Print Friendly, PDF & Email

« Allo les élèves, ici Raymond Queneau ! » Peut-on s’amuser avec les savoirs, y compris littéraires ? Peut-on utiliser le jeu pour mieux se les approprier ? Comment par exemple scénariser le parcours des élèves dans l’histoire littéraire par des missions à réaliser, des énigmes à résoudre, des activités à mener ? Au collège Château Rance à Scey-sur-Saône, Anne Petit, professeure-documentaliste, en livre un bel exemple avec un « escape game » déployé en 5ème autour du mouvement littéraire l’OuLiPo. Le dispositif, sans doute transférable, amène l’enseignant.e à changer de rôle et de posture, à développer des compétences tout à la fois d’organisation et de lâcher-prise. Il favorise chez les élèves motivation, réflexion, coopération. Avec l’OuLiPo, la contrainte est devenue synonyme de créativité : avec l’escape game, l’Ecole retrouverait-elle le sens du plaisir ?

Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est un « escape game » ?

Un escape game, traduit littéralement par « jeu d’évasion » grandeur nature, propose à une équipe de joueurs d’être enfermée dans une pièce, avec décor et scénario à l’appui. L’objectif est de s’en échapper en un temps limité. Pour ce faire, les participants devront résoudre des énigmes, collecter des indices et des objets, débloquer des mécanismes, ouvrir des cadenas, découvrir des pièces secrètes afin d’accomplir la mission qui leur a été allouée.

Et l’escape game pédagogique ?

Le concept d’escape game pédagogique reprend les codes de l’escape room, adapté à un contexte scolaire c’est-à-dire favorisant les apprentissages. Il s’agit d’immerger l’élève dans une situation de jeu grâce à l’action d’une part, et par la découverte de contenus disciplinaires nouveaux ou un réinvestissement des acquis d’autre part. Tout dépend des objectifs pédagogiques fixés par l’enseignant-concepteur.

En ce sens, l’escape game pédagogique constitue une autre modalité d’apprentissage par le jeu, reprenant divers éléments liés à la ludification : coopération, réflexion, manipulation, plaisir, auxquels s’ajoutent un défi à relever, une collecte d’indices par le principe de fouille, des énigmes à résoudre, des consignes à minima et un temps limité. La contextualisation, le storytelling (un scénario si possible non linéaire), la définition d’objectifs pédagogiques et de contenus disciplinaires, l’imbrication des énigmes, participent à l’expression d’habiletés et à l’acquisition de compétences chez les élèves.

Votre escape game propose un voyage en OuLiPo : pourquoi avoir choisi de travailler autour de ce mouvement littéraire ?

C’est en co-animant une séance avec ma collègue de lettres que l’idée de créer un escape game en poésie a germé. Par ailleurs, le programme d’enseignement des lettres en classe de 5ème « invite à considérer la littérature comme une invention poétique […]. » L’idée s’est donc confortée. A l’instar des textes fondateurs de la littérature française et des poètes célèbres, la poésie est un mouvement littéraire peu connu des élèves, qui manifestent un certain désintérêt pour le genre. Cet art est malheureusement trop souvent délaissé. L’OuLiPo, de par son intitulé (ambigu et ambigramme), invite au voyage et à la découverte. Il propose, par le biais de contraintes formelles arbitraires, l’expérimentation et l’élaboration de créations littéraires nouvelles.

L’objectif ici est non seulement de faire connaître ce groupe littéraire (l’Ouvroir de Littérature Potentielle) et de l’envisager comme un élément de culture, mais aussi d’inviter les élèves à créer leurs propres textes en s’emparant des contraintes existantes et pourquoi pas à en créer d’autres.

Ce genre littéraire est atypique, original, innovant, ingénieux et en perpétuelle construction, à tel point que la twittosphère s’en est même emparé. L’OuLiPo se prête bien aux défis-évasions par ces jeux de mots ; les contraintes oulipiennes étant elles-mêmes des énigmes à résoudre ! La combinaison mathématiques-lettres propre à l’OuLiPo évoque et suggère l’interdisciplinarité et correspondait parfaitement à mon intention pédagogique.

L’OuLiPo considère la contrainte comme le moteur de la créativité : quelle contrainte oulipienne avez-vous plus particulièrement exploitée ?

La contrainte mise en lumière dans cet escape game est la méthode S+7, l’une des premières inventées par l’OuLiPo et largement reprise. Une entrée en la matière pour cet escape game de découverte, mais aussi de révision des classes grammaticales et substantifs. Les contraintes oulipiennes consistent en une réécriture de textes célèbres, obéissant à des règles syntaxiques précises, à l’exploitation du vocabulaire, aux codifications de genre, via des structures mathématisées. Une occasion de réinvestir les notions grammaticales vues précédemment.

Dans quel cadre avez-vous mis en pratique cet escape game ?

L’escape game s’est intercalé au milieu d’une séquence globale et s’est intégré dans un dispositif d’Accompagnement Personnalisé en classe de 5ème, auquel je participe dans le cadre d’une collaboration documentation-lettres. Le défi s’est joué au CDI. Des compétences info-documentaires se sont greffées aux compétences de français. Il a été conçu dans l’objectif de réinvestir certaines notions vues au cours du cycle 3 : recherche info-documentaire, cotation, repérage dans les différents espaces du CDI. La séquence calée sur un trimestre a permis d’accueillir les élèves en demi-classe, à raison d’une heure hebdomadaire, sur un créneau de deux heures consécutives. L’escape game est venu se juxtaposer tout naturellement dans cet emploi du temps. Les conditions étaient somme toute réunies et favorables.

De quel matériel avez-vous eu besoin ?

Du point de vue matériel et outillage, ma volonté était de créer un défi avec très peu de numérique. Deux énigmes ont nécessité l’usage d’outils et ressources en ligne. Deux ordinateurs suffisaient pour la résolution de ces dernières. Les différents espaces du CDI ont été exploités à des fins de fouille (retrouver un document grâce à sa cote). Quant aux éléments caractéristiques de l’escape game tels que les coffres, cadenas etc., la mise en œuvre de Esc’primes, voyage en OuLiPo a nécessité l’achat de deux cadenas à trois chiffres. J’ai utilisé des mallettes en fouillant dans mes effets personnels. Deux miroirs ont servi également.

L’idée était de composer avec l’existant : créer un escape game simple mais efficace, tout en s’adaptant à l’environnement et au contexte scolaire. En revanche, j’ai privilégié l’aspect esthétique en proposant un ensemble cohérent, avec la création d’indices « maison » s’intégrant dans le scénario, justifiant ainsi le thème du voyage et le contexte de l’époque.

Il est donc tout à fait possible de créer un escape game sans matériel mobile et objets coûteux. A ce titre, le site S’Cape propose des astuces aux enseignants et un Bric-à-Brac pour aider à la création d’énigmes et autres indices.

Comment avez-vous organisé et lancé l’escape game « Escp’rimes » ?

L’organisation de l’escape game s’est bâtie corollairement aux heures d’Accompagnement Personnalisé, les conditions étant plus que favorables pour la mise en œuvre du défi-évasion (groupe réduit, accompagnement par un ou deux enseignants game masters, espace-CDI à disposition). Aucune contrainte liée au temps ou à l’espace n’est venue entraver la mise en œuvre du jeu. Le débriefing s’est effectué en deux temps. Un premier feedback « à chaud » s’est déroulé suite à l’escape game, et a permis de revoir le déroulement du jeu et de recueillir les impressions des élèves suite à leur première expérience immersive dans un escape game pédagogique.

Un second temps, à une semaine d’intervalle, a permis de mûrir la réflexion que ce soit du côté des élèves ou des enseignants, et de faire un bilan de la séance. Cette période a été bénéfique de manière à approfondir les retours d’expérience notamment à l’aide d’enregistrements et dans l’objectif de garder une trace significative, de réfléchir ensuite aux améliorations possibles.

L’annonce de l’escape game s’est faite de manière informelle sur le portail du CDI, via un poster numérique mais aussi par voie d’affichage. Il s’agissait d’intriguer les élèves par une mise en haleine. Le suspense a opéré, les questionnements n’émanant pas uniquement des principaux concernés…

Quant au lancement de l’escape game ou plus exactement son introduction, j’ai fait le choix de ne pas m’orienter sur un support vidéo mais un enregistrement audio, toujours dans cette optique de rester dans l’esprit de l’époque. Autrement dit les joueurs reçoivent un appel téléphonique de Raymond Queneau les invitant au voyage : destination Oulipo…

Quelles sont les différentes énigmes que les élèves ont été invités à résoudre ?

Les énigmes s’ancrent dans un contexte littéraire principalement, mais restent diverses et variées. Il est important de proposer des tâches complexes diversifiées pour rompre avec la monotonie, motiver les élèves, dynamiser la partie, impulser l’intelligence collective, stimuler l’observation, la réflexion, l’analyse et provoquer la communication et la coopération entre pairs. Autant de paramètres à prendre en compte au moment de la scénarisation et de la création des énigmes : la phase la plus prenante pour un enseignant. Il s’agit de convertir les contenus disciplinaires, les objectifs pédagogiques en énigmes. Chose totalement novatrice ! Toute la difficulté réside dans cette phase d’abstraction, il faut pouvoir se représenter l’escape game de manière globale. La construction d’un organigramme aide beaucoup par une schématisation des énigmes et de leur imbrication.

Sans entrer dans la description mais en précisant leur nature, les élèves se sont prêtés au jeu de onze énigmes : l’appel téléphonique constitue lui-même une énigme sibylline, qui est passée inaperçue d’ailleurs. Il leur a fallu décoder des anagrammes, géolocaliser OuLiPo sur une carte créée avec la plateforme Géoportail, retrouver des documents grâce à leur cote, manipuler le dictionnaire en recherchant une définition dissimulée dans une citation de Raymond Queneau, observer, comparer plusieurs indices, les relier afin de retrouver un chiffre (7), déchiffrer un texte avec effet miroir. Deux énigmes finales permettent l’imbrication des neuf autres : une grille de mots croisés à compléter au fur et à mesure du jeu, livrant un des codes finaux (ouverture de la malle cadenassée) et permettant de répertorier les notions importantes vues au cours de l’escape game. Un quatrain d’anagrammes fournit quatre mots dont il faudra retrouver la combinaison pour déverrouiller un Padlet protégé par un mot de passe.

Comment avez-vous aidé les élèves à ne pas se sentir perdus dans ce dédale d’énigmes ?

Cette problématique n’est effectivement pas à négliger et fait partie intégrante des éléments à considérer dans l’élaboration d’un escape game pédagogique. La durée est un facteur clé à anticiper et à maîtriser lors des phases de création et de jeu proprement dites. Sachant que pour un même escape game chaque partie sera différente, cette donnée reste très subjective, difficilement malléable et tributaire de deux éléments : l’encadrement par le game master et la mise à disposition des coups de pouce.

L’accompagnement des joueurs se fait par l’enseignant qui, pour l’occasion, endosse le rôle de game master alias le maître du jeu mais, aussi du temps. Il gère la partie tout en restant discret. Il veille, observe, intervient ponctuellement, aide sans donner les solutions. Pas simple ! Surtout lorsqu’il s’agit d’un premier escape game. L’article « Edu game master, quand le prof se prend au jeu » apporte un éclairage sur cette mission.

Le game master gère donc le chronomètre et accompagne les joueurs à l’aide de coups de pouce qu’il distille au fur et à mesure du jeu, afin de débloquer une situation. Néanmoins cette posture m’a posé question pour avoir accompagné un précédent escape game de formation auprès des collègues de mon établissement. J’avais tendance à trop intervenir. Difficile de trouver le moment le plus opportun pour apporter une aide, surtout lorsque l’affect entre en ligne de compte. Il faut un juste équilibre et trouver sa place. Nous sortons du cadre de la posture enseignante classique.

Dans Esc’primes, voyage en OuLiPo, sept coups de pouce ont été proposés aux élèves et intégrés de deux façons différentes dans le jeu. Certains ont trouvé leur place parmi les indices, au moment de la fouille mais matérialisés par un pictogramme « pouce levé » de façon à être clairement identifiable. D’autres ont été offerts sur sollicitation, mais limités au nombre de trois. Le contexte d’apprentissage étant l’accompagnement personnalisé, je souhaitais que les élèves puissent exprimer oralement leur besoin et ce, de manière collaborative, dans le but d’accorder un statut à l’erreur, de relativiser les blocages. Mon objectif : différencier lors d’une activité de jeu et tenir compte de l’hétérogénéité du groupe-classe. Du côté des élèves, il s’agissait d’instituer une phase de compréhension quant à l’avancement du jeu, de les impliquer davantage, d’engager une discussion entre les joueurs en plus de la coopération. Côté enseignant, cela a permis de modérer les interventions, de proposer une progression, d’instaurer des temps de pause pour canaliser les joueurs dans cette effervescence.

Guider les élèves dans le dédale des énigmes n’était pas suffisant, il était nécessaire de les accompagner dans la collecte des indices. J’ai créé une todo list qui leur a permis de pointer les éléments collectés et de se rendre compte des pièces manquantes. Les énigmes permettent ensuite de relier l’ensemble des informations, de créer du sens via l’imbrication. Un escape game est un puzzle grandeur nature, un vaste jeu d’assemblage, ce qui induit une répartition des tâches au sein du groupe. L’imbrication des énigmes y concourt pleinement.

Aujourd’hui et après réflexion, je reproduirais ce modèle d’accompagnement sans hésitation, dans l’objectif de veiller au climat positif de la classe, à l’ambiance de jeu, favoriser la bienveillance entre les joueurs, s’assurer que les plus faibles ne se sentent pas lésés ou mis de côté, renforcer l’esprit d’équipe, favoriser la cohésion de groupe.

Comment avez-vous conçu le dénouement du jeu ?

L’intérêt d’un escape game est de proposer un scénario avec un début et une fin. Il est important de raconter une histoire, la mission n’en sera que plus explicite pour les joueurs qui doivent rapidement comprendre où l’on souhaite les emmener grâce à une bonne introduction. Les élèves doivent identifier ce qu’ils ont à chercher. La mission constitue le fil conducteur du défi-évasion. Après 45 minutes de jeu intense, il est indispensable d’aboutir à un vrai final, au risque de laisser les participants sur leur faim.

Le dénouement s’effectue grâce à l’imbrication des énigmes. L’ensemble du jeu prend alors tout son sens. Le fameux effet jubilatoire : « Ah, c’était donc ça ! ». Les participants mettent bout à bout l’ensemble des étapes, font le cheminement, se représentent le jeu dans sa globalité. Deux énigmes ont été proposées ici et constituent l’issue finale : une première fournit le code de la mallette cadenassée dans laquelle est enfermé le texte de Raymond Queneau, dont il faudra achever la rédaction, et quatre anagrammes supplémentaires.

Les joueurs pensent être arrivés à destination, mais c’est un leurre. Une dernière énigme à résoudre leur permet de déverrouiller le Padlet dans lequel le poète leur a laissé un dernier message. Les élèves comprennent qu’une suite sera donnée à l’escape game grâce au texte recueilli… L’intrigue se poursuit. Le poète oulipien les invite à la création. L’ouverture des cadenas et le document verrouillé apportent ainsi du suspens et une tension finale supplémentaire et stimulante.

Quel prolongement avez-vous donné au jeu lui-même ?

Le prolongement consiste en un atelier d’écriture oulipien… Les élèves de cinquième vont s’approprier la méthode S+7 inventée par Jean Lescure. Il s’agira, lors d’une prochaine séance, d’achever l’hypertexte de Raymond Queneau, La Cimaise & la Fraction. Le texte en poche grâce à l’ouverture de la mallette cadenassée contient des mots volontairement effacés. Les poètes en herbe devront utiliser l’un des coups de pouce collectés : le document relatif aux classes grammaticales et avoir en main, non pas le dictionnaire utilisé par Raymond Queneau à l’époque (d’où la vidéo dans le Padlet), mais Le Robert + Collège. D’autres variantes de cette contrainte leur seront également exposées magistralement par le professeur. Ils s’aventureront dans les contraintes S+2, S+3, etc…l’idée étant d’en créer de nouvelles. Les élèves apprécient cette posture de créateur, d’auteur. Il ne faut pas omettre de valoriser leurs productions. L’intérêt de cet atelier est donc de créer un cabinet de curiosités poétiques qui sera ouvert aux autres élèves de l’établissement avec une découverte de l’art oulipien, susciter l’envie de découvrir d’autres contraintes, travailler les compétences du socle (s’exprimer en utilisant la langue française à l’écrit et à l’oral).

Au final, quels plaisirs et quels profits les élèves vous semblent-ils avoir tirés de cette expérience ?

Le plaisir d’avoir joué et d’apprendre autrement. Proposer des activités pédagogiques ludifiées stimule la motivation des élèves. Ils s’impliquent dès le début de la partie, trop parfois. L’escape game s’est déroulé dans une certaine effervescence, mais cela se justifie par la nouveauté. Par ailleurs, la mise en situation avec explicitation des consignes et de ce qu’est un escape game renforce cette émulation : chronomètre, mission, énigmes, indices, fouille…, l’enseignant game master est un générateur d’ambiance.

De manière générale, chacun a mis ses compétences au service de l’équipe et du jeu. Au-delà des connaissances purement disciplinaires, les savoir-être sont particulièrement sollicités dans un jeu collectif et collaboratif. Les élèves en difficulté ont été de vrais performers et ont pris les choses en main. Ils ont été très actifs. Les plus scolaires se sont montrés parfois déconcertés, plus timorés. Je les ai découverts sous un autre angle, celui de joueurs. Certains profils se dégagent nettement. C’est une agréable découverte.

Leur enthousiasme à coopérer tous ensemble s’est exprimé pleinement et naturellement durant la phase de jeu. L’esprit d’équipe, la cohésion de groupe se sont établies via un processus d’échange, de communication, de réflexion collective, également par un partage des tâches. L’impact sur le groupe est bénéfique mais ne s’installe pas dans la durée… Un escape game est une occasion de (re)créer du lien, une manière d’apporter les premières briques pour souder le groupe-classe en début d’année scolaire.

Les jours suivants, le relationnel enseignant/élève a évolué notamment. Une proximité s’est instaurée. Nous avons partagé un moment de classe différent. Le regard de l’enseignant sur l’élève évolue, on le découvre en tant que joueur, non plus seulement en tant qu’élève. À l’inverse, les élèves nous perçoivent en tant que game master.

Par une réappropriation de l’espace, le CDI devient un terrain de jeu. Les codes sont modifiés le temps d’une heure. La perception du lieu change également.

Pour finir, les concernés en ont parlé entre eux, mais aussi avec leurs camarades, à leurs familles respectives de manière informelle. Un effet viral se traduisant par : « on a fait un escape game ! » et une envie de continuer : « Madame, quand est-ce qu’on recommence ? ». Pour résumer : dynamique d’apprentissage, motivation, coopération et plaisir sont les effets escomptés d’un escape game sur les participants, mais cette modalité doit rester ponctuelle car coûteuse en temps pour le concepteur.

De manière générale, quels vous semblent les intérêts d’un dispositif tel que l’escape game ?

Je répondrais par les dimensions novatrices et ludiques : proposer des contextes et situations d’apprentissage par le jeu pour « apprendre autrement ». Pour l’enseignant, il s’agit d’impulser une mobilisation des compétences/attitudes des élèves via différents types d’intelligences par la réalisation de tâches complexes. Un escape game est un format de jeu original et permet de situer les élèves dans l’action, dans un défi, une quête à réaliser, un accomplissement et ce, de façon progressive. Les enjeux éducatifs et pédagogiques sont multiples.

Créer et proposer un escape game pédagogique est aussi une occasion de sortir du quotidien de la classe, de la routine. L’enseignant devient un designer : l’élaboration d’un jeu d’évasion est une source de motivation et stimule la créativité que ce soit dans la rédaction du scénario, la construction des énigmes et des indices. Cela est d’autant plus révélateur dans le cadre d’une co-construction. Durant la phase de jeu, notre posture traditionnelle évolue au profit de celle de game master. Il est indispensable de lâcher-prise, ce qui est déstabilisant parfois par manque d’habitude. Pour ma part, la mise en oeuvre d’un escape game induit une certaine tension, un stress positif, motivé par l’envie de voir réussir les élèves, qu’ils viennent à bout du chronomètre, qu’aucun élément ne vienne entraver le déroulement du jeu (problème technique).

Quels plaisir et satisfaction de voir les élèves adhérer au jeu et aboutir à leur quête, de les voir progresser dans la partie, d’observer leur cheminement. Chaque individu est reconnu au sein du groupe-classe. Certains, sortis du cadre strict de la classe, se ré-engagent grâce à cette valorisation, ayant participé activement au jeu. Nous ne sommes plus dans l’individuel mais le collectif, le coopératif. Il est possible de mesurer cet effet de cohésion, à court terme, sur l’attitude de l’élève, mais aussi au sein même du groupe-classe. Le jeu fait appel à la notion de plaisir et facilite l’apprentissage par une sollicitation d’aptitudes comme la concentration, la mémorisation, la réflexion et permet une assimilation des savoirs scolaires.

Que diriez-vous à des collègues effrayés par le gros travail de préparation qu’exige un escape game ?

Un défi évasion implique effectivement du temps et de l’énergie. Selon les dispositifs, les disciplines et les phases d’apprentissage, il demeure une situation occasionnelle. C’est pourquoi, pour une première création je recommanderais de ne pas se lancer seul ou de travailler avec d’autres collègues. Il existe désormais de nombreuses ressources et des accompagnements sont possibles via S’cape notamment.

Propos recueillis par Jean-Michel Le Baut

Les escape games dans Le Café pédagogique

Un répertoire de contraintes oulipiennes

« Edu game master, quand le prof se prend au jeu »

Les types de joueurs

Sur le site S’Cape