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 » J’ai eu beaucoup de chance « . Ses sites, Instit90 et Directeur90, sont parmi les plus visités par les enseignants du primaire. Sylvain Obholtz est un directeur reconnu par ses pairs et respecté au-delà du monde enseignant. Cette semaine il termine une carrière bien remplie au service des élèves et des enseignants comme directeur de l’école La Rucklin, une école Rep située au milieu d’une cité populaire de Belfort. Il n’était juste pas possible de le laisser partir comme ça… S Obholtz évoque sa carrière, les changements dans l’école, les mesures les plus récentes et les solutions pour aider les élèves…

Comment Sylvain Obholtz est-il devenu enseignant ?

Je suis entré à l’école normale en 3ème. Le principal est venu me voir et m’a proposé de passer le concours d’entrée que je ne connaissais pas. Et je suis devenu instituteur. C’était au milieu des années 1970. Après j’ai fait le lycée et intégré l’école normale après le bac pour deux années. Mes parents on reçu une bourse et après le bac j’étais salarié. Si je n’avais pas été sollicité ce n’est pas certain que je serais devenu enseignant.

Comment la vocation est-elle venue ?

Enseigner c’est un métier. Ce n’est pas une vocation. J’ai ressenti un intérêt très fort pour ce métier. A ma sortie de l’école normale en 1978 j’ai été nommé dans une école urbaine difficile. Puis je suis passé à une classe de campagne avec tous les niveaux. J’ai passé le Cafipemf. Je suis devenu maitre formateur en IUFM, conseiller pédagogique. Et j’ai décidé de terminer ma carrière dans une école de l’éducation prioritaire. Et j’ai été nommé à l’école Rep La Rucklin à Belfort.

Pourquoi ce retour ?

J’aime le défi, l’incertitude. C’est mon moteur. Et puis il y a ce qui motive dans ce métier : les élèves. On a envie qu’ils progressent et c’est un vrai défi personnel. Choisir une Rep c’est aussi un engagement. J’ai le sentiment de travailler pour notre société, pour que les élèves y prennent leur part. Ca peut paraitre idéaliste mais ça fait partie de mon engagement.

Justement quelles évolutions avez vous vu dans l’école à travers ces années ?

Le profil sociologique des enseignants a changé. Je ne sais si cela se répercute sur la façon d’enseigner mais c’est une évidence. On était fils d’ouvrier ou de paysan. Maintenant cela a changé. Il y a du travail à faire pour que les enseignants s’approprient ce qu’est un quartier populaire et ses enfants.

Du coté des élèves, ce qui a changé c’est la capacité d’attention des élèves et leur appétence scolaire. Je constate que dès les petites classes, les élèves ont une plus grande inattention et sont plus instables. Ils n’ont pas le même attrait pour l’écrit qu’autrefois. Tout cela questionne les enseignants. Il faut vraiment réinventer l’école et réfléchir aux adaptations nécessaires.

Aider des élèves en difficulté c’est motivant. Avant on avait des heures d’aide aux élèves en difficulté le mercredi matin. On s’était rendu compte que malgré tout ce que nous faisons, les élèves en difficulté étaient toujours en difficulté à la fin de l’année.

Il y a une solution ?

Il y a des solutions, pas une. C’est une question systémique. C’est l’ensemble des solutions qui peut changer la situation. Il faut jouer sur tous les leviers: les méthodes mais aussi la formation des enseignants pour comprendre ce qui fait obstacle. Et aussi les effectifs dans les classes. C’est pour cela que le slogan « la réussite de tous  » me fait peur. On peut faire progresser tous les élèves. Réussir , il faudrait définir le terme.

En ce moment les maitres surnuméraires sont au coeur d’un débat. Vous en pensez quoi ?

Le dispositif a permis d’ouvrir les classes et de faire en sorte que le maitre ne soit plus seul. Du coup cela permet d’engager une réflexion sur la façon de travailler et même parfois de la modifier. Je trouve que les maitres + apportent une dynamique réflexive très intéressante.

C’est plus intéressant que le dédoublement des CP ?

Je suis très réservé sur cette mesure. Certes il faut diminuer les effectifs des classes. Mais pas les diminuer pour faire la même chose. Il faut faire autrement pour faire progresser les élèves qui résistent aux apprentissages. L’idéal ce serait un allégement et un accompagnement par le maitre +.

Vous accordez beaucoup d’importance au débat dans l’école. Pourquoi ?

Ce qui est important c’est que les adultes et les élèves s’expriment sur leurs difficultés. C’est vraiment la caractéristique de La Rucklin. On accueille la parole. Quand quelque chose est difficile on le gère collectivement. On ne laisse pas un collègue seul face à une difficulté. C’est la seule solution pour qu’on puisse bien vivre dans une école comme la notre.

Chaque enseignant arrive avec ses représentations personnelles du métier. C’ets le débat qui va créer la cohérence. Or on est beaucoup plus efficace quand on coordonne ses efforts. Par exemple on a intérêt à se mettre d’accord sur le règlement scolaire et finalement sur le climat scolaire.

Vous avez créé et développé des sites Internet célèbres. Que vnt-ils devenir avec votre départ en retraite ?

J’ai annoncé leur fermeture car s’ils ne sont plus alimentés ils ne vivront plus. J’espère que le site de l’école sera maintenu par le prochain directeur. Pour les autres, Instit90 et Directeur90, j’ai du mal à jeter cela aux orties. Ma vie professionnelle a été une part importante de ma vie personnelle.

Qu’allez vous faire ?

Quand on est en rep on est pris à 100% jusqu’au bout. Après j’ai des sollicitations pour des formations. Peut-être que je vais continuer ainsi un peu. Mais j’ai conscience qu’à un moment il faut lacher.

Quel bilan sur cette vie de prof ?

J’ai eu beaucoup de chance. J’ai rencontré des enseignants qui ont été des révélations pour moi et qui m’ont permis d’avancer. Je finis dans une école difficile où les parents me renvoient quelque chose des efforts que j’ai fourni. Je veux remercier avant de partir.

Propos recueillis par François Jarraud

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