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La conférence de presse de rentrée du ministre de l’Education nationale devrait être l’occasion de faire le point sur les quelques actions engagées et annoncées à grand bruit avant les vacances. Ce serait bien le moins à exiger de quelqu’un qui se présente comme un fervent adepte de l’ « expérimentation » et de l’ « évaluation ». Ou bien aurons-nous droit, comme avant l’été, à la reprise des annonces  » tambour battant » (dixit « Les Echos » du 4 août), voire à leur amplification?

Déclaration de Jean-Michel Blanquer, le 8 juin dernier, dans « Le Parisien » : «Pour les élèves les plus défavorisés, les grandes vacances sont souvent un moment de déperdition des acquis de l’année précédente […]. Dès cette année, nous allons donner aux élèves de CM2 la possibilité de bénéficier de soutiens gratuits, avant l’entrée en 6e. Ces stages d’une semaine seront proposés fin août, au moins en éducation prioritaire. »

Il ne devrait pas être hors de portée du ministre de l’Education nationale de nous dire s’il y a eu ou non une offre effective d’ampleur en l’occurrence (et même d’avoir une idée du succès ou non que cette offre a pu rencontrer). Sauf s’il ne s’agissait que d’une annonce qui n’avait pas en vue des conséquences effectives : une sorte de  »BA » pour se targuer d’une  »bonne volonté » ministérielle quant aux  »élèves les plus défavorisés ».

Il faut reconnaître que cela sera sans doute plus difficile pour ce qui concerne une autre annonce, à savoir celle concernant les « Fables » de La Fontaine. La même « opération » avait déjà été menée à l’été 2010 (mais avec des variantes significatives) par le DGESCO de l’époque, un certain… Jean-Michel Blanquer. Dans la première mouture (celle de 2010), la sélection pour l’envoi des 178000 livres (dans des classes de CM1 d’écoles volontaires) reposait sur l’examen d’un « projet pédagogique » : « c’est la qualité du projet pédagogique qui sera le critère majeur de sélection des écoles qui pourront bénéficier de cette première dotation expérimentale ». Et il était notamment indiqué dans la circulaire du 26 mai 2010 que « les grandes lignes du projet d’activités pédagogiques prévues en CM2 devaient faire apparaître des objectifs d’apprentissage en culture humaniste et en maîtrise de la langue, notamment la mise en réseau avec d’autres textes […] À la rentrée, les maîtres de CM2 conduiront des activités qui permettront aux élèves d’en parler avec leurs camarades, d’étudier le texte avec leurs enseignants». Puisqu’il y avait eu sélection, on pouvait savoir à la rentrée de septembre qui avait été partie prenante effectivement et quels étaient les suivis prévus. Un bilan assez sérieux était possible.

C’est fort différent cette fois-ci où 150000 livres devaient être remis avant les vacances à tous les élèves (non plus de CM1, mais de CM2 ) de trois académies. Il a été sobrement indiqué par le ministère que « cette opération est expérimentée, cette année, dans toutes les classes de CM2 des académies d’Aix-Marseille, Nantes et Lille. Les professeurs de CM2, dont les élèves reçoivent ces livres, ont été invités à leur présenter l’ouvrage, à leur donner les clés pour une bonne lecture afin de susciter la curiosité à la veille des vacances. Les professeurs de français des classes de 6e, dans le cadre de l’articulation école-collège, pourront s’appuyer sur cette lecture estivale pour commencer leurs enseignements l’année prochaine »…

Devenu ministre de l’Education nationale, l’ancien DGESCO Jean-Michel Blanquer serait-il aspiré par une « insoutenable légèreté de l’être »? Quel bilan pourra-t-il faire dans ces conditions ? Il convient de le lui demander, car il y a des comptes à rendre sur l’usage des deniers public.

Une troisième action a été engagée dont on devrait pouvoir faire le bilan ( non certes de ce qui aura été fait, mais de ce qu’il a été prévu de faire) : « la rentrée en musique ». Un communiqué de presse du ministre de l’Education nationale publié fin juin a précisé (si l’on peut dire) que « cette mobilisation commune va trouver une première réalisation avec la « rentrée en musique », qui marquera de manière positive le début de l’année scolaire 2017-2018. Les écoles, les collèges et les lycées sont invités à accueillir, dès septembre prochain, leurs nouveaux élèves en musique. Élèves, professeurs, parents, chorales et orchestres, artistes et acteurs culturels pourront chanter et jouer dans les écoles et les établissements le jour de la rentrée. Associations locales, conservatoires et écoles de musique seront mobilisés.Ce moment musical constituera le point de départ d’une année scolaire ambitieuse et réussie ». De quelle « mobilisation » s’agit-il ? Le communiqué du 27 juin dernier indique aussi (est-ce le principe macronien du  »en même temps »?) que « les pratiques musicales scolaires et péri-scolaires seront encouragées dès la rentrée 2017, tout au long de l’année et pour les années suivantes […]. L’éducation artistique et culturelle est une priorité du quinquennat conformément à l’engagement du président de la République ».

On aimerait savoir (pour en faire clairement le bilan et l’évaluation) si la  »rentrée en musique » est avant tout « de montrer que la rentrée est un jour à vivre non pas avec inquiétude mais avec joie et confiance » comme l’a affirmé Jean-Michel Blanquer (dans « Le Parisien » du 8 juin dernier), ou bien si « la rentrée en musique » doit être considérée avant tout comme « le chant du départ » d’une nouvelle politique scolaire dans le domaine artistique et culturel?

Y-a-t-il  »solution de continuité » sur ce point avec le quinquennat précédent ? Quelle continuité avec les « parcours d’éducation artistique et culturelle » mis en place (certes de façon sans doute encore trop timide) dans le cadre d’un « socle commun » auquel on a rajouté le complément « culture » à « de connaissances et de compétences », avec le souci de mettre en avant la pratique, et pas seulement les savoirs (bien sûr indispensables) ? Oui, on aimerait savoir ! Surtout quand les références réitérées à la priorité aux « fondamentaux » risquent de submerger dans les faits les intentions culturelles et artistiques proclamées, une submersion qui serait occultée par des  »moments spectaculaires »…

Claude Lelièvre