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« En matière de justice sociale on ne peut pas faire plus important que les dédoublements ». Présentant les mesures de rentrée, JM Blanquer a fait du social le fil conducteur de son intervention cet argument passant dorénavant avant celui du « pragmatisme ». Moins surprenant, parce qu’il avait agi de même entre 2010 et 2012, le ministre a vivement défendu la multiplication des évaluations les présentant comme des modèles scientifiques enviés du monde entier et déclarant vouloir en finir avec « le venin de l’angoisse des évaluations ». L’année scolaire verra aussi de nouveaux programmes en maternelle avec des repères annuels et tout un enseignement de la langue. Là aussi ça rappelle la période d’avant 2012…

Deux fois plus de classes dédoublées

JM Blanquer est -il devenu la caution de gauche du gouvernement d’E. Macron ? Ancien directeur de cabinet de G de Robien, ancien Dgesco de L Chatel, ce positionnement pourrait surprendre. Mais le ministre de l’éducation nationale a eu à coeur de développer la fibre sociale de sa politique lors de sa conférence de presse de rentrée le 29 août. Il veut « donner davantage à ceux qui ont moins ».

Evidemment ce qui est mis d’abord en avant ce sont les classes dédoublées en éducation prioritaire. A cette rentrée le ministère dédouble 3200 classes de CP en Rep et 1500 de CE1 en Rep+, soit le double de 2017. Au total 190 000 élèves sont dans des classes dédoublées ce qui est trois fois plus qu’en 2017. L’impact de ces dédoublements est annoncé pour la fin 2018 en ce qui concerne les Cp de Rep+.

Mais pour JM Blanquer c’est « une mesure concrète de justice sociale » et même « on ne peut pas faire plus important ». Et il est vrai qu’abaisser le nombre d’élèves par classe en éducation prioritaire devrait avoir un effet positif. Par contre on suit plus difficilement JM Blanquer quand il explique qu’il « n’a pas deshabillé Pierre pour habiller Paul » et qu’avec les 3800 postes créés il avait largement de quoi répondre garnir les classes. Mais si la mesure a un effet, elle ne concerne qu’une partie minoritaire des jeunes défavorisés (la majorité n’est pas scolarisé en Rep et Rep+). On peut aussi s’interroger sur les effets durables compte tenu de la situation difficile dans les autres niveaux en éducation prioritaire.

Ce fil social, JM Blanquer va le tisser tout au long de son exposé. Les devoirs faits, qui ne commenceront à apparaitre au primaire qu’en Rep+ cette année, c’est aussi de la justice sociale, même s’ils sont proposés à tous les élèves. Le Plan mercredi a « un caractère social prononcé ». Et tout ce que le ministre fait pour « moderniser  » la pédagogie « porte la justice sociale ». Le ministre prend même le temps de préciser que les fonds sociaux sont en hausse à hauteur de 55 millions. Il les avait divisé par deux quand il était Dgesco…

Des évaluations bien encadrantes

L’autre grand sujet de son intervention ce sont les évaluations. A cette rentrée sont impulsées des évaluations nationales pour tous les élèves en Cp (deux dans l’année), Ce1, 6ème et 2de. « On déploie ces évaluations pour que les professeurs aient des outils pour mieux connaitre les élèves », explique JM Blanquer qui est très fier de ce travail réalisé avec « les meilleurs spécialistes », formule qui désigne son conseil scientifique. Le ministre annonce « une montée en puissance des évaluations » dans les années à venir avec notamment des évaluations d’établissements.

Pour cette rentrée, l’entourage ministériel annonce des évaluations de grande qualité, construites par le Depp, la Dgesco et le Conseil scientifique. Pour le moment personne en dehors du ministère, ne les a vu. Mais on promet qu’elles viseront seulement la réussite des élèves en fournissant aux enseignants des indications sur les difficultés de chacun de leurs élèves. Le traitement des résultats enverra sur des ressources pédagogiques mises en ligne par la Dgesco. On nous a promis que les inspecteurs auraient seulement un tableau de leur circonscription et non une vision précise des classes et des écoles comme le traitement numérique le permet. Rien de comparable aux évaluations de type nord américain nous dit-on également. Mais quand même… La passation sera préparée avec soin, les enseignants ayant accès à des vidéos pour voir comment faire passer ces évaluations. Et dès septembre 1400 inspecteurs seront formés pour encadrer les enseignants pour l’apprentissage aux fondamentaux, objets de ces évaluations.

On aurait volontiers cru l’entourage du ministre. Mais dans L’Obs du 30 aout, le ministre lui même explique comment les évaluations seront utilisées pour évaluer le mérite des enseignants d’un établissement et piloter leur paye…. Et le premier ministre lui-même dans son annonce de début août évoque « une véritable culture de l’évaluation, transparente et publique, doit se déployer au service de la réussite des élèves et de la qualité de la vie scolaire », où le mot transparence semble bien appeler à une publication des résultats et une mise en concurrence des écoles et établissements. La place qu’aura le système d’évaluation de JM Blanquer prête donc à des interprétations différentes ce qui ne pousse pas à la confiance…

De nouveaux programmes en maternelle

Cela concernera aussi l’école maternelle qui va devenir un nouveau chantier ministériel. Les programmes de maternelle seront revus, annonce le ministère, pour les « clarifier ». « Des repères annuels de progression offriront aux enseignants des repères clairs pour organiser leurs enseignements », précise la rue de Grenelle.

Le ministère veut avancer dans deux directions : l’école maternelle école du langage et le rapprochement entre Atsems et enseignants. Des recommandations nationales seront distribuées en maternelle en novembre avec un fascicule « Les mots de la maternelle ». Il s’agit d efaire l’apprentissage d’un vocabulaire précis et des structures de la langue. Les inspecteurs se serviront des évaluations de CP pour donner des indications à leurs enseignants. On retrouve là une idée que JM Blanquer a déjà mise en oeuvre avant 2012.

Un plan de formation commun des professeurs et des atsems aura lieu au 1er semestre 2019. On est dans la logique des Assises tenues en 2018 qui visent à rapprocher les métiers de professeur et d’atsem. Ainsi au JO du 30 aout parait la réforme du CAP petite enfance qui développe la compétence « Assurer une assistance pédagogique au personnel enseignant ». Il semble que dans l’esprit du ministre les deux métiers doivent évoluer : celui d’enseignants vers un enseignement de type école élémentaire en maternelle, les atsems prenant en compte la dimension affective et le développement sensoriel des enfants.

Consultation sur les programmes du lycée

Au lycée, les nouveaux programmes sont prévus pour novembre. Le ministère annonce une consultation des professeurs et une concertation avec les partenaires sociaux. « On prendra un temps de dialogue avec les régions pour construire le service d’orientation », a dit JM Blanquer, répondant ainsi à la demande des régions émise le 28 août.

Et les profs ?

« Je serai attentif à la condition des professeurs » promet JM Blanquer. A la rentrée la prime de 1000€ sera versée aux professeurs des Rep+. Surtout il y aura une réforme de la formation des enseignants. Le budget 2019 ne devrait pas permettre d’aller plus loin et notamment de dégeler le point fonction publique. L’application des mesures PPCR reste à confirmer. Le social a ses limites…

François Jarraud

Le dossier de presse ministériel

Blanquer met l’évaluation au cœur de sa politique

Quelles évaluations à la rentrée ?

La réforme gouvernementale présentée par E Philippe

Nouveau CAP petite enfance