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Par 42 voix contre 30, le projet de loi sur l’admission au premier cycle universitaire a été rejeté par le Conseil supérieur de l’éducation le 9 novembre. La ministre F Vidal avait pourtant déployé le maximum de concessions et d’habiletés possibles pour faire passer un texte qui constitue une rupture par rapport à des décennies de démocratisation de l’enseignement.

Des concessions proposées par la ministre

« La personnalisation n’est pas une simple option, ce sera une obligation. Je sais que plusieurs d’entre vous souhaitent que le texte le dise plus explicitement encore. J’y suis favorable. Car la personnalisation, c’est la condition pour que la liberté d’accès de l’ensemble des bacheliers se traduise dans les faits ». Devant le CSE, le 9 novembre, Frédérique Vidal a multiplié les ouvertures pour faire passer le texte du projet de loi sur l’admission en premier cycle universitaire.

« Rien dans ce texte, je dis bien rien, ne permet d’imposer de rejoindre une filière à un étudiant à quelque stade de la procédure que ce soit. Et de la même manière, aucune voie n’est fermée par principe aux futurs étudiants », ajoute-elle. « Si, à vos yeux, il est nécessaire d’affirmer plus nettement ce principe du dernier mot, j’y suis prête… Il appartient aux étudiants de choisir leur avenir, d’affirmer leur projet. Et il appartient aux équipes pédagogiques de leur dire comment ils peuvent le réaliser. C’est tout le sens du deuxième alinéa du nouvel article L. 612-3, qui consacre le principe du contrat de réussite pédagogique passé entre l’étudiant et l’établissement qui l’accueille. Ce contrat, il est proposé par l’établissement à l’étudiant, qui demeure bien sûr libre de le refuser ».

La ministre est allée jusqu’à promettre « 130 000 places sur les 5 années qui viennent » pour accueillir les nouveaux étudiants. « Site par site, nous regardons avec les recteurs et les présidents et chefs d’établissement comment créer, d’ici la rentrée prochaine, des milliers de places en STAPS et dans les formations aux métiers du sport, mais également en PACES et dans les filières où les places manquent aujourd’hui, y compris en BTS et en IUT. »

Un texte qui va changer la relation aux élèves

Mais rien n’y a fait. Parmi les 30 voix en faveur du projet de loi on compte l’Unsa et la Cfdt. Les autres organisations ont voté contre le texte.

Il y a à cela plusieurs raisons. Le projet gouvernemental impacterait gravement les lycées. Outre le fait qu’il va vider les lycées technologiques et professionnels, devenus des impasses, il va changer la relation entre enseignants et lycéens, les premiers devenant dans tous les cas ce qu’ils sont déjà pour l’orientation en CPGE : des sélecteurs. Le projet, s’il passe, devrait d’ailleurs affecter en premier lieu les enseignants des lycées technologiques et professionnels qui vont devoir expliquer pourquoi les portes se ferment devant leurs élèves.

L’abandon du droit aux études supérieures

Le projet de loi passe d’une logique de droit à l’éducation, qui est en vigueur depuis des décennies et qui a porté la démocratisation du supérieur, à celle de la double sélection par les enseignants des lycées puis directement par les universitaires des jeunes admis dans le supérieur au sein d’universités mises en concurrence au niveau national. Cette double sélection profitera aux élèves les plus favorisés issus des « meilleurs  » établissements et filières au détriment des autres.

Un projet qui tourne le dos à la démocratisation

Le projet de budget ne permet ni un accompagnement réel des lycéens ni l’offre extraordinaire de places annoncée par la ministre. Au total il ne permet de financer que quelques milliers de place en BTS (7000) et en université (peut être 30 000). Il va permettre par contre de gérer au mieux les places existantes c’ets à dire d’obliger les lycéens à suivre la formation où il y a de la place même si elle ne l’intéresse pas et si elle est très éloignée. C’est une gestion de pénurie et non une démocratisation.

Le projet de loi ne prévoit d’ailleurs pas d’améliorer le sort des étudiants défavorisés. Bien au contraire, et sans complexe, sur le milliard prévu sur le quinquennat la moitié correspond au financement de la sécurité sociale étudiante qui sera offert à tous les étudiants. Aujourd’hui les boursiers ne le payent pas. Cette offre ne profite donc qu’aux étudiants favorisés.

Et après ?

Que va-t-il se passer maintenant ? Le projet doit maintenant passer devant le Cneser, le conseil de l’enseignement supérieur. Les avis du CSE et du CNESER sont consultatifs. Cela n’empêchera pas le projet de loi d’arriver à l’Assemblée et d’être adopté. Mais le vote du CSE pourrait alerter les lycéens sur ce qui se prépare pour leur avenir.

François Jarraud

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