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« Les études démontrent le non fondé de la semaine de 4 jours ». Pour François Testu, président de l’ORTEJ, qui tenait colloque le 27 novembre, il n’y a pas de débat sur la nocivité du retour à la semaine de 4 jours, particulièrement pour les enfants des familles défavorisées. Pourtant JM Blanquer avance qu’il n’y a pas d’études prouvant la supériorité de la semaine de 4 jours et demi sur celle de 4 jours, voire que des études affirment que la seconde est supérieure en terme de réussite scolaire à la première. D’où le ministre tire-t-il cela ? Doit-il revoir son argumentaire ?

Les affirmations de F Testu

Inspecteurs, syndicalistes, délégués de l’éducation nationale… Le colloque de l’ORTEJ est rempli de cadres en activité ou en retraite de l’Education nationale. L’ORTEJ, créé au moment de la réforme des rythmes en 2013, regroupe 22 associations, syndicats, mouvements de jeunesse, tous intéressés aux rythmes scolaires. François Testu, son président, a multiplié les études chronobiologiques depuis les années 1990. Il a aussi fait partie des comités consultés par les ministres de Luc Chatel à Vincent Peillon.

Pour lui, « les études démontrent le non fondé de la semaine de 4 jours. Elles montrent le bien fondé de la semaine de 4 jours et demi ». Si le ministre dit le contraire « il devrait se renseigner davantage ». Sa conviction il la tire des études qu’il a faites à Roanne, Mulhouse ou encore Joué les Tours, sans parler des travaux de l’Académie des sciences. Tous ces travaux étudient les rythmes de sommeil et d’attention dans la journée. « Les chercheurs disent qu’il y a des rythmes journaliers à respecter, des temps de sommeil à respecter. Ils posent la question des activités complémentaires qui atténuent les effets négatifs des 4 jours ».

Un rapport pour rien

Représentant l’éducation nationale, Olivier Cosnefroy est venu présenter la dernière étude de la Depp sur ce sujet. Mais cette étude se imite à comparer les différentes organisations de la semaine de 4.5 jours. Elle ne compare pas entre semaine de 4 jours et semaine de 4.5 jours faute de groupe témoin. Elle montre peu de différences dans les acquis des élèves sauf pour la semaine avec vendredi après midi libre qui est un peu défavorable pour les enfants des milieux défavorisés.

D’autres travaux présentés portant sur la Guadeloupe ou la région Centre n’apportent pas plus d’éclairage, sauf à remettre en cause l’argument de la fatigue. Ce qu’il ressort de l’étude présentée par René Clarisse c’est par exemple le fait que les parents sous estiment les besoins de sommeil des enfants et croient en la plasticité du sommeil sur la semaine.

Un effet positif de la semaine de 4 jours ?

Alors d’ou viennent les affirmations de JM Blanquer sur l’absence de différence entre 4 jours et 4 jours et demi voire la supériorité de la semaine de 4 jours ?

Il faut relire des rapports anciens pour trouver ces comparaisons. Le rapport Huchot, Moulin et Vogler de 2002 sur « les effets de la semaine de 4 jours » montre déjà que parents et enseignants lui sont déjà très majoritairement favorables alors que 26% des écoles utilisent ce rythme.

C’est peut-être là que JM Blanquer a trouvé ses arguments. Selon le rapport, « cette analyse montre un léger effet positif de la semaine de 4 jours, mais trop faible pour être statistiquement significatif. Les auteurs concluent que « les progrès des élèves sur les apprentissages fondamentaux, à niveau de départ équivalent et à environnement social équivalent, ne sont donc pas beaucoup affectés par le choix du rythme scolaire hebdomadaire. […] On peut donc en conclure que, ni négatif ni nettement positif, l’effet de cette organisation de la semaine scolaire (4jours) sur les progrès des élèves en français et en mathématiques doit plutôt être considéré comme neutre ». Ils ajoutent aussitot que dans les classes à 4 jours on travaille plus les maths et el français, seules matières évaluées. Par contre les chronobiologistes (F Testu et G Fotinos) notent « une baisse de la vigilance de 8h40 à 11h20, augmentation de 11h20 à 13h40 et nouvelle baisse de 13h40 à 16h20 ; c’est ce qui l’a conduit à parler de « rythmicité inversée » ou de « désynchronisation » ».

Mais cette formule à 4 jours a peu à voir avec la formule actuelle. Le calendrier annuel est rallongé de façon à ce que les journées de classe ne soient pas trop chargées. Les élèves rentrent 15 jours plus tôt. Et malgré cela les chronobiologistes observent quand même les effets négatifs du trop long week end.

Le rapport conclue en demandant « d’éviter de mettre en place la semaine de 4 jours en attendant les résultats de nouvelles études ». Une demande qui rejoint un autre rapport de l’Inspection générale de 2000 qui relève que « les réserves les plus vives sur la poursuite de l’expérience de la semaine de 4 jours sont exprimées par les enseignants en CP ou en réseau d’éducation prioritaire… Certains élèves apparaissent livrés à eux mêmes le samedi matin ».

Une réforme plébiscitée par le terrain

En 2010 , après que X Darcos ait laissé s’installer partout la nouvelle semaine de 4 jours sans modification du calendrier annuel, le rapport des parlementaires Breton Durand fait le constat d’une organisation du temps scolaire « insatisfaisante ». Les témoignages des chronobiologistes accablent la semaine de 4 jours « mauvaise et aberrante » et prouvent la désynchronisation avancée par F Testu. Le rapport envisage d’interdire la semaine de 4 jours mais reconnait qu’elle est plébiscitée par le terrain. JM Blanquer, auditionné par les parlementaires, ne plaide pas pour les 4 jours…

Le débat a-t-il vraiment évolué depuis ? La seule mention qui pourrait aller à l’appui des affirmations de JM Blanquer sur la non nocivité de la semaine de 4 jours, voire sa supériorité, provient d’un rapport ancien portant sur une organisation du temps scolaire qui n’a rien à voir avec l’organisation annuelle actuelle. Elle était déjà critiqués et relativisée au moment de sa rédaction et la recommandation finale était contraire. Inversement les chronobiologistes ont condamné avec constance la semaine de 4 jours. Si le ministre a d’autres études à faire valoir qu’il n’hésite pas à les communiquer.

François Jarraud

L’Ortej

Rapport Huchot Moulin Vogler

Le rapport Breton Durand

Sur le rapport de la Depp 2017