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 » Il s’agit d’utiliser notre intelligence collective pour construire des solutions cohérentes, pragmatiques et réalistes qui puisse être portée par tous ». Présentant son budget le 28 septembre, Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur a surtout parlé d’APB et d’accès dans le supérieur. Si APB était le sujet du jour puisque la CNIL venait de mettre en demeure son ministère de le modifier, l’accès au supérieur reste le vrai sujet de l’année. La ministre annonce, à coté de pré-requis à l’inscription dans le supérieur, des mesures d’adaptation pour que tous les jeunes puissent réussir. Mais en a-t-elle réellement les moyens ?

Avec la CNIL la ministre enterre APB

Dans une synchronisation parfaite, la CNIL a attendu le jour de la conférence de presse de F Vidal pour rendre publique sa décision du 30 août. La CNIL révèle qu’elle a trouvé « plusieurs manquements aux règles » dans la plate forme APB. Le plus grave est le fait que l’orientation vers des filières non sélectives soit décidée par l’algorithme sans aucune intervention humaine.

C’est évidemment tout l’intérêt d’APB de soustraire les décisions d’affectation aux arrangements humains. Et ce n’était un secret pour personne depuis des années. Mais selon la CNIL c’est contraire à la loi Informatique et libertés. La CNIL exige donc une modification de la plate forme.

La ministre a immédiatement fait savoir qu’elle tiendrait compte de cette mise en demeure. « La CNIL nous confirme ce que nous savions tous », dit-elle. « Nous devons définitivement tourner la page du tirage au sort. C’était le choix du Gouvernement. C’est désormais une obligation légale et nous devrons trouver des solutions dans les trois mois à venir. Ce matin, je veux donc vous dire que le Gouvernement se conformera strictement à la mise en demeure de la CNIL ». Une nouvelle loi devra être votée le plus vite possible.

Une nouvelle plate forme sous contrôle ministériel

Pour elle  » l’échec d’APB, n’est pas un échec technique, c’est un échec politique ». On ne sait si c’est l’absence de prévision dans le nombre de places offertes ou si c’est le souci d’égalité qui sous tendait le recours ultime au tirage au sort, qui sont visés.

La ministre annonce une nouvelle plate forme dans quelques mois. Et son ministère en profite pour mettre la main sur elle. A la différence d’APB, la future plate forme  » sera pilotée par un service à compétence nationale, qui sera rattaché directement à la direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle ».

Le devenir des étudiants sans affectation

En lien avec APB, le second sujet de son exposé c’est le devenir des bacheliers professionnels et technologiques. Les 3729 jeunes restés sans affectation sont essentiellement des bacheliers professionnels (2503) et technologiques (1146). Seuls 80 bacs généraux restent sans solution. La ministre souligne que « cette situation est inacceptable » car il reste 111 000 places libres en licence et 4 201 places vacantes en BTS publics et 5042 en BTS privés.

 » J’ai demandé aux recteurs de travailler dès cette semaine avec les proviseurs de lycées à STS de leur académie, afin d’identifier très précisément ces places et de les proposer à ces bacheliers technologiques et professionnels qui, bien souvent, avaient uniquement candidaté sur des formations sélectives de type STS ou DUT », dit la ministre.

La nouvelle procédure d’admission définie en novembre

Pour la rentrée 2018, « les lignes définies par le Gouvernement sont nettes : plus de tirage au sort à la rentrée 2018 et la mise en place d’un contrat de réussite pour lutter contre la sélection par l’échec. Dans cet espace, tout peut être imaginé, toutes les propositions peuvent être examinées, à une seule condition : c’est qu’elles permettent, dès la rentrée prochaine, d’offrir à tous les nouveaux étudiants, des formations qui les mènent vers l’emploi et dans lesquelles ils auront de réelles chances de réussite. Pour cela nous ferons connaître les attendus à acquérir pour une insertion réussie dans une formation, les taux de succès en fonction des baccalauréats et les taux de poursuite d’étude et d’insertion professionnelle de chaque filière ».

Le calendrier prévu est le suivant : les groupes de travail feront connaitre leurs propositions le 19 octobre et le gouvernement présentera son projet sur l’accès au supérieur début novembre. Au retour des vacances de la Toussaint, les élèves et les familles devraient connaitre les règles d’orientation.

Pré requis et/ou sélection ?

Quelles pourraient-elles être ? Pour la ministre « il faut afficher clairement les pré requis à l’entrée dans une filière et mettre en place des mesures permettant à ces étudiants d’être au niveau. Il faut donc repenser l’organisation de la 1ère année universitaire ».

Aujourd’hui la moitié des bacheliers généraux échoue en licence. Un taux aussi important s’explique-t-il seulement par le fait que la moitié des ex lycéens « généraux » n’auraient pas « les bases » pour suivre les enseignements du supérieur ? Relevons que le taux d’échec est à peu près le même entre les trois séries du bac général.

Mais quid du devenir des bacheliers professionnels ? Pour la ministre, interrogée par le Café pédagogique, la solution est dans l’expérimentation de la procédure d’admission en BTS par décision du conseil de classe de la terminale du futur bachelier. Cette procédure est utilisée dans 13 académies cette année et en 2018 elle sera généralisée. « Les bacheliers ont été plus acceptés que dans les autres académies », relève la ministre.

Si effectivement ce dispositif a desserré l’étau de cette filière sélective, à coup sur il ne règlera pas le problème. On compte aujourd’hui 180 000 bacheliers professionnels. Environ 115 000 souhaitent poursuivre des études supérieures. Seulement 53 000 y trouvent place dont 37 000 en BTS et 14 000 en université.

Environ 62 000 bacheliers professionnels sont donc déjà exclus de l’enseignement supérieur. Leur trouver une place en BTS représenterait un effort financier de 800 millions que F Vidal ne met pas à l’ordre du jour. Face à la montée des bacs pros et à la croissance démographique, si l’enseignement supérieur accepte quelques adaptations, la logique des pré-requis servira surtout à alimenter la sélection à l’entrée dans le supérieur par manque de places.

François Jarraud

Sur le budget 2018 du supérieur

La décision de la CNIL