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Pas d’inquiétude sur la réforme. Au collège Rep Sonia Delaunay, à Paris 19ème, la pré rentrée s’est déroulée sereinement le 31 août. Si les enseignants ont des perceptions différentes de la réforme, ils préparent son application, même si « tout ne sera pas parfait  » cette année. Si le climat est aussi paisible c’est que le dialogue est permanent sur l’application de la réforme.

Des collègues formidables

A quelques mètres du bassin de la Villette, dans le nord est parisien populaire, le collège Sonia Delaunay est très austère vu de la rue. Mais ce n’est pas par hasard que nous l’avons choisi pour assister à la pré rentrée. En juin, nous avions rencontré Christian Garcia, le principal, engagé, avec son équipe, dans un projet d’accueil des collégiens très original.

« Ici les collègues sont formidables », nous confie Chloé Herreros, une professeure de Physique-Chimie qui entame sa seconde rentrée au collège. Situé en Zone de sécurité prioritaire (ZSP), Sonia Delaunay est un établissement Rep d’environ 500 élèves avec plusieurs classes pour enfants allophones. Le collège compte une quarantaine d’enseignants avec de nombreux jeunes qui ne comptent que quelques années d’enseignement. Un noyau de professeurs expérimentés est très attaché à l’établissement. Cette année 6 nouveaux enseignants font leur entrée au collège.

Vieux manuels et nouvelles tablettes

Ce 31 août , les groupes se forment dans la cour avant la réunion traditionnelle de rentrée. On se salue. On échange sur les vacances. On se réunit spontanément par discipline. Tout le monde attend son emploi du temps qui n’arrivera que deux heures plus tard. Il n’y a pas que des professeurs à la réunion de pré-rentrée. Le collège dispose de deux CPE, 6 ou 7 AED (surveillants), une assistante prévention sécurité, 6 AVS; du personnel technique.

Le signal de la rentrée est donné par la nouvelle alarme intrusion-attentat installée cet été. « C’est le seul jour où je suis certain que tout le monde est là pour l’entendre », explique C Garcia. La sécurité est bien dans les préoccupations de l’équipe. « Comment nous joindre quand on est au gymnase », demandent les professeurs d’EPS. Le principal envisage d’installer un réseau de SMS pour contacter tous les enseignants.

On fait le point sur le matériel. Une centaine de tablettes est arrivée pour les 5èmes en application du plan numérique. Mais le collège a aussi commandé des manuels papier. Les quantités disponibles varient d’une discipline à une autre. Si en français il y a un manuel par élève en 6ème et 3ème, en maths il en manque. « Vous déciderez à partir de quand vous utilisez le manuel », précise C Garcia. Les « vieux » manuels de l’an dernier ont été gardés…

Nouvelle évaluation

Mais très vite c’est la réforme qui s’impose dans la réunion. « L’an dernier la réforme nous a beaucoup occupé. On a beaucoup travaillé. Mais il reste beaucoup à faire pour s’emparer des EPI (les nouveaux enseignement interdisciplinaires) et de l’accompagnement personnalisé (AP) », explique C Garcia, le principal.

Il rappelle les règle d’évaluation, approuvées par le conseil d’administration. En 6ème le collège a adopté l’évaluation par compétences. En 3ème il est contraint de rétablir des notes. Entre les deux les enseignants décident s’ils veulent un note ou une moyenne ou pas. La contrainte est collective, comme en 6ème, ou imposée par l’extérieur (Affelnet en l’occurrence). Sinon la liberté pédagogique est respectée.

« On faisait déjà beaucoup d’interdisciplinarité avant la réforme car on s’était rendu compte que c’est nécessaire pour nos élèves », nous confie C Garcia. « Maintenant on systématise. La réforme a été bien assimilée ».

Des moyens gérés autrement

Le collège a-t-il reçu plus de moyens pour cette rentrée ? En plus des 26 heures de cours fixées par les instructions officielles, il dispose d’une cinquantaine d’heures correspondant à la majoration de 2h45 par classe et une autre cinquantaine d’heures liées au fait que le collège a une population défavorisée. Au total c’est 100 heures qui viennent appuyer la réforme.

« On avait déjà ces moyens avant », explique C Garcia. « Mais ce qui change c’est que l’horaire élèves est réduit à 26 heures hebdomadaires. On peut donc mettre plus d’heures professeurs ». Avant la réforme le collège avait tendance à allonger la semaine des élèves en ajoutant des dispositifs spéciaux.

Maintenant il a tendance à ajouter des enseignants pour encadrer les groupes élèves. Ainsi la co-animation, à l’image des « plus de maitres que de classes » du primaire, est systématique. En français, en 6ème et en 5ème, 4 professeurs encadrent 3 classes. Cela permet de créer des groupes de besoin. Le principe est étendu à cette rentrée en maths où on a 3 professeurs pour 2 classes. Cela permet de prendre en tout petit groupe des élèves faibles pendant que les plus forts peuvent travailler en groupe plus nombreux.

« On a aussi la nécessité de gérer des personnes dans le dialogue », explique C Garcia. Ce souci pèse sur la composition des EPI et de l’accompagnement personnalisé. Les disciplines qui participent aux EPI ont des heures supplémentaires.

Retour à la taille des classes

Qu’en pensent les enseignants ? « Il fallait bien faire quelque chose », explique Laurent Villemonteix, professeur de français et formateur. « Actuellement l’orientation des élèves et quasiment faite dès la 6ème. On reproduit les inégalités sociales ».

F Villemonteix fait partie du petit groupe de professeurs expérimentés qui restent à S Delaunay. Il y a fait sa 21ème rentrée et en lache la raison : la vocation, le sentiment d’être utile.

Il a espoir de « faire bouger les lignes » avec la réforme. Pour lui ce qui peut bloquer c’est le manque de formation des enseignants. La réforme met à nu ces besoins. L’institution sera-t-elle capable d’y répondre ?

Son collègue d’histoire-géo, Damien Jourdam, veut profiter des EPI pour travailler des compétences sui vont au-delà de la discipline, comme développer le sens critique. Il pense pouvoir aller plus loin grâce aux EPI et à l’accompagnement personnalisé.

Coralie Serieys, une jeune professeure de lettres classiques, n’est pas mécontente aussi de sa rentrée. « Je vais faire du grec cette année », se réjouit-elle. Le latin par contre est à la fois proposé à plus d’élèves (tous les 5èmes) et davantage dilué en EPI.

« L’accompagnement personnalisé ? On en faisait déjà avant. C’est passionnant ! », s’enthousiasme Chloé Herreros. « On faisait déjà beaucoup d’interdisciplinarité et de travail en groupe. En physique chimie on ne tient les élèves que grâce aux ateliers ». Un rapide coup d’oeil lui montre qu’elle a un « bon » emploi du temps mais aussi moins d’heures en dédoublement. « Le gros problème c’est le nombre d’élèves par classe. C’est en le diminuant qu’on peut faire progresser les élèves », assure-t-elle.

« Tout ne sera pas parfait cette année », dit Chloé. Au collège Sonia Delaunay, la réforme c’est un peu d’espoir, beaucoup de continuité. Et du plaisir. Pas seulement celui des professeurs qui retrouvent un métier où ils se sentent utiles. Aussi celui des élèves. Depuis plusieurs semaines, des élèves viennent spontanément aider l’administration. Eux aussi attendent la rentrée.

François Jarraud

Bien être au collège Delaunay