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Les pauvres ne sont pas condamnés à l’échec scolaire. Les immigrés ne font pas forcément baisser le niveau. Voilà quelques uns des mythes cassés par le nouvel ouvrage d’Andreas Schleicher, directeur de l’éducation de l’OCDE. Dans un nouvel ouvrage « Comment construire un système éducatif pour le 21ème siècle », il apporte aussi des conseils qui ne sont pas inutiles. Particulièrement sur l’art de la réforme…

Les pauvres condamnés ?

Il y a des coïncidences. Le jour même ou JM Blanquer intervient à l’OCDE sur sa politique éducative, le 29 mai 2018, Andreas Schleicher, le directeur de l’éducation de l’OCDE, publie un livre sur « l’école de demain ». Et on croirait parfois lire du Blanquer. « La principale question du futur c’est comment marier l’intelligence artificielle des ordinateurs avec les compétences cognitives, sociales et émotionnelles des êtres humains », écrit-il. Or la formule est largement usée aussi par JM Blanquer.

Mais A Schleicher commence son livre par une attaque en règle de certains mythes éducatifs. En commençant par l’idée que les pauvres sont voués aux faibles performances scolaires. Cela semble d’autant plus une vérité que la France est après la Hongrie le pays où le niveau social commande le plus le niveau scolaire. Pourtant ce que montre A Schleicher c’est que le quartile le plus démuni des Vietnamiens a un score dans Pisa supérieur au score moyen de la France et de la plupart des pays de l’OCDE. D’ailleurs dans la plupart des pays, mais pas en France, le lien entre niveau socio économique et score dans Pisa s’est affaibli.

Autre idée fausse celle que les élèves immigrés font baisser le niveau général. A Schleicher montre que les mêmes immigrés arabes installés aux Pays Bas ont deux ans d’avance en niveau scolaire sur leurs équivalents installés au Qatar. Les Chinois installés en Australie ont un niveau équivalent à celui des Australiens pour la 1ère génération. La seconde génération a un score très supérieur. On voit donc que la situation des immigrés varie beaucoup selon le pays d’accueil. C’est aussi ce qui pousse A Schleicher a bataillé contre l’idée que le niveau éducatif est un héritage intellectuel. Il montre qu’il a beaucoup changé dans de nombreux pays. Mais cela s’est produit là où les élèves ont travaillé dur et fait confiance à leurs professeurs. Pas là où on se contente d’hériter des places.

Les profs sont-ils importants ?

Pour autant, A Schleicher estime que les cultures locales ont leur part dans le succès des systèmes éducatifs. Et notamment l’importance accordée à l’éducation. La réussite des immigrés chinois tient aussi à la tradition confucéenne. Mais d’autres pays performent très bien avec une civilisation européenne comme le Canada ou la Finlande. D’autres progressent rapidement comme le Portugal, la Colombie ou la Roumanie.

La clé semble être l’importance que la société accorde à l’éducation. Il y a la confiance accordée aux élèves. Les pays où le niveau est le meilleur sont ceux où la sélection est la plus tardive. Dans ces pays les élèves ont confiance dans les enseignants estime A Schleicher et cela aide à l’investissement dans l’école. Et puis les pays qui ont un bon niveau sont aussi ceux qui ont de la considération pour les enseignants. Et pas que dans les mots mais aussi quand on réforme et qu’on les écoute… Et là on sait que la France est, avec la Slovaquie, le pays de l’OCDE où les enseignants se sentent les moins estimés.

L’art de la réforme

Justement tout un chapitre est consacré à l’art de la réforme en éducation. Les conseils d’A Schleicher mériteraient d’être entendus rue de Grenelle. Pour réussir une réforme il faut chercher le consensus et associer les syndicats pour de vrai. Et il en donne des exemples au Danemark , en Irlande ou en Nouvelle Zélande. Il faut associer les enseignants à la conception de la réforme. Cette réflexion rejoint l’analyse de Bryk qui a relevé l’échec des tentatives d’implanter des réformes portées par la preuve (evidence based). « Plutôt que de laisser croire que la voie vers l’amélioration des résultats consiste à ajouter continuellement de nouveaux programmes, cette perspective nous encourage à nous concentrer d’abord sur l’amélioration de notre compréhension des systèmes de travail qui créent des résultats insatisfaisants. Car c’est dans cette capacité à voir le système que les progrès significatifs peuvent s’établir », écrit Bryk.

Musique, école, société

Là on atteint peut-être le grand écart avec la conception française. Mais A Schleicher envoie aussi un message positif pour l’école française. Il raconte comment il a assisté à Lyon à un spectacle monté avec 200 enfants venus des écoles les plus défavorisées de l’agglomération. « Le projet a demandé de la rigueur et a placé le niveau très haut pour chacun. Les chorégraphes ont aidé les participants à développer leur créativité.. Tous les participants m’ont dit que ce projet les a aidé à grandir notamment dans la tolérance, le respect, la responsabilité ; des valeurs que l’école doit chercher à développer ». Il ne suffit pas d’accorder sa place à la musique dans l’école avec tous les bienfaits qu’elle apporte. Il faut aussi qu’elle permette de reconnaitre celle des défavorisés même immigrés.

François Jarraud

Andreas Schleicher, World Class. How to Build a 21st-Century School System. OCDE mai 2018.

L’ouvrage

Sur A S Bryk