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« Cette année qui débute est marquée par l’inquiétude et la lassitude. Les enseignants n’en peuvent plus des demandes successives de refaire et de faire et de déconsidérer ce qui a été fait avant ». Stéphane Crochet, secrétaire général du Se Unsa a fait le point sur cette rentrée le 29 août. Quelques informations nouvelles. Surtout le second syndicat de l’éducation nationale s’interroge sur les finalités du gouvernement et de JM Blanquer. Il est aussi très critique sur la méthode. Pire il évoque la personnalité de JM Blanquer et son « mirage de la toute puissance ». Deux sujets dominent la rentrée : la mise en place d’évaluations qui semblent changer la nature du système éducatif et l’ignorance dans laquelle le terrain est maintenu face aux changements.

Le tourni

« Un GPS ça se programme. On lui dit où on veut aller et en cours de route on ne s’interdit pas de recalculer l’itinéraire. On ne s’interdit pas de prendre soin des passagers »? Stéphane Crochet parle de « politique du tourni », une image que beaucoup d’enseignants ressentent devant les annonces incessantes voir la communication quotidienne même au moins d’août.

Il y oppose l’absence d’accompagnement sur le terrain. « On a entendu la détermination sans faille mais ce sont ceux qui sont sur le terrain qui doivent composer pour mettre en œuvre ». Or on ne leur facilite pas la vie. « Dans le premier degré, après les recommandations, les modifications de programmes, les repères annuels seront publiés après la rentrée pour une mise en œuvre immédiate. Les enseignants du premier degré et du collège se désespèrent de ces changements incessants et de la petite musique disant que ce qui était fait avant n’était pas sérieux », explique S Crochet. Dans le second degré c’est le grand flou sur les changements au lycée et au lycée pro. « On LP on craint des récupérations de postes ».

Au lycée général et technologique, comment les rectorats vont-ils répartir l’offre éducative ? Pour le Se Unsa, il y a fort à parier que l’offre soit copiée sur les possibilités actuelles, ni plus ni moins. « Il y aura un gros hiatus entre le discours émis vers les familles et les élèves sur le libre choix et la réalité qu’on ne connaitra probablement qu’en janvier ».

Le formatage du système

Un des grands sujets de la rentrée ce sont les évaluations prévues à la rentrée en CP (deux dans l’année), CE1, 6ème et 2de. S Crochet craint qu’elles « étouffent la curiosité et la motivation » des élèves. « Ce n’est pas ce que les parents veulent pour leur enfant », remarque t-il.

Mais ces évaluations vont peut-être plus loin, vers une refonte du système éducatif. « On se pose la question de l’usage des évaluations. Annoncées au début comme des outils pour l’équipe pédagogique elles sont citées par Matignon comme des outils de politique publique… On peut craindre que ces évaluations deviennent l’alpha et l’omega des apprentissages ». S Crochet y voit deux risques : le formatage des élèves pour réussir les évaluations au détriment des apprentissages. Et le risque qu’elles deviennent des outils d’évaluation des équipes, des écoles, des collèges et des lycées. On ferait basculer le système vers un système qui répond à une commande institutionnelle et ne regarde pas ce que font les élèves. L’Angleterre a connu cela et cherche à en sortir ».

S Crochet ne parle pas de « pilotage par les résultats » ou « d’evidence based ». Mais c’est bien de cela qu’il est question. Et l’application de ces méthodes en Angleterre comme en Suède n’a effectivement pas donné de bons résultats. Le Snuipp Fsu, le syndicat concurrent, le soulignait aussi le 27 août.

« On a l’impression de la transformation du système éducatif en un grand système formaté où on dirait à chacun ce qu’il savoir en février en oubliant qu’on travaille sur de l’humain… On risque de placer les enseignants dans un vrai dilemme : doivent ils regarder leurs élèves ou répondre à une commande institutionnelle ? »

La façon dont l’association Agir pour l’école s’impose dans une centaine d’écoles est significative de cette évolution. Elle impose aux enseignants un protocole particulièrement étouffant pour imposer une méthode que le Se Unsa juge à coté de la plaque. « Le protocole crée par cette association est à la limite de la torture pédagogique », estime Claire Krepper, secrétaire nationale à l’éducation. « Elle ne tolère aucun écart pour les enseignants et si les élèves ne réussissent pas les exercices elle leur en impose d’autres ». « L’approche pédagogique de ce ministère va vers des apprentissages parcellaires et répétitifs », estime S. Crochet. « Pour tous les enfants peu scolaires on risque d’avoir raison de leur envie d’apprendre. Ca fait perdre le sens de c qu’on fait à l’école. ».

Quelle revalorisation ?

Les derniers sujets d’inquiétude concernent la revalorisation et la nouvelle organisation territoriale qui devrait être mise en oeuvre en 2020. « Le ministre assure le maintien du périmètre de la gestion des personnels et des instances représentatives jusqu’en 2022. Mais on peut craindre la disparition de services rectoraux et des diminutions d’emploi », explique S Crochet. Comment l’Etat arrivera-t-il à maintenir l’égalité territoriale dans des régions aussi grandes ?

Coté revalorisation, les enseignants ont compris qu’ils risquent de déchanter. Les accords PPCR devraient être appliqués en 2019, rappelle le Se Unsa. Mais cela sera-t-il le cas ? Quant au gel du pont d’indice il semble définitivement installé. « La perspective de donner une plus grande part au mérite n’est pas un levier intéressant car la définition du mérite nécessite d’être bien cadrée ». « On doit protéger l’école de la politique politicienne », estime le Se Unsa. Vaste projet…

François Jarraud

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