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Il y a urgence. Dans moins d’une semaine, une avalanche de mauvaises nouvelles va s’abattre sur les lycéens et leurs parents. Le 15 mai, Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, a visité un lycée général et un lycée professionnel pour parler de Parcoursup. La ministre promet que chacun aura une affectation au plus près de ses voeux. Une promesse répétée mais dont on ne voit pas comment elle pourra être tenue.

Des lycéens dans l’inquiétude

L’inquiétude est déjà bien installée. « A la Fcpe de Paris remontent les inquiétudes nombreuses des familles, les premières angoisses des lycéens », écrit l’association de parents d’élèves. Au lycée Dardenne de Vanves (92), devant la ministre, un professeur principal affirme que « nos élèves sont inquiets ». Parcoursup a changé les règles de l’affectation dans le supérieur et cela inquiète.

Le 22 mai Parcoursup enverra un mail aux lycéens pour leur annoncer ce que sont devenues leurs demandes. Alors que la plupart espère un ou plusieurs « oui », dans un logiciel où les voeux ne sont pas hiérarchisés, la grande majorité va se retrouver « en attente ». Quelques uns n’auront même que des « non ». Les désillusions pourraient être sévères.

Une ministre pédagogue

Mais ce 15 mai, Frédérique Vidal se donne beaucoup de mal pour convaincre les lycéens de Michelet, un grand lycée général des Hauts de Seine, et les lycéens professionnels tertiaires de Louis Dardenne (Vanves 92) des bienfaits de Parcoursup.

Face à la ministre on a réuni dans chaque lycée une dizaine d’élèves et quelques enseignants. La ministre répond à leurs questions en précisant de façon détaillée le fonctionnement de Parcoursup. Elle le fait avec pédagogie et une bonne maitrise du dossier.

Pour justifier la nouvelle plateforme Parcoursup, la ministre et le recteur de Versailles, Daniel Filatre, dressent l’épouvantail du tirage au sort du temps d’APB en reprenant l’exemple du Paces et des places données à des lycéens surs d’échouer. Pour mémoire, rappelons qu’en Paces il y avait 326 bacheliers professionnels pour 40 000 étudiants… Pour la ministre l’ancien système affectait mais n’accompagnait pas l’étudiant d’où un important taux de décrochage. C’est l’image des amphis qui se vident au fil de l’année. Avec Parcoursup les universités pourront mieux accompagner les nouveaux bacheliers grâce notamment au « oui si ». La critique n’est pas fausse mais le nouveau système pourrait bien avoir relancé le balancier très loin dans l’autre sens.

Dans l’immédiat, la ministre veut rassurer les élèves sur la prochaine réponse de Parcoursup. Pour elle, tous ceux qui auront des voeux « en attente », même au 500ème rang, ne doivent pas s’en faire. « Dans un souci de transparence il est important de faire figurer un rang d’attente. Mais ce rang va bouger jour après jour. En moyenne chaque lycéen a fait 7 voeux et va renoncer à 6. Donc la position « en attente » ne doit pas inquiéter ». C’est le premier message sur Parcoursup.

Le second concerne ceux qui n’auront eu que des « non ». La ministre promet l’intervention immédiate des commissions rectorales. « Ils seront pris en charge immédiatement et après les résultats du bac on leur dira où il y a de la place dans une filière identique à leurs voeux ». Mais la ministre précise qu’ils trouveront sur le site complémentaire toutes les formations où il reste de la place…

Il y aura des places pour tout le monde

En réponse à la question d’un lycéen, qui parle de sélection sans faire tiquer la ministre, Frédérique Vidal s’engage. Elle affirme qu’il y aura des places pour tout le monde. « L’engagement qui a été pris c’est que nous finançons des places supplémentaires là où il y a le plus de demandes d’après les projections et autant de places seront financées pour que chaque lycéen puisse avoir une proposition au plus près de ce qu’il souhaite ».

La ministre précise que cela concerne aussi les bacheliers professionnels. « Bien sur qu’ils sont bienvenus en licence », dit-elle. Mais on leur proposera des « oui si » : « cela signifie oui et en plus on va te donner des choses qui vont t’aider ». 8 millions sont prévus pour imaginer ces dispositif d’accompagnement et 130 millions sont disponibles pour les premiers cycles. Enfin 19 000 nouvelles places ont été ouvertes affirme F Vidal. Les recteurs pourront même ajouter de nouveaux moyens.

Enfin la priorité d’accès des bacs pro en BTS est renforcée. « Ce système fonctionne », estime la ministre. « Les BTS conviennent bien aux bacheliers professionnels ». D Filatre, recteur de Versailles, précise que le taux minimum d’accès des bacheliers professionnels en BTS dans son académie passe de 38 à 45% minimum et que ce taux devient obligatoire. Aux professeurs de Dardenne, la ministre promet que toutes les formations supérieures seront ouvertes à leurs élèves.

La ministre pourra-t-elle tenir tous ces engagements ?

On a pourtant du mal à croire la ministre. D’abord parce que les textes qu’elle a préparé lui donnent tort. La loi ORE revient clairement sur les droits des bacheliers. Dès son 1er article il est précisé que le droit d’entrée dans le supérieur s’exerce « dans la limite des capacités d’accueil ». Et le décret d’application du 9 mars 2018 précise en détail les mécanismes de sélection qui mettent fin à deux siècles de droit à l’éducation dans le supérieur pour les bacheliers.

Ensuite parce que le gouvernement n’a pas un budget qui lui permette de faire face et à la croissance démographique et à la croissance et l’aspiration vers le supérieur des bacheliers professionnels. La seconde moitié des années 1990 voyait en moyenne naitre 750 000 enfants. A partir de 2000, ceux qui ont 18 ans aujourd’hui, on passe à 830 000 et on reste au dessus de 800 000 naissances jusqu’en 2010. En même temps, de 2000 à 2016 on est passé de 83 000 à 171 000 élèves en terminale professionnelle. La majorité d’entre eux veut poursuivre au delà du bac.

C’est ce double mouvement vers le haut que le gouvernement a choisi de casser. Le budget d’un milliard annoncé pour le quinquennat est nettement insuffisant pour faire face à cette croissance. D’autant que la moitié finance la nouvelle gratuité de la sécurité sociale des étudiants non boursiers (les boursiers avaient déjà la gratuité).

La ministre n’ose plus s’abriter derrière les 130 000 places  » disponibles » dans le supérieur mais dans des formations et des lieux où personne ne veut aller. Elle utilise l’argument de la création de 19 000 nouvelles places à la rentrée. Mais c’est peu convaincant : c’est un simple calcul sur le papier effectué en bourrant au maximum les TD. L’annonce de 32 000 places supplémentaires sur le quinquennat dont 7000 en BTS est nettement sous dimensionnée.

Entre le maintien du droit à l’éducation pour tous et la baisse des dépenses de l’Etat, le gouvernement a fait un choix. Il a mis fin à un vaste mouvement de démocratisation de l’éducation. Parcoursup va s’avérer l’outil d’un tri social dans l’accès au supérieur. Et les victimes sont déjà stigmatisées.

Ce que veulent dire les lettres de motivation

En attendant, F Vidal dénonce les blocages dans les universités. »Plus de 16 000 examens se sont tenus et on parle d’une dizaine d’examens perturbés par quelques uns », dit-elle. « L’échec est du coté de ceux qui depuis des mois essaient de faire peur en racontant des mensonges. On est arrivé au comble du cynisme car empêcher un étudiant de passer un examen est inadmissible ». La ministre promet que « les universités savent faire  » les examens dématérialisés. Car le mouvement de blocage continue dans de nombreuses universités.

Les lycéens ne parlent pas de blocages. Même à Michelet, d’après leurs déclarations, ce qui a traumatisé le plus les élèves ce sont les lettres de motivation exigées dans Parcoursup. Pour la ministre, c’est un outil pédagogique. Il ne s’agit pas de faire une vraie lettre du type de celles que l’on attend des adultes mais de « trouver une ou deux raisons pour lesquelles on veut suivre une formation c’est important », dit-elle. C’est la preuve de l’humanité du nouveau système. Pour les élèves, cette lettre a un autre sens. Pour ces lycéens, cette lettre matérialise la perte de leur droit à l’entrée dans le supérieur.

François Jarraud

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