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« J’ai la joie de voir les élèves grandir et la fierté de leur donner le goût d’apprendre ». Pionnière de l’Internet éducatif, avec le site « Maternailes », Christine Lemoine a aussi construit une méthode bien à elle pour enseigner en maternelle : l’atelier échelonné. Elle enseigne toujours dans la petite école de Thieux (77). Du moins quand elle n’est pas derrière sa guitare…

Ne cherchez pas Thieux : c’est un tout petit village du77 au bout des pistes de Roissy. On est en zone rurale et péri urbaine. Adossée à la mairie, une petite école de 4 classes dont une classe de maternelle qui regroupe tous les enfants du cycle 1. Christine Lemoine y enseigne depuis 25 ans..

Normalement après 25 ans de métier on s’assagit… Qu’est ce qui peut vous pousser à animer un blog aussi riche que Maternailes (sans parler des concerts du groupe « Sous la lune ») ?

Mais je me suis assagie ! Depuis 2015 j’ai fermé sur mon blog la partie de mutualisation des enseignants qui pratiquent l’atelier échelonné. Et je me concentre plus sur mon travail de classe. J’ai gardé le goût de la classe.

C’est quoi le goût de la classe ?

C’est la joie de partager, la chance de suivre les enfants trois années dans une classe de cycle et de les voir grandir. C’est aussi la fierté de leur donner le goût d’apprendre. Tout cela me nourrit.

Vous avez créé Maternailes en 1999, une époque où il y avait peu de sites pédagogiques sur Internet. Comment est il né ?

C’était l’époque du site Cartable. Je cherchais des pratiques pédagogiques spécifiques à des classes de maternelle comme la mienne où toutes les sections sont mélangées. Je me suis lancée. Et très vite ça a essaimé. Des collègues m’ont rejoint et ont tenté l’aventure d’une autre approche pédagogique. Maintenant on ne se pose plus la question de savoir si c’est possible mais si cela convient à l’enseignant. L’atelier échelonné se pratique même avec un seul niveau car les enfants sont très différents en maternelle.

C’est quoi l’atelier échelonné ?

En petite section (PS), moyenne (MS)et grande section (GS) on proposait au départ des travaux différents. Or quand on regarde de près les enfants ,on voit que des PS peuvent faire le travail des MS et même des GS ! Dans cette pratique les enfants sont normés. La différenciation est envisagée comme une « re-médiation » prescrite a posteriori aux malheureux éjectés de la course.

Dans les ateliers échelonnés, plusieurs niveaux de difficultés sont proposés d’emblée à tous, ajustés s’il le faut à la réalité de la classe. Les enfants les investissent non pas en fonction de leur section, mais en fonction de leurs compétences. La différenciation est envisagée ici en amont, en tant que médiation entre les apprentissages et nos élèves. Chacun va pouvoir construire son parcours.

Les enfants s’inscrivent à une activité et ils peuvent s’inscrire plusieurs fois pour voir quel est leur niveau. Les enfants murissent avec les difficultés qu’ils rencontrent. Ils observent les autres.. L’échec est juste un rouage de l’apprentissage.

Comment êtes vous venue à cette pratique ?

Un premier facteur déclenchant a été ma participation à une crèche parentale. J’ai vu comment des enfants qui avaient presque l’âge de ceux de ma classe s’engagent dans les activités et arrivent à des niveaux très supérieurs à ce que je pouvais imposer dans ma classe. Les enfants qui s’engagent à leur meilleur moment obtiennent des résultats supérieurs.

Ensuite j’ai beaucoup appris sur Internet avec la liste de discussion listecol.fr et notamment les échanges sur la pédagogie de Maîtrise à Effet Vicariant. J’ai compris que les enfants apprennent en observant les autres.

Dans ma classe les enfants peuvent travailler ou jouer. Ils apprennent à jouer sans déranger. Ils se promènent dans la classe et observent les autres, leur plaisir à apprendre. Ca leur permet de s’engager eux mêmes. Quand les enfants ne s’inscrivent pas dans un atelier jevais les chercher et je les accompagne pour comprendre pourquoi.

Vous êtes isolée dans cette pratique ?

Plus maintenant. J’ai créé un répertoire de brevets en 2009. Une cinquantaine d’enseignants ont publié leurs propres brevets sur le site. La pratique essaime un peu partout. On m’a proposé de devenir maitre formatrice mais ça ne m’intéresse pas. J’aime construire librement mes pratiques.

Comment voyez vous l’évolution de l’école maternelle ?

Il y a des effets de balancier. On est passé d’une école maternelle très « élémentaire » avec des enfants bien alignés derrière leurs tables en rangée à une école très bienveillante. Je préfère ce balancier là. L’engouement pour Montessori est à situer dans ce mouvement de balancier. Mais j’observe que Montessori était déjà présent dans l’école ancienne. Sur mon site on a accueilli des brevets Montessori dès 2011.

Un autre aspect de votre vie c’est votre participation au groupe « Sous la lune ». C’est important ?

Au bout de 26 ans de maternelle il faut travailler la créativité. Sinon elle s’émousse. Sous la lune c’est de la joie, de la création, de l’humain. Tout ce que j’aime dans la classe de maternelle.

Propos recueillis par François Jarraud

Maternailes

Sous la lune