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Peut-on lever les blocages culturels des élèves pour leur orientation ? Le pourcentage non négligeable de jeunes qui ne vont pas au bout de la procédure APB, celui encore plus fort des jeunes en échec dans le postbac , montre que l’orientation reste un moment difficile de la terminale. Rencontrée en janvier au Salon APB, Marie Marchal est professeure de SES au lycée H Boucher de Paris et référente orientation. Une double casquette qui l’a amené à aborder le processus d’orientation de façon originale, par exemple en s’appuyant beaucoup sur les anciens élèves.

Difficile d’aborder Marie Marchal au salon APB. Après une participation remarquée à un colloque sur l’orientation au lycée, elle débriefe un groupe d’une trentaine d’élèves. Certains ont davantage besoin de leur professeur que d’autres. Mais tous ont des choses à dire…

Il y a de forts liens entre les SES, la discipline qu’enseigne Marie Marchal au lycée H Boucher dans le nord est parisien, et les questions soulevées par l’orientation. On touche du doigt des thème abordés en classe :la reproduction, le capital culturel et social, l’intégration…

Dans les pratiques que vous avez présentées au salon APB il y a le fait de faire venir d’anciens élèves. Pourquoi le faire et comment organisez vous cela ?

Je demande à des élèves qui étaient en terminale l’année dernière de revenir pour échanger avec les élèves de terminale. On utilise pour cela les heures d’Accompagnement Personnalisé (AP). Les jeunes ont plein de représentations dans la tête sur ce qu’est le post bac. Ils se trouvent avec un ancien élève qui raconte son parcours et son ressenti sur APB. Puis on organise de mini tables rondes avec des étudiants regroupés par formation et les élèves vont à droite à gauche librement

Ca apporte quoi aux élèves ?

Des informations précises bien sur. Mais aussi ca fait émerger des processus chez les élèves et ça participe du travail de connaissance de soi. Ca oblige les élèves à se poser des questions. Demander à un jeune de 17 ans son projet est très paradoxal. Ca tétanise les jeunes. Ces interventions lèvent les inhibitions.Les élèves entrent dans le processus d’orientation et dans les voeux d’APB.

Est-ce que cela élève leurs ambitions ?

Ma tache c’est d’emmener tous les élèves vers les possibles. Il faut qu’ils sachent qu’ily a d’autres possibles que les écoles payantes, que les prépas peuvent être pour eux. Ce genre de rencontre aide aussi à faire prendre conscience des méthodes de travail du post bac: la nécessité de savoir prendre des notes par exemple, les lectures personnelles etc.

Il y a aussi un Forum post bac ?

Là on invite d’anciens élèves qui sont déjà en bac +3 ou bac+4. C’est un travail qui avait été organisé par les enseignants de la série S et la filière ES s’est greffée dessus. Grace à ma mission de référente je peux collecter des adresses d’anciens élèves. J’utilise aussi ma page Faceboook pour en contacter d’autres. Cette année une quinzaine d’anciens de la filière ES sont venus parler de leur parcours.

Là les élèves découvrent des cheminements. Et ces rencontres renforcent aussi le sentiment d’appartenance au lycée. Ca apprend par exemple aux élèves à avoir un plan B quand on est pas pris quelque part.

Faut-il anticiper APB ?

Dans mon lycée il y a tout un travail avec le COpsy et les professeurs principaux pour mettre en place ces entretiens. Dès septembre on amène les élèves à se questionner. Il faut poser plein de jalons en amont pour que les élèves sortent de leur politique de l’autruche.

Les CPE font un gros travail vers les parents. En seconde le chapitre sur la formation est l’occasion d’aborder la question de l’insertion professionnelle. Des élèves volontaires viennent par exemple assister à des cours de première ES.

A quoi sert un salon comme le salon APB ? Comment les élèves l’utilisent-ils ?

Le salon permet de baisser le stress sur APB. Ceux qui voulaient faire droit ou gestion on trouvé sur place les informations dont ils avaient besoin. Certains ont refait un entretien avec un COPsy. Certains se sont aussi rendus compte qu’ils n’ont pas le niveau de maths pour faire de la gestion.

Les élèves s’entraident dans ce salon : les plus autonomes accompagnent leurs camarades. Car beaucoup d’élèves n’iraient aps tout seuls au salon. Les inégalités de capital culturel jouent à fond. Il devrait y avoir un suivi plus fort de l’orientation de la première à la terminale. Mais les heures d’AP sont parfois utilisées à autre chose comme faire cours…

La ministre dit aux élèves que « tout est possible », qu’il faut oser. Qu’en pensez vous ?

On doit bien sur rester lucide. Les inégalités existent. Mais je crois dans les jeunes. Je me rappelle mon propre parcours, mes rencontres avec des adultes qui m’ont bien encadrée. J’essaie de retransmettre cela et de les aider à advenir.

Tout est possible quand on rencontre les bonnes personnes. Il faut lever les blocages que les jeunes ont dans la tête. Ceux aussi des parents et des profs. Le monde adulte est dans la résistance. Mais je ne vais pas lâcher la dessus. Je dis aux élèves : « vous avez les cartes en main ».

Propos recueillis par François Jarraud

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