Print Friendly, PDF & Email

« Faut-il attendre que les changements majeurs viennent d’en haut ? Faut-il se résigner ? Non, ce n’est pas dans ma nature ! ». Marie Hélène Fasquel est connue du grand public pour être l’enseignante française retenue pour le Global Teacher Prize. Elle publie un livre qui présente ses projets et ses démarches pédagogiques. Mais n’y cherchez ni recette, ni « bonnes pratiques ». Le livre montre MH Fasquel telle qu’elle est en réalité. C’est le portrait d’une enseignante totalement engagée dans son métier, avec des idées géniales pour transmettre l’anglais. Mais surtout celui d’une professeure qui ne sépare pas l’éducation de l’instruction, son rôle de professeur avec sa vie de femme.


Au 5ème jour naquit l’ennui…

Née dans un milieu modeste du nord de la France, MH Fasquel a fait une belle carrière d’enseignante, des lycées populaires de Dunkerque au chic lycée international nantais où elle enseigne aujourd’hui. Le livre raconte ce parcours, de la timide étudiante reçue au capes puis à l’agrégation à la professeure sur médiatisée à l’occasion du Global Teacher Prize.

Quelques extraits permettent de comprendre qui est cette enseignante. Retenons deux moments clés. En 1999 c’est son premier poste. Elle applique ce qu’elle a appris en IUFM. En fin de cette 1ère semaine, premier bilan: « Dès ce 5ème jour de classe je me trouve confrontée à l’ennui suscité par la dimension répétitive d’une approche qui ne me correspond pas et qui ne correspond peut-être pas non plus à des jeunes en évolution ». Quelques années plus tard, en 2013, dans son lycée populaire on lui confie une « seconde de la réussite » qui réunit des élèves à la limite du décrochage. « Je dois faire mes preuves », écrit-elle. « Et pour cela je dois gagner la confiance de ces élèves particulièrement réticents. .. J’essaie de faire appel à leurs émotions qui seules peuvent faire naitre l’intérêt ».

Des projets innovants

Voilà MH Fasquel déjà bien définie dans sa conception du métier enseignant. Un métier exigeant parce qu’on doit le vivre à 100%. Une volonté de transmettre jamais séparée de celle d’éduquer avec en arrière plan celle d’élever socialement. Un engagement profond dans une conception du métier enseignant qui regarde la totalité de chaque élève et mise toujours sur la communication humaine.

Bien sur le livre détaille les projets pédagogiques qui jalonnent la route de MH Fasquel de Dunkerque à Dubaï. MH Fasquel a souvent participé au Forum des enseignants innovants et le Café pédagogique a présenté plusieurs d’entre eux.


Quand innovation rime avec émancipation

L’ouvrage revient sur la création d’un Soap Opera avec ses élèves , sur les échanges de podcasts partagés avec des classes du monde entier, sur ses expériences de classe inversée et bien sur le Global Teacher Prize.

Mais la leçon qu’on dégage du livre, outre la modestie de MH Fasquel, c’est la valeur humaine de son enseignement. On a pu parfois opposer l’innovation à l’émancipation. MH Fasquel met toujours la première au service de la seconde. C’est délibéré et répété. Mais c’est aussi dans sa nature et son histoire.


François Jarraud

MH Fasquel, L’élève au coeur de sa réussite. Mon aventure d’enseignante. Editions François Bourin, 2017, ISBN 9791025203507


Tous les liens de MH Fasquel utilisés dans son livre

Sommaire du livre

Un projet de MH Fasquel

Un autre projet

Un autre projet




MH Fasquel :  » Je croise des centaines d’enseignants innovants chaque année »


MH Fasquel revient sur ce qui la porte et sur la place des « bonnes pratiques » en éducation…


Votre livre donne une image rare du métier enseignant : une image positive. Qu’est ce qui est positif dans ce métier ?

Tout. D’abord le rapport avec les élèves, des êtres que l’on espère voir évoluer. Ils apportent beaucoup, notamment des idées. Il y a aussi les échanges avec les collègues. Enfin le fait qu’on apprend tout le temps. Pour enseigner il faut apprendre. Et moi j’adore les deux ! C’est un métier magique. Je dois tout à l’école.


Votre livre présente vos projets pédagogiques. Donne t-il des recettes pour enseigner ?

Certainement pas. Il n’y a pas de recettes. Pas de bonnes pratiques. Il y a des pratiques que chaque enseignant adapte à ses besoins et surtout fait évoluer. C’est cette adaptation qui est importante. Quand j’évoque mes expériences dans ce livre c’est pour faire réfléchir les collègues, et aussi montrer à tous une vision positive de l’école car je suis très blessée de ce que je lis sur l’école. Enfin tout ce qui est écrit est vrai. C’est ce qui se passe vraiment dans ma classe.


Pour vous être enseignant c’est quelque chose qui engage la personne. On enseigne d’abord ce que l’on est ?

On est la somme de ce qu’on aime. On ne peut pas enseigner quelque chose qui ne passionne pas. Pour moi tout est lié entre la vie et ce métier.


La passion suffit pour être un bon enseignant ?

Non. Elle permet de construire ce qu’on va faire. Etre un bon pédagogue suppose d’être bienveillant, d’avoir de la culture, une qualité de savoir être. Enseigner c’est d’abord avoir la capacité de créer un lien avec les élèves.

C’est aussi la capacité à travailler avec d’autres. J’ai expliqué à mes étudiants de l’Espe que j’ai passé l’agrégation en la préparant en groupe dans un petit collectif. On partageait tout et ça nous a réussi. Je leur dis : travaillez ensemble vous réussirez mieux. C’ets aussi ce que j’enseigne à mes élèves.

Tous mes projets ont été réalisés avec des collègues français ou étrangers. J’aila chance d’avoir , avec le Global Teacher Prize, accès à un réseau d’enseignants très engagés qui m’aide beaucoup. Quand j’étudie des oeuvres allemandes ou sud-africaines , comme en ce moment, je sais que je peux compter sur des collègues de ces pays qui sont prêts à travailler avec mes élèves. On se nourrit des expériences des uns et des autres.


Le livre traite de l’innovation. On peut innover facilement dans l’Ecole française ?

On a la chance d’avoir des programmes très larges dans ma discipline, l’anglais. Donc dans ces programmes on peut innover. En littérature par exemple, je peux faire étudier Shakespeare avec des haïkus. Le système éducatif ne s’oppose pas à l’innovation.

Plutôt que changer le système il faut veiller à ce qu’il laisse un maximum de liberté aux enseignants. Je croise des centaines de projets et d’enseignants innovants chaque année.


Propos recueillis par François Jarraud