Chaque année, cette idée revient dans les médias, minimisant l’intérêt de cet examen. Alors que les résultats du bac 2016 sont dévoilés le 5 juillet, interrogeons nous : ce diplôme est-il donné à tous ?

Un garçon sur quatre n’aura jamais le bac…

Le taux de 87% de reçus (en 2015) cache le fait que seulement 77% d’une génération obtient le bac. En 1980 , seulement 26% d’une génération obtenait le bac. En 2000, ils étaient 63%, un taux qui va rester stable jusqu’en 2010. Depuis 2010, le taux de bachelier dans une génération a repris s progression montant à 77% en 2015. C’est 618 000 bacheliers, un peu moins que l’année record de 2014 et ses 626 000 reçus. Un jeune sur quatre quitte toujours l’école sans le bac. Pour ces jeunes là, le fait de ne pas avoir le bac est beaucoup plus stigmatisant que pour la génération précédente.

Ajoutons une autre inégalité statistique. Le bac se féminise. L’écart de réussite entre filles et garçons se creuse. En 2000, 57% des garçons sont devenus bacheliers et 69% des filles. En 2010 l’écart avait été ramené à 10%. En 2014, c’est 85% des filles et 72% des garçons d’une génération qui sont reçus. Il y a 13 points d’écart entre les sexes. Concrètement plus d’un garçon sur quatre n’aura jamais le bac contre une fille sur sept…

Une fausse démocratisation


On peut dire que le bac suit de fait deux modèles. D’un coté on a le bac technologique et le bac général où la proportion de bacheliers dans une génération reste stable depuis 2000. De 2000 à 2014 on est passé de 50 à 54% d’une génération. Cela malgré une hausse du taux de réussite qui a gagné 10 points de puis 2000.

De l’autre coté on a le bac professionnel. C’est lui qui fait augmenter le taux de bacheliers dans une génération. En 2000, seulement 11% des jeunes devenaient bacheliers professionnels. Aujourd’hui c’est 24% ce qui représente une énorme croissance. Pour autant le taux de réussite à ce bac est resté stable depuis le début du siècle. Il a même régressé fortement après une hausse en 2009.

La comparaison entre ces évolutions est frappante. Le bac ne se démocratise qu’à travers le bac professionnel et malgré de sérieuses résistances du système. Il est devenu une formalité pour les jeunes de l’enseignement général alors qu’il reste un obstacle sur la route dse bacheliers professionnels.

Comme le recrutement des deux bacs est socialement très différent, ces évolutions divergentes prennent sens. Ainsi, sur les 18 000 enfants de professeurs qui ont été admis au bac en 2013, 15 000 ont eu un bac général. Chez les cadres c’est le cas de 105 000 jeunes sur 135 000 bacheliers. Seulement 35 000 enfants d’ouvriers sur les 98 000 admis au bac ont eu un bac général. C’est le cas de 9 000 enfants d’inactifs sur 60 000.

Autrement dit, on n’assiste pas réellement à une démocratisation du bac. On voit plutôt l’éclatement du système entre un bac des riches qui ne s’ouvre pas , à fort taux de reçus, et un bac des pauvres, qui augmente rapidement mais n’offre ni les mêmes débouchés ni les le même taux de réussite.

Un bac ethniquement ségrégatif ?

L’étude des prénoms les plus fréquents chez les reçus aux différents bacs est éclairante. Réalisée par Baptiste Coulmont, maître de conférence à Paris 8, elle montre qu’il vaut mieux s’appeler Augustin, Marin et Henri pour avoir le bac S. Ou Sixtine, Anouk et Capucine pour le bac ES. Pour le Bac STG, par contre, Ahmed, Amel, Nadia ou Youssef suffisent. C’est la leçon qu’afflige Baptiste Coulmont, docteur en sociologie et maître de conférence à Paris 8, au système éducatif français.

A-t-on trop de bacheliers ?

La barre « historique » des 80% de bacheliers est presque atteinte. Et François Hollande a fixé en septembre 2015 l’objectif de 60% de jeunes diplômés du supérieur. Dans cette perspective, le 77% de bacheliers est un taux à peine suffisant. En fait tout va se jouer dans la capacité à réduire l’écart entre les bacheliers professionnels et les autres. C’est en améliorant la capacité de ces bacheliers à suivre avec succès un enseignement supérieur que l’on pourra augmenter le taux de diplomés. Or , on l’a vu, tout tend pour le moment à la séparation entre deux catégories de bacheliers dont une avec un horizon bouché.

Les récentes mesures de quotas de bacheliers professionnels en BTS, le droit d’option des « meilleurs bacheliers » apportent des réponses insuffisantes par rapport à cet objectif. La question du référentiel, de l’amélioration de la formation des bacheliers professionnels , et particulièrement en tertiaire, est maintenant posée.

Faut-il réformer le bac ?

C’est vrai, le bac est une machine colossale et couteuse. Or quelques épreuves seulement sont prédictives du résultat pour 90% des candidats. Des voix demandent la simplification du bac. Il y a quelques années le député de droite B Apparu demandait 4 épreuves seulement. Un nombre repris récemment par le think tank Terra Nova, proche du PS. Si elle apparaît logique, la réforme proposée semble surtout susceptible d’abaisser le niveau et d’augmenter l’injustice. En effet on sait, depuis les travaux de D. Oget, que si le bac était passé au contrôle continu les résultats finaux seraient largement différents. Le fait qu’au bac on corrige une copie anonyme augmente les chances de certains candidats : les garçons, les jeunes des milieux populaires.

Les travaux du Cnesco sur le bac ont démontré que le fait d’avoir un large ensemble d’épreuves finales augmente le niveau du bac , spécialement dans les établissements populaires. Cela leur fixe un repère externe qui oblige les enseignants à suivre une norme nationale plutôt qu’à adapter vers le bas le niveau de leurs exigences.

Ce que ça coute de ne pas l’avoir

Mais pour bien estimer si le bac a de la valeur, voyons ce qu’il coûte à celui qui ne l’a pas. Si en France personne ne s’est attaché à ce calcul, le caractère pragmatique des Anglo-Saxons nous permet de trouver plusieurs études en ce sens. La plus récente provient de l’Alliance for Excellent Education (AEE) , une association charitable qui milite pour la scolarisation. Pour elle « tout le monde bénéficie des progrès de qualification ». Elle a pu calculer la différence de salaire entre un bachelier et un non bachelier (26 923 $ contre 17 299) et partant de là estimer le manque à gagner collectif : si tous les jeunes Américains de 2008 avaient poursuivi leurs études jusqu’au bac, ils auraient apporté 319 milliards de dollars en plus à l’économie américaine durant leur vie. Mais puisque les diplômés vivent plus longtemps, deviennent des citoyens plus posés, L’AEE estime également d’autres retombées : « les économies régionales et locales souffrent plus quand elles ont des populations moins éduquées car il leur est plus difficile d’attirer des investissements. En même temps elles dépensent davantage en dépenses sociales ». L’AEE a pu calculer qu’en poussant tous les Américains jusqu’à la fin des études secondaires, l’Etat économiserait de 8 à 11 milliards chaque année en aide sociale, 17 milliards en aide médicale. Si le taux de sortie sans qualification des garçons baissait de seulement 5% cela représenterait 5 milliards de dépenses policières en moins.

François Jarraud

Note d ‘information sur le bac

Cnesco : Dossier du bac

Article de B Coulmont

Terra Nova