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L’académie des sciences morales et politiques, présidée par Michel Pébereau, a entamé le 30 janvier son analyse des programmes de sciences économiques et sociales du lycée. Au terme d’une journée de débats fort civils dans l’atmosphère ouatée de l’Académie, l’offensive est pourtant bien lancée. Si l’académie veut bien admettre qu’il y a moins de « biais idéologiques » dans les programmes, on parle quand même trop de Marx ou, pire, de classe sociale. L’enseignement des SES est jugé trop pessimiste. L’académie se propose de repeindre, mais pas en rose, les programmes dans un second colloque le 27 février.

Le précédent de 2008

Ouvert par Michel Pébereau, président de l’Académie des sciences morales et politiques, le colloque du 30 janvier sur « l’enseignement de l’économie dans les lycées » n’arrive pas par hasard. Il y a le précédent de 2008 : quelques mois après la victoire de N Sarkozy, l’Académie des sciences morales et politiques sous la direction de Pierre André Chiappori, avait rédigé un rapport sur les SES qui avait alimenté la réforme des programmes, fortement réorientés en 2010. Michel Pébereau rappelle aussi un incident plus récent : sa démission avec tous les représentants patronaux du Conseil national Education Economie (CNEE) suite au caractère facultatif d’un chapitre sur le marché en seconde. L’organisation du colloque vise à redonner la main à l’académie, très proche des milieux patronaux, sur l’enseignement de l’économie. La ministre a paré le coup en confiant à une commission composée du Conseil supérieur des programmes et du CNEE une réflexion sur les futurs programmes de SES.

« Doit-on parler de Marx ? »

Le 30 janvier , l’académie veut faire le « diagnostic » des programmes d’économie et pour cela a fait lire les manuels par des économistes. Ne s’expriment d’ailleurs que les plus critiques. Ainsi Pierre André Chiappori admet que « les biais idéologiques identifiés en 2008 n’y sont plus » mais reproche aux manuels leur relativisme. Il trouve aussi la démarche pédagogique où l’on part d’énigmes à résoudre en émettant des hypothèses trop ambitieuse. « Un professeur de chimie ne ferait pas cela »,dit-il, ignorant une démarche très utilisée en sciences au collège… Autre critique :les programmes donne une vision « globalement pessimiste de l’évolution des sociétés et de l’économie.. Il vaudrait mieux commencer par les success story ».

Yann Coatanlem, président du Club Praxis, un thinktank libéral très actif déjà en 2008, déplore qu’il n’y ait plus assez de maths dans les nouveaux programmes. C’est une idée qui sera reprise par Jean Peyrelevade qui demande une réforme des programmes de maths pour les adapter aux SES. Il confirme le relativisme et le pessimisme. Mais à l’écouter on croirait entendre les critiques de 2008.. « Doit-on parler de Marx ? Pourquoi ne pas le laisser au programme d’histoire ? » demande-t-il. « Qui parle encore aujourd’hui de classe sociale ? La précarité peut arriver à tous ». Il dénonce aussi « l’abus du concept de spéculation » dans les manuels.

Agnès Benassy-Quéré , présidente du Conseil d’analyse économique , est nettement moins critique. Avant de parler de nouveaux programmes il faudrait évaluer les programmes actuels, lance-t-elle. « On n’a pas l’amorce de statistiques sur leur impact sur les connaissances acquises et le taux de réussite des élèves dans le supérieur ». Elle juge plutôt les programmes pléthoriques et pose la question de l’épreuve au bac jugée infaisable.

Sabine de Beaulieu, présidente de l’association Jeunesse et entreprise, se dit préoccupée par les programmes de SES qui méconnaissent l’entreprise. De nouveaux programmes devraient « donner une image plus positive de l’entreprise »…

Pierre Ferracci, président du CNEE relève que « des progrès ont été réalisés et les biais idéologiques se sont estompés ». Il rappelle que la ministre lui a donné mission de consulter l’académie. « La saisie de la commission et votre débat vont permettre de dépassionner et d’éclairer le débat », dit il. « On fera en sorte que vos travaux soient intégrés dans l’avis que nous rendrons ». La commission, déjà critiquée dans sa composition, remettra son rapport sur les programmes de SES en mars.

Un projet de mise au pas

Dans sa conclusion, l’Académie estime que « les biais caricaturaux sont évacués en partie » mais que pessimisme demeure dans les programmes. Elle souligne l’absence de certains sujets et sa proposition de modifier le bac. »La réforme de cet enseignement est en cours, on ne se pose plus la question de savoir si elle est nécessaire ». L’académie devrait en tracer les contours le 27 février.

« L’académie des sciences morales et politiques a depuis longtemps cherché à nuire aux SES », nous dit Erwan Le Nader, président de l’Apses (association des professeurs de SES), présent au colloque. Avec un petit groupe de professeurs de SES ils ont démonté durant le colloque des affirmations des experts de l’académie. « M Pébereau voulait qu’on familiarise les élèves au libéralisme. C’est contraire à la neutralité de l’Ecole. On n’est pas là pour faire aimer ou détester l’entreprise ou l’économie de marché mais pour les faire comprendre ». Il dénonce « un projet de mise au pas » des SES. « Je note que quand l’académie fait un rapport sur l’enseignement des SES elle n’invite pas les enseignants et ne leur demande pas leur expertise. Elle invite uniquement des économistes. Les sociologues et les politistes sont absents ».

E Le Nader juge certaines critiques fondées, l’Apses « étant loin de défendre les programmes actuels ». Pour lui l’allègement de programme, qui a fait démissionner M Pébereau, était nécessaire. Ce chapitre a été choisi car il se recoupe avec deux autre chapitres. « On demande que les futurs programmes ne soient pas écrits dans la précipitation. On demande une écriture sereine en 2 ou 3 ans en concertation avec les acteurs ». Pas sur que le calendrier politique ne vienne, comme en 2008, accélérer les choses…

François Jarraud

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