Print Friendly, PDF & Email

« La voie professionnelle grande priorité du ministère » ? Pour Sigrid Gérardin, co secrétaire générale du Snuep Fsu, ces propos de JM Blanquer « ne doivent pas rester une formule vide ». Le Snuep doit se battre sur 3 fronts : pour le recrutement d’enseignants et l’application des accords PPCR, pour le devenir des bacheliers professionnels et aussi pour celui des établissements menacés par la suppression de la taxe d’apprentissage.

Le continent ignoré de la rue de Grenelle

Si l’appel à « revaloriser l’enseignement professionnel » fait partie des classiques du ministère de l’éducation nationale, il faut bien reconnaitre que celui ci reste très éloigné des préoccupations de la rue de Grenelle. Même s’il pèse 650 000 élèves et fournit plus d’un quart des bacheliers (176 000), l’enseignement professionnel est un univers que les ministres et les hauts cadres du ministère n’ont jamais fréquenté. Elèves et même professeurs ont des profils sociologiques et des parcours qui n’ont jamais croisé ceux des cadres de la rue de Grenelle.

Pour ceux qui en douteraient, il suffit de suivre la façon dont le dossier du devenir des bacheliers professionnels est traitée. Une question que le Snuep Fsu met au centre de ses revendications à l’occasion de la rentrée.

Un recrutement catastrophique

Mais commençons par les enseignants. « Le bilan du recrutement est catastrophique », explique Sigrid Gérardin. Un quart des postes mis aux concours ne sont pas pourvus et le ministère fait appel massivement à des contractuels. Un nouveau PLP sur trois est envoyé en classe sans passer en formation, cas exceptionnel dans l’éducation nationale, alors qu’il aura à faire classe à des jeunes en difficulté. Le Snuep manifeste sa « colère » face au gel du point Fonction publique, au retour de la journée de carence et à l’incertitude sur l’application du PPCR.

Mais la grande question reste celle du bac professionnel et du devenir des 176 000 bacheliers professionnels. « La rénovation des bacs professionnels a été un échec », estime S Gérardin. Elle donne en exemple le bac Gestion administration. « On ne peut plus y enseigner .On y est en évaluation permanente », explique-t-elle évoquant 57 compétences à évaluer en 3 ans. Pour Franck Féras, co secrétaire général, « ça devient difficile de donner un sens à leur enseignement car ils passent leur temps à évaluer. Ca participe à rendre le diplôme inefficace ».

Quel avenir pour les bacheliers professionnels ?

Mais c’est la question de la poursuite d’étude des bacheliers professionnels qui est la grande question du moment. Deux bacheliers professionnels sur trois souhaitent poursuivre des études supérieurs soit près de 115 000 jeunes, estime le Snuep. Or seulement 53 000 trouvent une place dont 14 000 en université, où ils ont peu de chances de succès, et 37 000 en STS. « On est loin du compte », estime le syndicat.

La solution proposée par le gouvernement semble totalement décalée avec la réalité. Le premier ministre propose d’orienter les bacheliers professionnels vers des formations de niveau bac +1. « Ca existe « , explique S Gerardin. « Ce sont des formations complémentaires ou des mentions complémentaires. Mais elle ne sont aps reconnues par les conventions collectives et ne sont pas diplomantes. La réflexion sur les pré requis et la sélection à l’entrée est un mauvais signe »,estime-t-elle. « Le fait que l’on en soit pas associé à la concertation aussi ».

Le Snuep aimerait voir dans ces formations bac +1 le retour à une sorte de 4ème année de bac pro. Mais c’est bien une formation au rabais que semble préparer le gouvernement pour des jeunes jugés de peu de valeur. Le Snuep aimerait faire de cette formation « une année propédeutique » à une vraie entrée dans le supérieur. Le gouvernement semble lui surtout intéressé à éviter l’ouverture des 50 000 places qui manquent en STS…

Les lycées pros sous la pression de l’apprentissage

Troisième motif d’inquiétude pour le Snuep l’injonction qui est faite aux lycées professionnels d’ouvrir une section d’apprentissage pour pouvoir garder la taxe d’apprentissage. La taxe est indispensable au fonctionnement des établissement. Or le Snuep ne croit pas possible le mélange des élèves, les « parcours mixtes à la mode rue de Grenelle. Pour le syndicat les statuts sont trop différents pour que ce soit viable. Les LP ont déjà perdu un tiers de la taxe collectée et leur avenir s’assombrit encore.

Pour le Snuep la seule bonne nouvelle de la rentrée c’est le report du livret scolaire numérique à la rentrée 2018. L’enseignement professionnel s’apprête à rester le parent pauvre et méconnu de l’Education nationale. Et ses élèves une variable d’ajustement des politiques publiques.

François Jarraud

Dossier : l’enseignement professionnel en débat