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Il y en a pour qui la sortie des classes est un crève-coeur. Ceux qui voient leur école de village fermer. A Paris, on oublie trop souvent ces petites écoles à une ou deux classes, dont l’existence ne tient qu’à un fil ténu : le nombre d’élèves. Un ou deux enfants en moins et c’est le spectre de la fermeture… A Hodenc-en-Bray (Oise), l’école, qui ne compte qu’une classe, doit fermer à la rentrée. Mais le maire et les parents mobilisés ne se résignent pas. Récit d’une lutte inégale face à ce qui est aujourd’hui un courant : la fin des  » classes isolées  » dans le rural.

A Hodenc-en-Bray, petite commune de l’Oise de 505 habitants, il n’y a pas eu de nouveau miracle. L’inspection académique est restée ferme sur sa décision : l’école, qu’elle avait déjà tenté de fermer en 2015, ne rouvrira pas ses portes en septembre.

A la rentrée, les 26 élèves de la classe de CE1-CE2 iront rejoindre l’école principale du RPI – regroupement pédagogique intercommunal – dans le village de LaChapelle-aux-pots, à trois kilomètres. Leur enseignant Christophe Bajemon, en place depuis six ans, a été nommé sur une autre école de la région.

En 2015 déjà, l’Education nationale avait prononcé une fermeture. Mais la mobilisation des habitants, ajoutée au fait que les effectifs s’étaient finalement maintenus, l’avait emporté. Et la mesure avait été annulée.

Norme

Cette fois, la détermination des parents, des élus et des habitants n’a pas suffi. Le 27 juin à Beauvais, lors de la réunion consacrée aux ajustements de la carte scolaire, l’école d’Hodenc-en-Bray n’a pu être sauvée.

La fermeture avait été annoncée lors du CDEN (conseil départemental de l’Education nationale) du 10 février. Motif : à la rentrée 2017, on prévoit 212 élèves pour le RPI qui compte 9 classes. Soit une moyenne de 23,5 élèves par classe alors que la  » norme  » est de 26,5…

Aux yeux de l’académie, il fallait donc supprimer une classe. Le couperet est tombé sur la petite école d’Hodenc-en-Bray.  » La disparition des classes isolées est une lame de fond depuis quelques années « , explique le représentant de l’Oise du SNUipp (principal syndicat du primaire), Pierre Ripart.

Banderoles

Les parents d’élèves d’Hodenc-en-Bray se sont aussitôt mobilisés. Les banderoles de 2015 ont été ressorties. Une pétition est lancée pour réclamer l’annulation de la fermeture. Elle approche aujourd’hui les 600 signatures.

Les anciens, qui ont frotté leurs fonds de culottes sur les bancs de l’école, rejoignent la mobilisation. Comment imaginer le village sans son école ? Le petit bâtiment en briques rouges, situé en plein centre, date de la fin du XIXè siècle.

Tous sont conscients qu’avec sa fermeture, c’est la vie du village qui est touchée. Si les effectifs d’élèves remontaient, on créerait une classe à La Chapelle-aux-Pots. Mais on ne réouvre pas de si petites écoles.

Le 24 mai, une cinquantaine de personnes – parents, élus… – occupent la classe toute la matinée. La presse locale couvre l’événement.

Les parents adressent aussi un courrier à l’inspecteur du premier degré, puis au DASEN (le directeur académique des services de l’Education nationale).  » La situation reste suivie attentivement « , vient de répondre l’académie…

Mini potager

« Avec cette fermeture, on risque de se retrouver avec des classes surchargées, prédit Lénaïque Vasseur, représentante des parents d’élèves. L’Education nationale n’a pas tenu compte de l’arrivée de nouveaux habitants à La Chapelle-aux-Pots : dix pavillons de type F4 seront livrés d’ici la fin de l’année. Or il y aura des familles avec enfants. »

Lenaïque Vasseur a sa fille qui vient de passer deux ans à l’école de Hodenc-en-Bray. Deux belles années.  » Lutter contre sa fermeture, explique-t-elle, c’est permettre à nos enfants de passer au moins un an dans une école à l’ancienne où la cour est un grand jardin avec des arbres, où les enfants observent des insectes, ont un mini potager…  »

 » C’est aussi le combat classique de parents d’élèves pour des classes à 24-25 élèves, qui sont des conditions idéales « , poursuit Lénaïque Vasseur qui, au moins jusqu’au départ en vacances, veut encore y croire.

Les parents dénoncent aussi  » l’approche comptable  » de l’Education nationale.  » Même si je vis à la campagne, je suis les informations, ajoute Lénaïque Vasseur, je sais qu’en ville on va ouvrir des CP à 12 élèves. Et où va-t-on trouver les enseignants ? Ce ne serait pas dans nos petites écoles ?  »

Espoir

Le maire Frédéric Langlois, très engagé dans la mobilisation, refuse de baisser les bras.  » Jusqu’à la rentrée, il y a encore une lueur d’espoir, assure-t-il. Je vais continuer à batailler, faire pression. Au premier comptage, il n’y avait pas assez d’élèves pour garder toutes les classes. Mais le chiffre est monté et nous sommes dans les normes pour ne pas fermer. »

 » Si on avait une école vétuste, poursuit le maire, ou si la sécurité des enfants était en danger, je serais le premier à dire qu’il faut fermer l’école. Mais tous les ans, nous faisons des travaux. Nous avons aussi organisé une activité avec la bibliothèque du village, avec des bénévoles qui viennent et des échanges de livres. « 

L’élu s’inquiète aussi pour l’avenir du village.  » Aujourd’hui quand un jeune couple envisage de s’installer dans le rural, il pose trois questions : y a-t-il une école ? Y a-t-il des services de type cantine, ce que nous avons mis en place dans notre RPI. Et enfin ils demandent si l’impôt est élevé. « 

 » On dit partout qu’on veut relancer la ruralité, conclut Frédéric Langlois, mais on fait tout pour compliquer les choses. Déjà, peu de personnes âgées vont venir ici car il n’y a plus un seul commerce dans le village. Et maintenant, ça va devenir difficile d’attirer des jeunes couples. Fermer une école, c’est enlever du tissu social dans le rural. »

Véronique Soulé

La bataille des habitants de Hodenc-en-Bray en 2015 dans Le Parisien

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