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L’administration manipule-t-elle le livret scolaire ? Ou les enseignants ? La validation des compétences dans le livret scolaire LSUN donnerait lieu à des tripatouillages de dernière minute selon le Snes de Créteil. Une accusation qui renvoie aux nouvelles conditions d’attribution du brevet qui font de l’évaluation des compétences la clé des résultats de l’examen et de l’affectation en lycée. Cela dans un second degré qui n’a toujours pas accepté l’évaluation par compétences. Problème…

Selon le Snes, des principaux changent l’évaluation

 » Plusieurs établissements nous ont fait remonter, depuis quelques jours, des modifications par les chefs d’établissement des compétences remplies dans le LSUN par les collègues », annonce le syndicat Snes de Créteil sur son site. Selon le syndicat, des chefs d’établissement redresseraient l’évaluation des compétences en attribuant 320 points là où des enseignants en auraient donné 200.

 » Depuis la mi-mai, la hiérarchie a pu constater que le LSUN ne se remplissait pas comme prévu. Dans plusieurs établissements, des équipes entières ont annoncé ne pas vouloir compléter, vouloir mettre 200 points ou 400 points à tous les élèves ou utiliser notre logiciel pour transformer les moyennes en compétences. Pour y faire face, l’administration s’est mise à réunir, début juin, les chefs d’établissement de l’académie, et leur a rappelé qu’ils pouvaient modifier les travaux des collègues sur le socle si besoin », note le Snes.

Les compétences un enjeu du brevet et au-delà

L’enjeu est la validation des compétences dans le livret numérique LSUN qui a été imposé cette année. Celle-ci a pris une importance beaucoup plus grande cette année avec le nouveau brevet et la nouvelle procédure Affelnet.

Jusque là la validation des compétences était une étape secondaire dans l’obtention du brevet. Celui ci était attribué au vue des notes obtenues dans l’année et lors des épreuves finales. C’étaient aussi les notes qui fixaient les rangs d’affectation dans Affelnet.

Avec la nouvelle évaluation tout change. Le nouveau brevet se compose de deux catégories d’épreuves. Les premières consistent en la validation du socle. Selon les textes, c’est au conseil de classe du 3ème trimestre de l’année de troisième que « l’équipe pédagogique évalue le niveau de maîtrise atteint. Le chef d’établissement certifie ce niveau et en porte attestation sur le livret scolaire dans le bilan de fin de cycle 4 ». Le conseil de classe accorde un nombre de points pour chacune des 8 compétences : 10 points si le candidat obtient le niveau « Maîtrise insuffisante » ; 25 points s’il obtient le niveau « Maîtrise fragile » ; 40 points s’il obtient le niveau « Maîtrise satisfaisante » ; 50 points s’il obtient le niveau « Très bonne maîtrise ». Pour le brevet, l’évaluation des compétences donne 320 points à un élève moyen alors que le brevet est attribué avec 350 points. Par suite, tout élève moyen a automatiquement le brevet avant même le début des épreuves, alors que celles ci ont été complexifiées.

Logique de moyenne et logique de compétences

C’est cette situation absurde qui crée le tripatouillage dénoncé par le Snes Créteil. D’une part des enseignants calculent l’évaluation des compétences comme des notes. Pour eux un niveau moyen c’est 200 points et non 400. Selon le Snes,  » les 200 points correspondent à la moitié des points attribuables dans le socle. De nombreux enseignants ont considéré qu’un élève moyen devrait avoir un nombre de points correspondant à ce nombre. De plus, ce score, attribué à tous, avait l’avantage de rendre aux épreuves finales du brevet une importance ».

Le problème c’est que ce n’est pas ce que dit le règlement d’examen et que cela fausse aussi l’affectation des élèves. Des chefs d’établissement repassent alors derrière les enseignants pour transformer les 200 points en 320 réglementaires.

D’autre part la logique même d’évaluation des compétences serait toujours refusée dans certains établissements, selon le Snes Créteil. Et les principaux valideraient à la louche comme ils le faisaient dans l’ancien système.

Quand le système dérape c’est le niveau local qui répare…

La situation dénoncée par le Snes Créteil était prévisible. Le nouveau règlement d’examen, en ne choisissant pas entre l’attribution du brevet par validation du socle et attribution par examen final, a créé un monstre où se cumulent les inconvénients des deux systèmes. Son avenir est d’autant moins assuré que la quasi disparition des EPI depuis la réforme Blanquer supprime une partie des épreuves.

La nouvelle évaluation rencontre aussi l’hostilité d’une partie des chefs d’établissement qui jugent que le nouveau système, où les points sont attribués au vue de l’évaluation des compétences, n’ets aps assez discriminant pour permettre l’affectation des futurs lycéens dans un système où tous les établissements sont égaux mais où certains sont quand même reconnus d’élite…

Ce que dénonce le Snes de Créteil, c’est involontairement les errances d’un système éducatif qui croit pouvoir imposer une culture d’évaluation et qui n’est pas non plus au clair avec ses valeurs. Pour résoudre toutes ces contradictions systémiques, ce sont les tacherons des établissements qui s’y collent : les principaux.

François Jarraud

Sur le site du syndicat

Brevet complexité inutile