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 » L’ascenseur social est déjà en panne. Et maintenant tout ce qu’on trouve à faire c’est installer des grilles devant la porte ». Président de la Fcpe 93, Rodrigo Arenas connait les jeunes de ce département. Il sait aussi à quel point l’éducation nationale n’assure pas dans le 93 un service d’enseignement égal à celui des départements environnants. Pour lui le plan Etudiants fait peser sur les familles la responsabilité de ces insuffisances et aboutit à l’exclusion sociale et ethnique. « Ca va péter », nous dit-il. Et d’abord dans les établissements.

Le Plan Etudiants vous inquiète. Que craignez vous pour les jeunes du 93 ?

Dans notre département beaucoup d’enfants sont orientés très jeunes vers des filières professionnelles et technologiques avec l’espoir de rejoindre une filière universitaire après le bac. Ce que l’on craint c’est qu’avec le Plan Etudiants et la nouvelle procédure d’orientation ce ne soit plus possible. Sans « bon » dossier ces jeunes ne pourront plus aller en université. La réforme va bloquer l’entrée des bacheliers technologiques et professionnels en université. Et la France va se priver de profils intéressants.

Mais le taux d’échec de ces jeunes est très élevé…

On inverse les choses avec cette remarque. Si ces lycéens réussissent à avoir le bac c’est curieux de mettre sur eux la responsabilité de l’éducation nationale. C’est curieux aussi de la voir se décharger sur les conseils de classe de l’orientation de ces jeunes.

Toutes les réformes menées depuis des années ont été faites pour permettre à des enfants de milieu social et scolaire différents de se retrouver dans les mêmes classes. Aujourd’hui on nous dit que pour aller à l’université il faudra être bon élève.

Or être « bon élève » c’est ressembler à un jeune du 5ème ou du 7ème arrondissement de Paris, pas à un jeune du 93. La réforme rassure les bonnes familles qui craignaient que les « sauvageons » puissent entrer dans les universités.

Les jeunes du 93 seront exclus des universités pour que les enfants des « bonnes » familles réussissent leurs études universitaires. Sauf que ces bons élèves là aussi connaissent un taux d’échec très élevé.

C’est l’aboutissement d’un processus où on a exclu les jeunes de milieu populaire des grandes écoles. Puis maintenant des universités. Mais ils vont aller où ?

Il faut bien voir qu’on a promis aux familles que même si leurs enfants étaient orientés en lycée professionnel ou technologique ils pourraient aller dans le supérieur. Or ce ne sera plus possible en dehors du post-bac professionnel. On a menti aux familles.

Quelles conséquences cela pourrait avoir ?

Quand des parents auront fait des efforts, y compris pour compenser les insuffisances de l’Education nationale, par exemples les enseignants non remplacés ou les postes de psychologues non pourvus, et qu’on leur dira que leur enfant sera empêché d’aller en université, les parents n’accepteront pas. On fait porter aux parents la responsabilité d’un échec qui n’est pas le leur. Je crains des confrontations directes avec les enseignants.

La bonne politique ce serait quoi ?

Changer la façon de faire la classe dès l’école et penser l’enseignement et pas seulement s’occuper de gestion des effectifs…

Le gouvernement a promis de créer des places en BTS. Cela ne suffit pas ?

Les BTS c’est très bien. Mais on va renforcer le déterminisme social. Avec la réforme les enfants des banlieues seront dirigés d’office vers le professionnel. C’est un sacré retour en arrière. Le lycée va redevenir comme le petit lycée bourgeois du passé.

On revient aussi à la sélection par les enseignants. Or il y a plein d’élèves qui ont le bac sans avoir le profil du « bon élève », par exemple en travaillant au dernier moment. Ce profil là n’est pas rare dans le 93. Des élèves pas dociles. Ceux là seront exclus de l’université. C’est appauvrir la France. On prend aussi le risque, il faut le dire, de la sélection ethnique.

L’ascenseur social est déjà en panne. Et maintenant tout ce qu’on trouve à faire c’est installer des grilles devant la porte. Tout cela va créer de la violence et péter à la figure de tout le monde dans quelques années. Cette violence va s’inviter dans l’école avec ces jeunes qui penseront qu’on leur a fermé les portes.

Propos recueillis par François Jarraud

Voir aussi la tribune de R Arenas et E Gaudot sir le site Fcpe 93

Plan Etudiants : L’analyse du Café

Les mots pour ne pas le dire