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Un Front National rénové, plus moderne et plus tolérant, débarrassé de ses oripeaux réacs, vous y croyez vous ? Un petit tour à la Convention sur l’éducation organisée le 22 septembre à Paris en présence de Marine Le Pen et vous mesurez l’imposture. On se focalisera sur un exemple: l’uniforme à l’école.

Il est 15 heures 45. La convention, la première d’une série de la candidate à la présidentielle, est ouverte au public. Mais la salle, située au rez-de-chaussée d’un hôtel, est essentiellement occupée par des militants FN et par des journalistes. La première table ronde s’achève. Le message est simple : finissons-en avec le collège unique, créons une filière pro dès la 4ème.

Milices agressives

Marie-Amélie Dutheil de la Rochère ouvre la seconde table ronde,  » Rétablir l’autorité, la sécurité, la laïcité, pour une sérénité retrouvée  » (On est en plein dans la ligne actuelle : Marine Le Pen promet  » une France apaisée « ) .

Secrétaire national du collectif Marianne rassemblant les  » étudiants patriotes  » (en fait pro-FN), Guillaume Laroze clame que  » la religion n’a pas sa place à l’université ! « . Et il réclame, sous les applaudissements, que la loi de 2004 interdisant les signes religieux ostentatoires à l’école soit étendue à la fac.

Membre du collectif Marianne et elle aussi étudiante en droit, Joha Gonzalez rappelle  » le massacre matériel  » perpétué lors du blocage de la fac de Tolbiac l’an dernier. Et elle fait trois propositions : interdire les AG, interdire les blocages et interdire  » les milices agressives « .

Lycées militaires

Prof d’histoire-géo en classe européenne, Aymeric Durox est responsable du collectif Racine, rassemblant les  » enseignants patriotes  » (en fait pro-FN) en Seine-et-Marne et en Ile-de-France. Il annonce d’emblée la couleur : il parlera du port de l’uniforme et que de ça.

L’uniforme est une vieille lune de la droite, qui ressort régulièrement. Candidat à la primaire, François Fillon le défend. Les arguments invoqués ici éclairent sur la vraie nature du FN new look de Marine Le Pen.

D’abord, explique l’enseignant, l’uniforme n’est en rien passéiste. La blouse était obligatoire dans les années 60 (ce qui est faux, elle était couramment portée mais les établissements pouvaient choisir). Et aujourd’hui l’uniforme est en vigueur dans  » les six lycées militaires  » (appelés depuis belle lurette  » lycées de la défense « ).  » C’est un ancien élève de Saint Cyr qui vous parle « .

Grande modernité

En outre, poursuit Aymeric Durox,  » l’uniforme est largement majoritaire dans les Antilles et en Guyane où il a un succès grandissant « . Et la Polynésie s’apprête à suivre. Conclusion :  » Loin d’être dépassée, c’est une idée concrète d’une grande modernité. « 

Venons-en aux avantages de l’uniforme vantés par notre militant du collectif Racine. Les arguments classiques :

– C’est parfait  » pour rétablir la laïcité  » et empêcher toutes  » les manifestations communautaristes  » par le biais vestimentaire.

– Ca  » évite la course aux marques coûteuses » , et au passage on lutte contre les inégalités.

Habillés comme tout le monde

Voici maintenant les arguments plus  » originaux  » développés par Aymeric Durox :

– Le port de l’uniforme contribue à  » rétablir la sécurité  » dans les établissements. On repère plus facilement les individus qui font des incursions – ils sont habillés comme toute le monde – et d’une pierre deux coups,  » ça réduit les vols « . Notre enseignant oublie juste le cas où l’intrus, voire les intrus, pas fous, ont préalablement volé des uniformes histoire de passer inaperçus…

– Cela permet de marquer  » une rupture symbolique  » avec le monde extérieur. Et l’école ainsi sanctuarisée, cela « favorise la transmission des savoirs « . Ici il faut distinguer deux idées. La première : avec des élèves en uniforme, la sanctuarisation de l’école est réaffirmée. Et la seconde, très elliptique : dans des classes en uniforme, les savoirs passent mieux.

– Enfin l’uniforme permet  » d’instaurer une discipline plus naturelle « . En effet, explique Aymeric Durox, cela évite aux élèves de  » se disperser  » et de discuter de  » futilités  » (comprenez : d’un sweat à capuche ou d’une casquette de marque par exemple). L’élève  » se concentre davantage sur son être et moins sur son paraître « .

 » Marine décidera « 

Comme tous les intervenants, assis à la tribune sous une grande affiche de Marine Le Pen victorieuse, Aymeric Durox tourne régulièrement son regard vers la patronne du FN, au premier rang entre son porte-parole de campagne David Rachline et le vice-président Florian Philippot. Parfois  » Marine  » hoche la tête, en signe d’approbation. Le reste du temps, elle écoute, attentive et souriant largement.

Officiellement, les collectifs Racine et Marianne sont venus lui présenter leurs 100 propositions pour reconstruire une école et une université qui seraient en ruines.  » Marine, décidera « ,  » Marine choisira « , disent-ils. En réalité, il s’agit surtout de montrer que le FN a des experts dans tous les milieux, y compris chez les profs, et qu’il bosse les sujets.

Dans son discours de clôture, Marine Le Pen n’a pas repris l’histoire de l’uniforme. Elle s’en est tenue à 3 grandes promesses : la moitié du temps d’enseignement en primaire consacré au français, la fin du collège unique et la sélection à l’université. Des thèmes simples, marquants et qui, espère-t-elle, ratisseront large. L’essentiel en somme pour la candidate qui pense au second tour.

Véronique Soulé

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