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« Je sais que j’aurai des classes entières qui n’auront pas de réponses favorables ce soir ». Les chemins de la grève et de la manifestation sont nombreux chez les enseignants. Tour d’horizon à l’occasion de la troisième journée de grève pour la fonction publique… et parfois davantage pour certains professeurs…

Combien étaient-ils dans la rue le 22 mai ? Fait rarissime, pour cette journée les 9 fédérations de la fonction publique avaient appelé ensemble à cesser le travail. Du coté des enseignants, encore une fois, les chiffres du ministère et des syndicats ne se rencontrent pas. La FSU compte un professeur gréviste sur trois aussi bien dans le premier que le second degré. Le ministère ne voit que 16% de grévistes dans le 1er degré et 10% dans le second. Le mouvement est un peu plus fort dans le premier degré que celui du 22 mars. Il l’est un peu moins dans le second degré.

« Nous avons des doutes sur la pérennité du statut des enseignants ». Sous le ballon du SNUipp-FSU, Francette Popineau, porte-parole du SNUipp, explique pourquoi son syndicat mobilise. « Il y a déjà les raisons qui nous ont mobilisées lors des deux précédentes grèves, telles que le jour de carence que l’on trouve particulièrement injuste, le calendrier PPCR qui est reporté et le gel du point d’indice. S’ajoutent maintenant toutes les menaces pesant sur le statut de la fonction publique et notamment celui des enseignants. Comme ce rapport, rendu il y a peu, qui laisse entendre que l’on pourrait avoir des enseignants contractualisés sur une durée de cinq ans maximum. Nous nous interrogeons, aussi, sur le devenir du service public quand nous voyons une forme de régionalisation des académies, comme celles de Limoges et de Poitiers qui seraient rattachées à Bordeaux ».

Enfin, il y a les circulaires Blanquer.  » Des enseignants se sentent méprisés par les dernières recommandations – telles que les circulaires ou le guide du CP – qui sont assorties d’un certain nombre de déclarations insinuant qu’il n’y a plus de dictées, plus de calcul mental, que la méthode globale sévie dans 50% des écoles au moins. Écrits qui laissent aussi entendre que la liberté pédagogique s’apparente à l’anarchie. Ce sont finalement toutes ces petites phrases, loin de l’école de la confiance, qui créent une forme de défiance, installant le doute chez les familles et instillant l’idée que les enseignants doivent être remis dans le rang. Les enseignants souhaitent que l’on recentre le débat sur l’école car en effet, l’école est en difficulté. Notre système est très inégalitaire ».

Dans le cortège parisien nous avons croisé Catherine Remermien, une psychologue de l’éducation nationale. « Le ministère, sans aucune concertation a annoncé le 3 avril, qu’il fermait tous les CIO, nous dit-elle. Il faut savoir que les CIO, c’est aussi l’accueil des élèves lors des vacances scolaires, des ateliers pour recevoir les jeunes, les décrocheurs, les primo arrivants. Qui va se charger de ces missions institutionnelles ? Notre crainte, c’est l’ouverture d’un marché privé, d’une privatisation du service.» Une manifestation spécifique est annoncée le 5 juin.

La réforme du lycée et celle de l’accès au supérieur font « barrage » empêchant une certaine catégorie d’élèves, issus de milieux populaires, d’accéder à l’enseignement supérieur selon Jean François Guet. « J’enseigne dans un lycée assez difficile dont les élèves sont issus de milieux populaires, je sais que j’aurais des classes entières qui n’auront pas de réponses favorables ce soir. Ce n’est pas dans les bons lycées parisiens que cela va se ressentir. Quel est le message que l’on envoie aux élèves de milieux défavorisés ? Comment peuvent-ils se projeter si on leur ferme les portes dès la fin de terminale ? Si même la fac ne veut pas d’eux ?»

Thierry Adrasse, enseignant du premier degré, est en grève contre la suppression des 120 000 postes de fonctionnaires mais aussi contre « la dérive libérale » du gouvernement. « Sous Sarkozy, il y a eu 80 000 postes de supprimés. On a vu les résultats, concrètement, dans les écoles, sur les moyens de remplacement par exemple. Les premiers impactés de ce genre de mesure sont les élèves de milieux populaires. La république se doit de protéger les plus faibles. Moi, par exemple, je suis entré dans la fonction publique sur la base de mes compétences qui sont reconnues et non de ma couleur de peau ; ce qui n’était pas le cas dans le privé. »

Lilia Ben Hamouda