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La seconde journée de la conférence de consensus organisée par le Cnesco et l’IFé, le 15 mars, est entrée dans le vif du sujet : quelles pratiques pédagogiques sont efficaces en classe pour faire écrire et faire acquérir les règles de l’écriture ? Des chercheurs examinent les conditions d’enseignement du lexique, de la grammaire et de l’orthographe, laissant à Jacques Crinon le soin de la synthèse. S’il n’y a pas de recette, il y a des cohérences pédagogiques qui paient. Mais comment faire entrer les résultats de la recherche dans un enseignement ligoté par des oppositions idéologiques aussi forcenées ?

Enseigner le lexique

Par quel bout prendre la question des meilleurs dispositifs pour enseigner la production d’écrits ? La conférence du Cnesco du 15 mars prend le soin d’étudier le lexique, puis la grammaire et l’orthographe avant de synthétiser.

Bernard Lété (Lyon 2) étude les relations entre écriture et apprentissage du lexique. Il montre à quel point en français il est plus facile d’apprendre à lire qu’à écrire puisqu’il existe 125 graphèmes pour traduire seulement 37 phonèmes. Un tel déséquilibre est propre au français et en fait une langue particulièrement difficile. Bernard Lété a étudié la façon dont se fait l’apprentissage des mots. Le principal facteur c’est la fréquence de sa rencontre. On apprend bien sur en appliquant des règles mais surtout par la régularité des situations rencontrées. On peut ainsi calculer des fréquences et la difficulté à orthographier correctement les mots. Son étude portant sur une cinquantaine de manuels fait apparaitre qu’en cm2 les élèves sont confrontés à 5000 mots. Mais dès le CP ils goutent à toutes les difficultés de la langue. Une étape suivante pourrait être de chercher à construire une progression pour réduire cette difficulté.

Francis Grossmann (Grenoble Alpes) revient sur l’intégration de l’enseignement du lexique dans la production écrite. Pour lui l’opposition entre enseignement explicite et enseignement incident du lexique est dépassée. Il faut les deux. Il y a des situations qui permettent de mobiliser du lexique. Mais il faut aussi des séquences de lexique qui permettent de prendre du recul et de montrer des relations lexicales.

Ce qui lui semble établi c’est que la paraphrase est au coeur de démarche. On ne mémorise pas de mots isolés mais des unités lexicales intégrées dans des constructions. Il faut donc travailler la production d’écrits et entrainer les élèves à ajouter, supprimer, remplacer ou déplacer des mots. Il faut aussi que les enseignants prennent l’habitude d’évaluer les erreurs sémantiques, ce qu’ils font rarement.

F Grossmann propose 6 types d’activités : développer la conscience morphologiques (apr exemple familles de mots), catégoriser (travail sur la proximité sémantique par exemple), relations lexicales (antonymie, synonymie, etc.). I faut donc consacrer du temps à ces apprentissages.

Grammaire : sortir de l’impasse…

Patrice Gourdet (université de Cergy) intervient sur l’enseignement de la grammaire. Por lui, bien que la démarche déductive pour l’enseignement de la grammaire ne marche pas , elle reste dominante en classe. On multiplie les exercice sde grammaire sans vrai travail sur la langue. Et ces reproches sont répétés depuis… Jules Ferry en passant par Brunot ou Legrand. « Les connaissances déclaratives ne sont pas suffisantes pour améliorer la langue ».

Les recherches donnent pourtant des pistes. Il faut des démarches explicites en grammaire qui permette de développer la conscience métalinguistique des élèves, il faut multiplier les manipulations syntaxiques. Il y a bien un lien entre le temps consacré à l’étude de la langue et l’efficacité de l’enseignement. Il plaide donc pour uen grammaire qui favorise la réflexion des élèves, une pratique raisonnée de la langue en contexte d’écriture. Tout cela nécessite une formation des enseignements et , c’est plus difficile, du consensus.

« On ne peut pas changer quelque chose de figé depuis 150 ans sans formation », estime -t-il. « Dans les programmes, la majorité du temps scolaire doit être consacré à des compétences langagières. Il faut lire et écrire davantage ».

Les pédagogies qui font écrire à l’honneur

Jacques Crinon (UPEC) va aller plus loin dans la précision sur les dispositifs efficaces pour enseigner l’écriture. Pour lui le premier critère c’est la fréquence de l’écriture. Quand les élèves écrivent beaucoup, ils progressent davantage. C’ets l’avantage des pédagogies qui font écrire souvent, beaucoup, dans des contextes de communication comme Freinet.

Les contenus d’enseignement ont un impact. Il faut enseigner les stratégies d’écriture et assurer un entrainement métacognitif à une autorégulation de l’écriture. L’enseignement des stratégies d’écriture est plus efficace quand les savoir faire sont tirés de l’observation plutôt que donnés en instruction directe.

« On n’a pas détecté d’effet de l’enseignement de la grammaire de phrase sauf en ce qui concerne l’entrainement à la manipulation à la transformation de phrase ». J Crinon relève aussi que la résolution collective de problèmes est plus efficace que l’enseignement transmissif direct. La collaboration entre pairs est favorable car elle développe la « conscience du public », le fait qu’écrire est un acte social. Les activités précédant l’écriture (recherche d’informations, remue méninges, notes préparatoires etc.) sont favorables aussi. Les technologies numériques n’ont pas d’effet en elles mêmes mais peuvent créer des situations de travail intéressantes.

Reste maintenant au jury de synthétiser tous ces apports pour rédiger des recommandations. A son président, Jean Paul Bronckart (Genève), sur un sujet qui a suscité autant de controverses publiques, nous souhaitons bon courage…

François Jarraud