Print Friendly, PDF & Email

Lundi 3 septembre, 16h40, Dominique Mauras s’assied derrière son bureau. C’est fait. La première journée d’école est terminée, les derniers élèves sont partis. Elle est arrivée très tôt à l’école en cette journée de rentrée afin de finir d’organiser la classe mais aussi de profiter des derniers moments de silence avant l’arrivée des élèves. Comme une majorité d’enseignants, Dominique appréhende cette journée. Comment seront les élèves ? Leurs familles ? Elle nous confie ses craintes : « J’ai peur de ne pas arriver à créer un climat serein dans la classe. Je veux une classe coopérative, bienveillante, riche en discussion et en énergie. J’ai peur aussi de ne pas réussir à créer de lien avec mes élèves et leurs familles ». Mais dès l’ouverture de l’école, l’appréhension laisse place au plaisir de la rencontre. Dominique rassure parents et élèves, elle commence sa journée en leur expliquant la grande aventure qui les attend, qu’ils vont vivre ensemble. Elle est dorénavant leur maîtresse. Ce mot magique qui arrache un sourire aux plus craintifs.

Pour Dominique, c’est l’année du changement. Enseignante depuis quatorze ans, elle était en fonction dans une école de huit classes, située en REP. Cette rentrée, elle l’effectue dans une petite école de deux classes, en milieu rural.

Une vocation : enseigner

Dominique enseignait dans un triple niveau CP/CE1/CE2 de vingt-six élèves. « J’ai adoré travailler en REP. Les enfants, les familles ainsi que les collègues me manquent. Mais la classe de l’an dernier était très difficile avec des enfants vivant des situations assez compliquées, ce qui rendait leur entrée dans les apprentissages complexe. Ils ont tous énormément évolué pendant l’année mais j’ai souffert de ne pas me sentir à la hauteur. Alors, j’ai préféré changer d’école. J’avais besoin de me poser, de changer de cadre. Cette année scolaire m’avait littéralement épuisée, pris beaucoup d’énergie ». L’enseignement, Dominique s’y destinait depuis le collège. Elle a toujours su qu’elle voulait être professeur des écoles. « Pourquoi ? Parce que malgré les échecs, je crois que l’école peut changer en mieux la vie d’un enfant. Oui c’est important de faire acquérir des compétences disciplinaires pour que chaque élève ait un niveau correct, mais pour moi l’école c’est plus que ça. L’école peut encore avoir un rôle d’ascenseur social. L’école est une sorte de « boite de pétri sociétale ». Tous les enjeux de la société se retrouvent dans le microcosme de l’école. En tant qu’enseignante, je suis aux premières lignes, je sens les vibrations, les changements. Je me sens vraiment actrice de notre société et je crois qu’un système se change de l’intérieur ». Outre cet aspect sociologique et idéologique de la mission de l’école, « J’aime également apprendre et transmettre. Je suis avide de connaissances, je suis toujours à la recherche de nouvelles connaissances sur nos mécanismes d’apprentissages. Par exemple, je trouve passionnantes les neurosciences qui m’aident à comprendre le fonctionnement de mon cerveau et celui des élèves. Cela me donne des pistes pour les aider au mieux, tout comme la psychologie ». Dominique reste humble. « Je ne suis pas magicienne, je n’ai pas le pouvoir de faire qu’il n’y ait plus d’enfants malheureux mais j’ai la capacité et le devoir de faire que chacun de mes élèves se sente en confiance, libre et heureux d’apprendre. Je veux pouvoir voir leurs yeux briller lorsqu’ils réalisent ce qu’ils sont capables de faire. Je veux leur offrir un monde de possibles ».

L’école rurale, des difficultés différentes mais réelles

Son engagement, sa vision du rôle de l’école, Dominique la portera aussi dans cette petite école rurale de deux classes, nichée dans les Pyrénées. Le public est différent, certes, mais les difficultés existent là aussi. « J’ai besoin de me sentir engagée et travailler en REP me correspondait mais je me rends compte que l’école rurale est un vrai défi également. Il y a peu de moyens malgré la bonne volonté des mairies et des familles. On est loin de tout et surtout de l’apport culturel, le moindre déplacement est un gouffre financier. J’ai beaucoup d’idées, d’envies de projets mais je ne sais si cela ne bloquera pas financièrement ». Dominique veut créer du lien entre les différents acteurs du territoire que représente les deux villages du RPI – Regroupement Pédagogique Intercommunal. Elle espère monter des projets avec la maison de retraite, la crèche ou encore les artisans. Les idées, elle en a déjà plein en tête : « J’aimerais créer une correspondance et un travail en géographie avec une classe de mon ancienne école afin que les élèves se rencontrent et apprennent à se connaître. Ils pourraient constater ce qui les différencie afin de s’enrichir mutuellement ». Elle aura en charge une classe de cycle trois, CE2-CM1-CM2 et une seule collègue, ce qui ne l’inquiète pas, « j’ai la chance d’avoir toujours eu de très bons rapports avec mes collègues ».

Dominique est enthousiaste, elle croit en ses élèves et en la mission de l’école. « J’ai conscience de jouer un rôle dans le développement de mes élèves. Je les aide à grandir, à se connaître, à connaître et comprendre les autres, à comprendre qu’ils sont citoyens et qu’ils ont un rôle à jouer dans la société. Je plante des petites graines dont certaines pousseront. J’espère que mon regard bienveillant sur eux les aidera à s’aimer et à faire un monde futur plus humaniste ». Cet enthousiasme, comme celui de beaucoup d’enseignants, c’est ce qui nourrit l’école. Des professeurs conscients de l’impact qu’ils ont sur leurs élèves, conscients de l’ambition qu’ils doivent porter pour la réussite de tous les élèves, qu’ils soient en REP, en milieu rural ou en classe lambda. Tous peuvent réussir. Certes, c’est parfois dur, c’est parfois compliqué, c’est parfois épuisant. Mais y croire c’est déjà se donner les moyens d’accompagner chaque élève vers sa réussite.

Alors en cette rentrée scolaire, nous vous souhaitons une excellente année, riche et ambitieuse.

Lilia Ben Hamouda