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C’est la Depp qui relance le débat sur l’efficacité de l’éducation prioritaire. Vivement critiqué dans plusieurs études nationales et internationales, le dispositif d’éducation prioritaire trouve une défense efficace sous la plume d’Alexia Stefanou (Depp) dans la revue Education & formations (n°95). Pour elle les écarts observés au primaire ne se creusent pas au collège REP. Celui-ci n’aggrave pas les difficultés scolaires. Il faut donc maintenir l’éducation prioritaire. Et c’est bien au primaire qu’il faut porter l’effort.

Une situation sociale dégradée

Basée sur le panel 2007 constitué par la Depp (division des études du ministère de l’éducation nationale), l’étude d’Alexia Stefanou ne nie pas l’écart entre les collégiens des établissements prioritaires (RAR en 2007, Rep aujourd’hui) et les autres.

En 2007 , 4% des collégiens sont en RAR (l’équivalent des Rep+ actuels) et 11% en RRS. Et 3% font toute leur scolarité en RAR. Ces élèves sont marqué spar des caractéristiques particulières. Non seulement ils sont nettement plus nombreux à avoir de parents ouvriers ou inactifs (69% en RAR contre 31% hors éducation prioritaire) mais leurs mères sont moins souvent actives, leur logement plus petit alors que leur fratrie est nettement plus fréquemment plus grande. Un élève de RAR sur deux parle toujours français à la maison contre plus de 8 sur dix hors éducation prioritaire.

Un niveau scolaire initial plus faible

Ce que montre Alexia Stefanou c’est aussi que le niveau initial des collégiens de l’éducation prioritaire est plus faible.  » Plus de la moitié des élèves de RAR se trouvent en sixième dans le quart de la population qui a eu les scores les plus faibles à l’évaluation standardisée de mathématiques.. Ce constat est le même pour les quatre autres scores ainsi que pour les évaluations nationales à l’entrée en sixième en mathématiques et en français. Ces moindres performances… sont aussi le signe que la politique d’éducation prioritaire dans le premier degré n’a pas réussi à combler les écarts entre les populations », écrit A Stefanou.

Quatre ans plus tard, l’écart de niveau entre éducation prioritaire et hors éducation prioritaire est toujours fort.  » Les moyennes des notes obtenues aux épreuves écrites (du brevet) des élèves ayant effectué quatre ans de leur scolarité en RAR sont inférieures d’environ deux points en français et en histoire-géographie et de trois points en mathématiques, à celles des élèves n’ayant pas été scolarisés quatre ans en RAR et en RRS », écrit-elle.

Les évaluations des acquis cognitifs menées par la Depp en 3ème montrent là aussi de forts écarts.  » Les élèves de RAR sont 2,5 fois plus représentés dans le quart des élèves les plus faibles aux évaluations standardisées de troisième que dans la population totale : en moyenne 55 % contre plus de 22 % ». Cela concerne plus les compétences scolaires que la performance intellectuelle.  » Six élèves sur dix de RAR sont dans le quart le moins performant en mathématiques et en mémoire encyclopédique contre la moitié dans l’épreuve d’intelligence globale ».

Comment calculer l’effet éducation prioritaire ?

Mais quel sens donner à ces résultats ? Est-ce à dire que les collèges de l’éducation prioritaire ont eu aucun effet, aucune efficacité ?

A Stefanou rappelle les différentes évaluations qui ont déjà été menées. Pour A Stefanou elles sont faussées par la ghettoïsation croissante des établissements prioritaires qui écrèment sans cesse les établissements. Finalement elle en arrive à la conclusion que c’est  » en tenant compte du niveau initial des élèves que l’on parvient à mieux prendre en compte les caractéristiques inobservées des élèves en éducation prioritaire ».

Elle évalue donc l’efficacité des collèges prioritaires en ne prenant en compte que le niveau initial à l’entrée au collège et aucun autre critère.

Une conclusion éloignée des études précédentes

La conclusion est frappante.  » L’écart entre les élèves de RAR et les élèves hors éducation prioritaire passe d’environ un écart-type à environ un dixième d’écart-type quand on contrôle le niveau initial des élèves et les caractéristiques socio-démographiques. Pour les élèves de RRS, l’écart passe d’environ 0,5 écart-type à environ un dixième d’écart-type… Nous avons évoqué plus haut les deux raisons qui fondent l’éducation prioritaire : cibler les difficultés où elles se trouvent et tenir compte des effets délétères de la ségrégation sociale. Si seule la première raison existait, ces résultats, avec toute la prudence que l’on doit conserver du fait de leur caractère descriptif, seraient assez décevants. Malgré des moyens supplémentaires, les élèves de RAR ne progressent pas plus que les élèves hors éducation prioritaire au collège et ne peuvent pas rattraper le retard important qui existe à l’entrée en sixième. Cependant, nos résultats montrent aussi que les écarts ne se creusent pas sensiblement. En d’autres termes, les dispositifs d’éducation prioritaire semblent parvenir à contenir l’effet de la très forte concentration de difficultés sociales, qui selon les travaux du Cnesco [Garrouste et Prost, 2016], devrait provoquer une forte dégradation des performances dans ces établissements « .

Par suite, pour A Stefanou,  » ces modèles montrent l’importance du niveau de compétences au début du collège dans la suite de la scolarité. Importance à la fois en termes d’ampleur des écarts et en termes d’influence sur la suite de la scolarité. Cela justifie une action particulièrement forte en faveur des établissements en éducation prioritaire, dès le primaire ».

F Jarraud

Education & formations n°95

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