Print Friendly, PDF & Email

La bande dessinée peut-elle être un bon vecteur de la connaissance de la Shoah ? La nouvelle exposition du Mémorial « Shoah et bande dessinée » est ouverte gratuitement au public scolaire. Comment, et depuis quand, les artistes du 9ème art se sont-ils saisis de la représentation du sujet ? Comment sont relayés les témoignages ? Comment ces représentations évoluent-elles aujourd’hui ? Plus de 200 documents originaux sont réunis exceptionnellement, dont certaines planches en exclusivité, avant leur sortie prévue en 2017. L’accès à l’exposition est libre. Les professeurs peuvent organiser sur réservation, des visites autonomes gratuites de l’exposition ou opter pour une visite guidée d’1h réservée aux jeunes de la 3ème à la terminale.

De l’ombre à la lumière, un parcours chronologique

Comment la Shoah a été abordée par la narration graphique ? De 1942 à nos jours, des centaines d’artistes ont dessiné la Shoah. Près de 75 ans plus tard, à travers plus de 200 œuvres rares, incontournables ou inconnues, l’exposition dresse pour la première fois l’inventaire et répond aux questions. Elle s’interroge sur les sources visuelles de ces représentations, leur pertinence, leur portée et leurs limites, et ce dans toute la diversité de cet art, des comics à la bande dessinée franco-belge, des romans graphiques aux mangas.

Quatre grandes étapes sont proposées aux visiteurs : « La naissance d’un sujet », « Une relation chaotique et difficile », « Transmission et référence », « Un sujet d’histoire(s) parmi d’autres ». Une collection rare de dessins de détenus des camps est d’entrée présentée aux visiteurs, dont Mickey à Gurs par Horst Rosenthal, témoin et victime, et les dessins du rescapé David Olère. Mais quand les artistes ont-ils pris, pour la première fois, la conscience de la Shoah ? En France, « La bête est morte » de Dancette et Calvo la mentionne de façon précise en 1944. Toutefois, le génocide des juifs est resté longtemps un sujet tabou, en Amérique et en Europe.

La révolution « Maus »

La Shoah est la grande oubliée de la BD franco-belge et il faudra attendre la fin des années 1970 pour voir la BD européenne et japonaise s’ouvrir aux personnages et au martyre juifs. En 1980, sous la forme d’un supplément de la revue d’avant-garde RAW, Art Spiegelman, figure du mouvement Underground américain, publie « Maus » qui traite pour la première fois le judéocide en bande dessinée. L’accueil est unanime, son auteur recevra de nombreuses récompenses internationales et sera couronné Grand Prix d’Angoulême en 2011. Outre de consacrer l’entrée de la Shoah dans la bande dessinée, « Maus » constitue une révolution esthétique de premier plan. Novateur en raison de son caractère autobiographique, pionnier dans le domaine du discours mémoriel, « Maus » offre un véritable statut au roman graphique et va changer profondément le regard porté sur la bande dessinée, et ceci au niveau mondial.

Le devoir de mémoire

C’est à l’échelle du monde que la librairie s’ouvre désormais aux « Graphic Novels » permettant l’émergence d’œuvres mémorielles majeures comme « L’Ascension du Haut Mal » de David B (1996), « Persépolis » de Marjane Satrapi ( 2000), entre autres. La tardive mais véritable consécration de la Shoah dans la BD ne cessera plus d’inspirer de nombreux nouveaux auteurs, offrant des variations de plus en plus subtiles. La bande dessinée s’est logiquement emparée de l’impératif du Devoir de mémoire. Des albums ont été spécialement conçus pour exercer l’intelligence des plus jeunes, le plus souvent à travers des récits centrés précisément sur le destin des enfants. La bande dessinée est devenu un important vecteur mémoriel. La publication de témoignages, de mémoriaux, d’ouvrages historiques ou pédagogiques sur la Shoah se multiplient. Mais d’autres génocides sont également évoqués, comme celui des arméniens, des gens du voyage, des Tutsis. Enfin pour clore le parcours, la question de la fiction est évoquée, la représentation de la Shoah se trouvant en quelque sorte libérée. Un espace de consultation et de lecture de BD est aussi mis à la disposition des visiteurs.

Autour de l’exposition

Pendant toute la durée de l’exposition, des conférences et des rencontres sont programmées à l’auditorium, avec des spécialistes de la BD, des historiens, des politologues, des chercheurs, pour approfondir et élargir le propos de l’exposition, avec entre autres la présence exceptionnelle de Chris Claremont, auteur et scénariste de bandes dessinées ( X-men) lors de la conférence, « Pourquoi les Super-héros n’ont-ils pas libéré Auschwitz ? », le dimanche 22 janvier à 14h, en partenariat avec le Festival International de la Bande dessinée d’Angoulême.

En famille

L’accès à l’exposition est libre tous les jours. Des visites guidées gratuites de l’exposition sont proposées, sans réservation, les jeudis 9 et 23 février, 16 et 23 mars 2017, de 19h30 à 21h. Pendant les vacances d’hiver, le mardi 7 février de 14h30 à 17h, le Mémorial propose aux enfants de 10 à 13 ans, un atelier « Un sac de billes, du livre à la bande dessinée ». Cet atelier invite les jeunes à découvrir la bande dessinée « Un sac de billes », à s’interroger sur les choix de son auteur et du dessinateur, en les comparant d’abord au texte du récit de Josep Joffo. La comparaison ensuite avec le film de Christian Dugay (2017) et celui de Jacques Doillon (1975) permet de mettre en évidence les spécificités des diverses formes d’expression. Pour terminer, les jeunes réalisent leurs propres vignettes d’un épisode de ce récit. Pour participer à cet atelier, il est indispensable de réserver au 01 53 01 17 87.

Pour le public scolaire

L’accès à l’exposition est gratuit pour les groupes scolaires, sur réservation auprès du service pédagogique, au 01 53 01 17 38. Les professeurs peuvent organiser des visites autonomes, mais sans droit de parole, ou opter pour des visites guidées adaptées aux niveaux des jeunes de la 3ème à la terminale. Le Mémorial de la Shoah propose aussi aux lycéens de la 2nde à la terminale, un atelier, Maus d’Art Spiegelman, une Bd pour mémoire. Cet atelier de 3h invite les jeunes à approfondir leur lecture de « Maus ». Ils y questionnent les choix de l’auteur quant à la structure du récit, analysent le graphisme de la BD et s’interrogent aussi sur la métaphore animalière. Il est indispensable de réserver l’atelier par mel education@memorialdelashoah.org

Béatrice Flammang

L’exposition « Shoah et bande dessinée »

La brochure des activités pédagogiques 2016-2017