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Les politiques éducatives survivent-elles aux alternances politiques ? Rarement. La question est devenue centrale lors du colloque organisé par le Mouvement contre la constante macabre (MCLCM), créé par André Antibi, le 2 février. Un colloque en chansons, en témoignages, en promesses de continuité mais aussi de ruptures. Même si le MCLCM bénéficie du soutien de tous.

La « constante macabre »

La constante macabre, mise en évidence par André Antibi, se traduit par le fait que les enseignants semblent obligés, pour être crédibles, de mettre un certain pourcentage de mauvaises notes, même dans les classes de bon niveau. Le système de notation implique que certains élèves, souvent la moitié, aient « moins que la moyenne ». « On pense qu’une répartition de notes est un phénomène naturel, et donc qu’il est normal qu’elle donne lieu à une courbe de Gauss », explique A Antibi. Les résultats sont connus : sentiment d’injustice chez les élèves et aigreur des relations entre professeurs et élèves. Surtout, perte de confiance en soi des élèves, un phénomène qui affecte particulièrement les élèves français selon les enquêtes internationales.

Pour y remédier, André Antibi a imaginé l’évaluation par contrat de confiance (EPCC). Celle-ci repose sur un programme de révision explicite. Une semaine avant le contrôle les élèves disposent d’un programme de révision précis et un ou deux jours avant le contrôle un jeu de questions – réponses permet de déceler les difficultés. L’EPCC s’appuie donc sur des usages scolaires installés en travaillant de façon plus rigoureuse la préparation à l’évaluation.

Durant le colloque, Marion Guilloteau, professeure d’anglais à Versailles, explique qu’adopter l’EPCC a eu à sa grande surprise un effet immédiat sur le climat de la classe. L’Epcc a créé la confiance et facilité la gestion de la classe. Marie Rouillon directrice d’une école primaire témoigne aussi des effets sur le niveau des élèves tels qu’ils ont pu être évalués dans les évaluations nationales.

Rendre l’évaluation collégiale

Mais le colloque organisé par le MCLCM est aussi chaque année l’occasion de montrer que le mouvement bénéficie d’une large soutien chez les acteurs de l’Ecole et aussi chez les décideurs.

Cette année le grand absent était Benoit Hamon. Le candidat à la présidentielle est un habitué du colloque. Mais ce 2 février il était reçu par François Hollande, un rendez vous évidemment prioritaire.

« Le Mclcm est un des acteurs importants de la réflexion sur l’évaluation que nous menons depuis l’arrivée au ministère de Benoit Hamon », a rappelé Florence Robine, directrice générale de l’enseignement scolaire. Elle a rappelé le souhait du ministre, qui lui a survécu, de faire évoluer les pratiques pédagogique en matière d »évaluation. Le MCLCM a « mis le doigt sur des éléments qui n’étaient pas arrivés à la conscience des acteurs et des décideurs », précise-t-elle.

Pour F Robine, le ministère souhaite rendre l’évaluation « plus lisible, plus collégiale » et « en faire un outil au service de la réussite des élèves ». C’est « un levier puissant pour faire progresser les élèves ». Elle appelle à ce « qu’à des pratiques d’évaluation solitaires se substituent des dynamiques collectives ».

Continuité ou pas ?

Son prédécesseur à la tête de la Dgesco, Jean-Michel Blanquer témoigne aussi de son soutien. Pour lui il faut à l’école de la liberté et surtout de la confiance. Or changer l’évaluation, avec l’Epcc, contribue à la construire. « L’Epcc devrait être un objet de continuité pour l’Education nationale ». Une opinion défendue aussi par le sénateur Républicains Jacques Grosperrin pour qui « sur les sujets vitaux comme l’évaluation, on retrouve de la continuité »

C’était compter sans Jean Fabre. Inspecteur général honoraire, Jean Fabre commence à évoquer les obstacles à la diffusion de l’EPCC. Il cite une circulaire, venue du sud-ouest, rectorale sur le décrochage qui omet de citer l’évaluation comme facteur de décrochage.

La circulaire porte deux défauts du système éducatif, selon lui : elle ne sait pas hiérarchiser les problèmes et c’est un système où « il y a beaucoup de structures de pouvoir et où on a une culture du pouvoir ». Jacques Grosperrin réagit : »il faut réformer l’inspection générale qui st trop disciplinaire », dit-il. « On ne changer pas le mode de fonctionnement si on ne change pas la structure ». Du coup on est nettement moins dans la continuité…

EPCC et institutions

D’autres témoignages montrent aussi le raidissement de l’institution scolaire. Ainsi Xavier Buff a introduit l’EPCC pour l’évaluation des professeurs stagiaires en maths. Si c’ets bien accepté pour l’oral, pour l’évaluation écrite cela semble plus difficile… E. Gutkowski, IEN en Dordogne,l’utilise pour l’évaluation des professeurs des écoles. « La confiance n’est pas acquise au départ car les enseignants ont vécu des inspections traumatisantes », souligne t-il. Il inspecte sur une thématique proposée par l’enseignant. La pratique est installée mais le fait que les rapports d’inspection soient différents des rapports habituels semble soulever des problèmes.

Big Data et chanson

Florence Robine parle de la formation des enseignants. JM Blanquer évoque, comme F Robine, la façon dont le numérique va révolutionner l’évaluation grâce au big data. La chorale du collège Saint Joseph d’Auxerre entame la chanson de la constante macabre , parole et musique d’André Antibi. Tout finit sur une chanson…

François Jarraud