Print Friendly, PDF & Email

Roland Goigoux est l’auteur d’une étude de référence sur l’enseignement de la lecture. C’est aussi le co auteur de Narramus, un dispositif qui permet de travailler la compréhension en maternelle. Expert reconnu, il est donc particulièrement intéressé par l’étude Pirls. Il nous fait bénéficier de son analyse.

Les résultats de Pirls 2016 sont-ils surprenants ?

L’étude Cèdre parlait de stabilité. Mais Pirls montre une légère régression dans un paysage où on n’est pas bien classé. Ce n’est pas vraiment surprenant car au fond rien n’a changé depuis les Pirls précédents. Les politiques qui se sont succédées pour la lecture n’ont pas mis l’accent sur ce qui est évalué dans Pirls, la compréhension autonome de texte en profondeur.

On a commis deux erreurs. D’abord focaliser la question de la lecture sur le CP. Puis focaliser le travail du maître sur la maitrise de la langue, l’orthographe la grammaire, la conjugaison. On considère toujours qu’une fois que l’on sait déchiffrer la pratique de la lecture suffit pour avoir des compétences en lecture. Mais si l’on veut que notre école progresse il faut un plan d’enseignement explicite de la compréhension en lecture en mettant l’accent sur le cours élémentaire et le cours moyen. On ne peut pas analyser Pirls et conclure en disant qu’on doit renforcer l’orthographe, la grammaire en CP. Cette réponse n’est pas à la mesure du problème.

Dans Pirls ce qui caractérise la France c’est le décrochage entre la compréhension explicite du texte et la compréhension implicite, fine. Ce n’est pas un problème de déchiffrage. Mais par exemple de comprendre ce que le texte ne dit pas et qui doit être déduit.

Il faut donc apprendre à travailler les relations causales dans un texte, les états mentaux des personnages ou les intentions des auteurs : sur ce point par exemple la France est le pays qui accorde le moins d’importance à interroger sur ce que l’auteur veut dire. Tout cela relève de l’enseignement explicite de la compréhension.

On a des outils pour ce travail comme Lectorino et Lectorinettte, Lector et Lectrix, ou encore les outils conçus par M Bianco. Mais ils sont mal diffusés et Pirls le confirme : 75% des enseignants français n’ont aps eu de vraie formation sur la lecture lors des deux dernières années. C’est un vrai trou dans nitre politique d’enseignement de la lecture.

Il faut bien comprendre que la compréhension est une affaire longue qui va de 4 à 11 ans. Or il y a peu d’heures consacrées à la lecture entre le ce 2 et le cm1.

D’ailleurs quand je montre à des professeurs des écoles de cours moyen les épreuves de Pirls ils sont surpris et me disent : « je ne leur apprend pas cela ». Les résultats de Pirls ne doivent donc pas nous surprendre.

Le ministre a annoncé son intention de labelliser les manuels scolaires. Et pour cela de se baser sur l’étude de Deauvieau. Qu’en pensez vous ?

Sur le plan scientifique l’étude de Deauvieau n’est pas valide car elle ne correspond à aucun critère scientifique. Par exemple elle ne comprend pas de pré test. Elle n’a d’ailleurs pas été publiée dans une revue scientifique. Laisser croire que cette étude est scientifique c’est se discréditer auprès de la recherche.

Propos recueillis par François Jarraud

Goigoux enterre la querelle des méthodes

Lecture : répondre aux interrogations du moment

Ce qu’on sait sur l’apprentissage de la lecture