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Dans le palmarès des lycées 2017, un établissement se détache : le lycée polyvalent Utrillo de Stains (93). Son nom revient dans les 10 premiers lycées dans 3 des 4 séries du lycée général et technologique. Utrillo est 2ème pour la filière STMG et 6ème pour les séries S et L. Un résultat qui est obtenu avec un taux d’accès au bac excellent et un taux de réussite très supérieur à ce qui est attendu compte tenu de l’origine sociale des élèves. Comment le lycée fait il pour combattre les pesanteurs sociales et donner leur chance à ses élèves ? Olivier Chesneaux, proviseur, nous donne quelques pistes d’explication….

Un lycée particulièrement performant

Situé dans les 10 communes les plus pauvres de France, Stains est au nord de Saint Denis, dans le département le plus pauvre et le plus jeune du pays : la Seine Saint Denis. Le lycée Utrillo, qui compte près de 1300 élèves, est en zone violence et zone sensible. Des enseignants ont récemment fait grève pour obtenir le classement du lycée en zone prioritaire.

Parlons chiffres. Quand on observe le taux de réussite du lycée Utrillo, on voit qu’il est entre 12 et 17 points supérieur au taux attendu. C’est à dire qu’il y a 17% de reçus en plus qu’attendu en série S et 12 en L, la série STMG étant à 15. Utrillo fait partie des lycées où on a nettement plus de chances d’avoir le bac qu’ailleurs. Pour bien comprendre, comparons avec les autres lycées. En série S sur près de 2000 lycées qui offrent cette filière, près de 900 ont des résultats inférieurs au taux attendu. Un nombre équivalent obtient un taux supérieur. Et Utrillo est dans la pointe de ces derniers.

Accompagnement social des élèves

Autre caractéristique du lycée : il n’obtient pas ces résultats en triant les élèves de façon à ne pas présenter les plus faibles au bac. Là aussi près de la moitié des établissements opèrent un tri. L’autre moitié garde ses élèves et les fait réussir et Utrillo a de très bons taux là dessus aussi.

O. Chesneaux, le proviseur, n’aime pas qu’on mette en avant ces taux. Si le taux d’accès est si bon c’est parce que le lycée offre du général, du technologique et du professionnel, ce qui permet de garder tout le monde, dit-il. L’argument, technique, est recevable. Mais d’autres lycées avec les mêmes filières font autrement… Le proviseur parle de l’attachement des jeunes à leur territoire, dont ils sortent peu. « Si on triait on n’aurait plus grand monde », dit-il. « Ici tout le monde ressemble à tout le monde ». Dans cette ville pauvre d’une banlieue pauvre, où la ségrégation scolaire bat son plein, le lycée a beaucoup d’homogénéité sociale.

Mais il faut bien quand même parler du lycée. « On met de la bienveillance dans l’accompagnement social des élèves », explique-t-il. « Quand un élève a un problème on ne fait pas semblant de ne pas le savoir. On ne résout pas le problème. Mais on évite d’ajouter du problème au problème ».

Et puis il y a tous les projets menés dans l’établissement qui construisent de l’attachement, comme les clubs théâtre , hip hop ou sportifs. Là on touche au climat scolaire , un élément qui joue aussi sur le taux de réussite.

Bienveillance pédagogique

« On a un climat serein ici », poursuit O Chesneaux. « On essaye d’anticiper les situations compliquées ». Le lycée compte 4 CPE qui sont très présents sur le terrain pour déminer les conflits.

Bienveillance pédagogique également. « Les professeurs ici prennent les élèves comme ils sont et non comme ils devraient être », dit O Chesneaux. « On a des élèves qui, par leur origine sociale ou leur parcours scolaire, ont soif d’apprendre mais n’ont pas de méthode. Il faut montrer aux élèves qu’ils peuvent réussir pour qu’ils progressent ».

Ca n’empêche pas qu’on travaille. Il y a les devoirs du samedi matin et les bacs blancs pour s’entrainer à gérer une épreuve longue. Et puis il y a toutes les activités déployées par le lycée.

« Nos élèves ne partent pas en vacances. On peut leur proposer de venir faire du sport ou une pratique artistique le mercredi après midi ou le samedi matin. Ils sont là », dit O Chesneaux. Il y aussi des stages durant les vacances pour se remettre à niveau ou travailler ses méthodes. Le lycée offre aussi des préparations à Sciences Po et à Dauphine.

Esprit d’équipe

Comme le lycée est en zone violence les effectifs des classes sont moins chargés qu’ailleurs : 30 élèves par classe maximum, 24 en professionnel.

Mais les enseignants jouent aussi un rôle essentiel dans cette réussite. « On a un turn over relativement faible » dit O Chesneaux. Pour lui cela provient du fait que les enseignants travaillent en équipe et qu’il n’y a pas de professeur isolé. « Quand un professeur a une difficulté avec un élève, il peut en parler avec ses collègues ».

A la base de la réussite du lycée Utrillo, la confiance. Une denrée très rare dans l’éducation nationale. Confiance dans les collègues quand il s’agit de faire front ou de monter un projet. Confiance dans la direction pour soutenir les projets. Confiance des élèves dans leur lycée qui fait ce qu’il peut pour les accompagner. C’est bien le terreau du professionnalisme.

François Jarraud