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Tout ce qui est vieux est neuf. Et vice versa. Devant les commissions de l’éducation et des finances du Sénat, Jean-Michel Blanquer est longuement revenu sur les décisions prises durant son premier mois de mandat. Le ministre de l’éducation a aussi laissé percer quelques projets pour l’avenir comme une réforme pédagogique du collège, de la maternelle ou du statut des AED. Sciences cognitives, personnalisation, les idées des années Chatel et Darcos sont de retour… Mais c’est surtout l’annonce d’un budget très contraint que l’on retient. A peine revenu, déjà gérer la pénurie ?

Un clivage gauche droite marqué

Une quarantaine de sénateurs se sont déplacés le 28 juin pour écouter Jean-Michel Blanquer auditionné par la Commission de l’éducation et celle des Finances suite à la publication de leur rapport sur les rythmes.

Le discours du ministre a beau être celui du consensus et de l’union autour de l’école, les débats au Sénat échappent encore au tremblement de terre macronien. Les sénateurs de droite marquent leur appui au ministre, ceux de gauche leur méfiance.

Pourtant JM Blanquer est venu parler de « l’école de la confiance », élément d’une « société de la confiance ». Cette école repose sur « la capacité à avancer à partir de mesures démontrées… J’attache la plus grande importance à la lumière des sciences cognitives, de la révolution numérique, de l’expérience et des expérimentations », dit le ministre.

Au fil des questions , nombreuses, et parfois très pointues comme celles de JC Carle ou de F Cartron, le ministre présente son projet.

Rythmes

Au primaire, JM Blanquer est revenu longuement sur la réforme des rythmes. Pour le ministre, les rythmes « ne sont pas un premier facteur de réussite scolaire ». Là dessus le ministre renvoie à l’étude de la Depp opportunément publiée le même jour. « Il n’y a pas de supériorité des 4 jours et demi sur les 4 jours », dit-il. Le ministre a souligné qu’il n’imposait pas le retour aux 4 jours et que la situation déjà hétérogène le resterait.

JM Blanquer s’est bien gardé de répondre aux questions gênantes de Brigitte Gonthier Morin et de Françoise Cartron. La première souligne que la décision de revenir aux 4 jours était prise « sans aucune concertation » et « sans avoir évalué ses répercussions sur l’entrée dans les apprentissages ». Françoise Cartron entend « l’importance que vous accordez aux sciences cognitives et aux comparaisons internationales, votre credo pour la confiance. J’aimerais comprendre car on a de nombreuses comparaisons internationales, des études de chronobiologistes, comme le rapport de 2011 où vous étiez partie prenante. Comment s’accommode-t-on de ces constats unanimes pour permettre le retour aux 4 jours ? » Pas de réponse non plus à la question de Jacques Bernard Magnier sur le devenir des intervenants du périscolaire, près de 250 000 personnes.

Le ministre a par contre répondu à la question de JC Carle sur le fonds de soutien. « Le premier ministre s’exprimera dans peu de temps. On en a beaucoup parlé et on est sur le principe favorable à la pérennisation du fonds », a déclaré JM Blanquer. « Mais il faut regarder ce qui est possible ».

Les maitres plus déjà condamnés par les études ?

Autre sujet d’actualité, le dédoublement des CP et les maitres surnuméraires (maitres +). « Le dispositif plus de maitre (PDM) n’a jamais été aussi populaire que depuis le dédoublement », a ironisé le ministre. « On ne l’a pas éteint. On l’a recentré sur le CP et le Ce1 et on continue à le mettre en oeuvre dans une moindre mesure que précédemment. On lui donne sa chance avec une évaluation ». Mais dans la tête du ministre son sort semble déjà décidé : « les études sur tout ce qui ressemble au PDM n’ont pas donné de résultats alors que les dédoublements ont donné des résultats ».

Pour JM Blanquer le dédoublement va être mis en oeuvre dans 70% des cas à la rentrée. Là où matériellement ce ne sera pas possible « on aura du PDM », c’est à dire dans l’esprit du ministre deux maitres à demeure dans la classe.

« La pointe avancée d’une politique plus vaste »

Le ministre annonce des politiques autour du dédoublement. D’abord dans la gestion des ressources humaines. Il promet de nommer en CP des enseignants expérimentés. « Ils seront accompagnés d’outils pédagogiques. Les inspecteurs auront tous les outils des meilleurs spécialistes des sciences cognitives », annonce JM Blanquer. Le ministre a réuni récemment les inspecteurs du primaire pour leur faire écouter S Dehaene.

« La mesure de dédoublement « n’est que la pointe avancée d’une politique plus vaste vis à vis de la maternelle, du CP et du Ce1 », explique JM Blanquer. Il faut donc s’attendre en maternelle aussi à des pressions pédagogiques. Le ministre n’a pas fait mystère à d’autres occasions de sa volonté de faire de l’école maternelle « l’école du langage » comme l’avait fait Darcos avec les programmes de 2008.

Dans un entretien accordé à La Croix et publié le 29 juin, JM Blanquer revient d’ailleurs sur cette question pédagogique.  » Il faut impérativement ancrer les compétences fondamentales dès les premières années d’école. Or on sait, grâce à des recherches nationales et internationales de très haut niveau, qu’il existe un spectre de méthodes qui fonctionnent. L’impératif n’est pas d’imposer des méthodes mais d’éclairer les professeurs, notamment au travers de la formation initiale et continue que j’entends renouveler », dit le ministre.

Collège : le retour de la personnalisation

Le ministre annonce aussi des changements pour le collège. Pour lui il ne s’agit pas du retour au collège d’avant. Mais « on est passé au nouveau collège. Dans le futur d’autres évolutions vont venir comme la personnalisation des parcours et l’épanouissement des élèves ». La « révolution de la personnalisation » avait été lancé par Luc Chatel en 2011, époque où JM Blanquer était à la tête de la Dgesco.

Réforme du statut des AED

Sur le dispositif Devoirs faits, JM Blanquer a évoqué le role des assistants d’éducation et de « 10 000 services civiques ». « On va faire évoluer le statut des assistants d’éducation qui sont une richesse pour l’éducation nationale » , a déclaré le ministre. « Ils seront le nouveau vivier de professeurs » et être assistant « sera un atout pour devenir professeur. Ils auront une formation et un rôle à jouer » insiste JM Blanquer. Là JM Blanquer revient à des politiques plus anciennes d’encadrement des élèves, rôle dévolu aux assistants par L Ferry en 2003. Les tentatives de faire des assistants des répétiteurs ont donné de très mauvais résultats en Angleterre.

Un budget sous contrainte

Le ministre a aussi annoncé 8000 nouveaux contrats aidés à la rentrée pour accompagner les élèves handicapés.

Interrogé sur le budget, il est resté dans le flou mais a annoncé qu’on serait « dans une situation de constance. Cela doit permettre de se concentrer sur le qualitatif ». Une annonce assez inquiétante car les engagements pris par l’équipe précédente par exemple sur la revalorisation, ou par l’équipe Macron, par exemple avec la prime de 3000 € en Rep+ ou avec le recrutement de 2000 enseignants sur le quinquennat, imposent une augmentation du budget de l’éducation nationale. A peine JM Blanquer revenu, que déjà il doit gérer la pénurie budgétaire ?

François Jarraud

Blanquer dans La croix

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