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23-10-2016- Du 21 au 24 octobre, l’association des professeurs de maths de l’enseignement public (APMEP) tient congrès à Lyon. Durant quatre journées près d’un millier d’enseignants échangent et rencontrent des scientifiques comme des institutionnels. 32 ateliers accueillent les congressistes de la maternelle à l’université. Le congrès est aussi l’occasion pour l’Apmep de faire le point sur des questions importantes pour l’enseignement des maths. Bernard Egger, président de l’Apmep, répond à nos questions sur le collège, l’arrivée de l’informatique dans les programmes et le nouveau concours de recrutement.

Qui assiste au congrès de l’Apmep ?

Il réunit près de 900 personnes, ce qui est la taille habituelle de notre congrès annuel. Dans 99% des cas ce sont des professeurs de maths. Il y a aussi quelques physiciens car cette année l’association des professeurs de physique a marqué le coup et a envoyé une délégation pour échanger avec nous. Il y aussi quelques informaticiens car les professeurs d’informatique ou de STI.

Dans le programme on voit aussi des ateliers pour les enseignants du primaire…

Notre association va de la maternelle à l’université et on a des collègues du primaire qui sont présents, à commencer par notre vice-présidente qui est professeure des écoles. On organise beaucoup de choses y compris au niveau régional pour eux. Il y a une journée consacrée au premier degré. Actuellement pour nous c’est une priorité car on pense que c’est un maillon faible en maths. On essaie de travailler au niveau local avec les IEN pour essayer de voir comment on peut intervenir en évitant de donner l’impression de condescendance.

Le congrès c’est une grande session de formation d’enseignants ?

Oui. Mais ce n’est pas que cela. C’est aussi l’occasion d’une rencontre avec l’Inspection générale. Cette année, trois inspecteurs généraux sont venus et ils répondent aux questions des enseignants. On rencontre aussi les syndicats, les sociétés savantes. Donc c’est plus qu’une session de formation. C’est aussi un moment où les gens mettent en commun leurs questions et on les pose à l’institution ou aux partenaires. C’est un moment de dialogue rare.

Dans les questions importantes qui se posent il y a la réforme du collège. Quelle est la position de l’Apmep ?

On a soutenu la réforme en ayant un regard critique que sa mise en oeuvre. La formation a été très disparate selon les académies. Certaines formations n’ont pas été de bon niveau et beaucoup d’enseignants se plaignent de manquer de formation. Le projet de la réforme nous parait positif mais sa mise en oeuvre n’est pas simple. Il faut lui laisser du temps. Le ministère a fait des efforts pour la formation et je sais qu’ils vont continuer car c’est très nécessaire. Actuellement rien n’est parfaitement au point.

Vous ne faites pas partie de ceux qui considèrent que les EPI mangent l’horaire disciplinaire ?

Non. Le bureau de l’Apmep considère que c’est une façon de voir ce qui se fait dans d’autres matières et de comprendre que certains points abordés en maths, comme la proportionnalité par exemple, se font aussi dans d’autres disciplines, comme la technologie ou l’histoire, et qu’ils peuvent être réinvestis en maths en donnant des exemples réels. Cela ne retire rien à notre rôle de professeur de maths. Ca mangerait des heures si c’était mal fait. Ca pose donc des problèmes d’organisation, de concertation. Là aussi il faut laisser du temps au temps. On verra dans quelques années, deux ans peut-être quel bilan peut être fait.

Ce qui nous parait important c’est que la formation continue s’installe vraiment au collège et ailleurs. Il faut bien avoir qu’avec l’arrivée du numérique les choses changent très rapidement. Si la formation continue ne suit pas ce sera dramatique.

Un autre sujet prend de l’ampleur dans votre discipline c’est le rapport au numérique aussi bien sous l’angle de l’évolution de la profession que sous celui de l’enseignement. En quoi le fait que l’algorithmique pénètre les programmes de maths bouleverse l’enseignement des maths ?

D’abord ca va ouvrir une brèche à la question des mathématiques à enseigner pour être en adéquation avec l’informatique. On a une tradition forte de faire des maths pour la physique. Depuis l’économie a revendiqué aussi sa part de mathématiques, avec les probabilités par exemple. L’arrivée de l’algorithmique pose la question de ce qu’il faut faire avec les contenus en mathématiques. Ils vont changer en fonction des besoins de l’informatique.

Il y a également le fait que ça change le statut de la preuve, l’approche mathématique. Il y a une philosophie mathématique qui est celle de la démonstration, de la preuve. Et une philosophie informatique qui est celle de la construction des objets. C’est différent. L’arrivée de l’algorithmique au niveau lycée va changer le problème de l’approche mathématique globale des problèmes que l’on se pose.

Des parties des maths vont disparaitre ?

C’est difficile de dire lesquelles. Mais il est évident qu’il va falloir faire de la place à autre chose. On a vu que la géométrie a souffert de l’arrivée des probabilités. Si on met des mathématiques pour l’informatique ce sera au détriment d’autre chose. C’est une discussion à avoir avec les savants, l’inspection et le supérieur. Il est important de former des gens capables de créer en informatique.

Sur le plan professionnel, l’algorithmique doit-elle être enseignée par les professeurs de maths ou faut-il créer un nouveau corps ?

Notre position c’est qu’il est bien qu’il y ait un capes de maths qui inclut l’informatique. Car si on crée un nouveau concours pour une nouvelle matière il faudra enlever des heures à d’autres disciplines. Et on irait encore vers la dispersion des matières qui n’est pas une bonne tendance. Donc ce qu’a choisi le ministère, mettre l’informatique à l’intérieur des maths nous parait une bonne chose.

Par contre l’organisation actuelle du capes n’est pas une bonne chose car on risque d’avoir des recrutements de professeurs très différents. On va perdre une culture commune. On est au milieu du chemin. Si on pense que l’informatique est importante il faut que tous les candidats au capes de maths passent une épreuve d’informatique. Si on juge que ce n’est pas si important que cela on voit mal pourquoi, sauf pour une raison de problème de recrutement, on fait un capes de maths option informatique.

Où en est votre projet Mathscope ?

C’est un projet de plate forme d’évaluation et de vidéos mené par l’Apmep. Ce qui est au centre c’est l’évaluation. Mathscope proposera des parcours structurés autour d’un thème avec des vidéos, utilisables en classe inversée ou après coup, et des évaluations. Ce sera des évaluations interactives avec des possibilités pour l’élève de remédiation ou d’approfondissement et pour le professeur de retours d’éléments de diagnostic pour qu’il puisse mieux suivre chaque élève. Ce sont des outils que tous les professeurs cherchent. C’est quelque chose de complexe.

Ca sera destiné à tous les niveaux en priorité le collège et le lycée. C’est l’enseignant qui choisira les parcours pour les élèves. Ce sera lui le prescripteur. On apporte en plus notre label de qualité.

C’est pour quand ?

Les premiers parcours, 4 ou 5, seront disponibles en janvier 2017. Il y aura un parcours collège, un autre pour le lycée 2de et un autre première ou terminal et un autre pour le lycée professionnel. Ensuite ca s’étoffera. Nous lancerons un appel aux enseignants qui voudront proposer leurs parcours sur la plateforme. On les aidera à les structurer. Nous avons reçu 6 décharge en tiers temps pour faire avancer Mathscope. C’est une aide très précieuse qui a débloqué le projet.

Propos recueillis par François Jarraud

Le site du congrès

Sur la plateforme d’accompagnement pédagogique