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Deux ans après la grande manifestation du 11 janvier 2015, comment entretenir la flamme ? N Vallaud-Belkacem a réuni 121 professeurs à qui elle a remis le 11 janvier les palmes académiques pour soutenir leur engagement pour les valeurs de la République. « Rien ne serait pire que donner le sentiment d’un écart entre la devise républicaine et les actions que l’Ecole mène », affirme la ministre. Si l’esprit du 11 janvier c’est la fraternité, un an après l’Ecole est-elle devenue plus fraternelle ?

Comment allions nous réagir ?

La république dans toutes ses dorures dans un lieu emblématique du savoir : c’est ce que la ministre a retenu pour honorer 121 enseignants dans le grand amphithéatre de la Sorbonne le 11 janvier. On est presque dans la création d’un rite républicain. Il s’agit de commémorer la manifestation unitaire du 11 janvier 2016 et de lui donner un sens, celui de la mobilisation pour les valeurs de la République.

« Comment allions nous réagir ? » Gauthier Lechevalier, directeur d’une école parisienne, revient sur la stupeur et l’obligation de prendre en charge les élèves et leur émotion, après les attentats de 2015. « Faire vivre les valeurs de la République c’est proposer des actions qui engagent les élèves, par exemple les cérémonies républicaines. Mais pas pour assister aux cérémonies républicaines mais pour y participer : faire une recherche en classe, préparer des textes , les présenter. C’est quand les élèves sont acteurs des rites républicains qu’ils les assimilent », explique t-il. « C’est aussi modifier l’accueil des familles… Pour former l’alliance avec elles on veille à rendre plus clair ce qui se passe en classe ».

Egalité et fraternité des valeurs de l’Ecole ?

Nadia Bellaoui, secrétaire générale de la Ligue de l’enseignement, rappelle l’interrogation qui s’est posée le 11 janvier 2015. « Comment des jeunes hommes formés par l’Education nationale pouvaient ils vouloir se tuer pour combattre les valeurs fondamentales qu’on veut leur transmettre ? » Elle rappelle les actions de la Ligue mais aussi les questions qui se posent. « Comment convaincre qu’on ne fait pas le bonheur des gens sans eux ? Faut-il refuser de faire quand les politiques éducatives territoriales sont trop inégalitaires ? « 

« A quoi bon continuer quand tant de personnes s’accommodent des inégalités ? Quand les échecs sont montrés du doigt et les réussites ignorées ? C’est pour vous dire « continuez » que j’ai organisé cette journée »‘. Pour N Vallaud Belkacem, la réponse c’est l’engagement. « Vous incarnez une force prodigieuse : l’engagement », dit-elle aux enseignants présents. « Quand on évoque la citoyenneté et les valeurs de la République parfois on dit que c’est abstrait. Vous vous apportez une réponse claire. La république c’est ce pour quoi vous vous battez ». Et elle rappelle le plan de formation de 300 000 enseignants aux valeurs de la République qui est lancé, les ressources pédagogiques, la pédagogie de la laïcité.

Des enseignants engagés

Les médaillés de ce 11 janvier sont-ils différents des autres années ? Didier Decosne enseigne depuis 43 ans. Il est professeur des écoles à Dijon, en centre ville. « J’ai accompli un travail relativement satisfaisant et 40 ans après j’ai toujours la passion et l’enthousiasme », nous dit-il. « Les valeurs de la République c’est très important. Je fais beaucoup d’éducation civique ».

Ingrid Duplaquet est professeure de lettres depuis 24 ans et coordinatrice du Pole innovant lycéen parisien après avoir « un peu fondé » le micro lycée de Paris. Pour elle c’est en reconnaissance de l’innovation qu’elle est honorée des palmes académiques. « Le PIL est innovant parce qu’on accueille des élèves qui ont tous connu le décrochage », nous dit elle. « On essaie de les faire revenir à l’école à travers la pédagogie de projet ». Le soutien a ses limites : « Il faut tous les ans prouver ce qu’on fait, rendre des comptes plus que dans les autres établissements. C’est une bataille chaque année ». Et elle a quelques inquiétudes pour l’avenir…

« La défense des valeurs de la République passe par une école plus juste ». Les parcours de ces médaillés témoigne que ce souci anime encore les enseignants. Mais, deux après les attentats, l’Ecole est elle réellement devenue plus juste ? Est elle plus fraternelle ?

François Jarraud