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Alors que le ministre veut payer les enseignants au mérite et que Luc Chatel se rappelle à son souvenir, la question de l’évaluation des enseignants est remise en selle rue de Grenelle. Car elle n’est pas neuve. Hélène Buisson-Fenet et Xavier Pons en proposent un intéressant historique dans un article de la Revista de la Asociación de Sociología de la Educación. Une histoire où JM BLanquer et Le Café pédagogique ont leur place dans l’alternance de réussite ou d’échec en la matière. Mieux : ils expliquent pourquoi certaines réforme de l’évaluation marchent et certaines échouent. A bon entendeur…

L’évaluation des enseignants est-elle équitable ?

L’évaluation des enseignants est une question récurrente des politiques éducatives depuis les années 1990, rappellent Hélène Buisson-Fenet et Xavier Pons. D’abord parce que le mode d’évaluation des enseignants est très critiqué et très criticable. On dénonce son manque d’équité.  » Azzedine Si Moussa met par exemple en évidence une couverture inégale de la grille d’évaluation par les inspecteurs et une évaluation plus fréquente et plus favorable sur l’organisation et la préparation de la classe que sur les méthodes pédagogiques. Sylvain Starck montre l’existence de différents « régimes d’inspection » selon la position que souhaite endosser l’inspecteur (« juge-baron », « thérapeute », « manager » et « alter ego ») qui ont des effets différenciés sur le résultat final de l’inspection. Pour l’enseignement secondaire, l’enquête de Xavier Albanel souligne la part de subjectivité inhérente à tout jugement inspectoral et insiste sur l’importance des « préférences » de chaque inspecteur et des indicateurs qualitatifs dont il se dote », rappellent les auteurs. Ils s’interrogent aussi sur l’efficacité de ces inspections qui sont souvent très espacées.

Mais, remarquent ils avec finesse, tout le monde trouve son compte dans un système imparfait. Les enseignants, qui préfèrent avoir deux évaluateurs à un seul, Les inspecteurs aussi qui craignent une remise en question de leur identité professionnelle.

Une question ouverte par Bayrou…

Pourtant les projets de réforme sont revenus régulièrement depuis les années 90 où Bayrou , en 1996 crée un service de gestion des ressources humaine dans chaque rectorat. Les années 1998-2005 voit la multiplication des rapports alors qu’à droite la révision de l’évaluation des enseignants dans le cadre d’établissements autonomes devient un thème électoral.

L’épisode Sarkozy – Chatel

Les auteurs distinguent une seconde phase, 2007-2009, avec une tentative de N Sarkozy d’évaluer les enseignants selon les résultats des élèves. Sarkozy donne mission a Darcos de créer des évaluations en ce sens. L’épisode a été raconté par la Depp. Darcos en parle mais rien ne change sur le terrain.

Ce qui fait changer les choses c’est l’arrivée de Luc Chatel, avec JM Blanquer comme directeur de l’enseignement scolaire. Entre 2009 et 2012 il va effectivement réaliser une réforme de l’évaluation des enseignants qui va se fracasser politiquement. Le projet est lancé en 2009 et se heurte en 2010 aux résistances syndicales. « 

Là arrive la part du Café pédagogique.  » La DGRH… lance en juin 2011 un cycle de négociations avec les syndicats sur la base des résultats (d’une) consultation. Cette dynamique est contrecarrée par la publication le 15 novembre 2011 sur un site de presse spécialisée (Le Café pédagogique) des projets de décret et d’arrêté sur lesquels travaille le gouvernement. On y apprend que l’évaluation reposerait sur un entretien professionnel assuré par le supérieur hiérarchique direct qui aurait lieu tous les trois ans, que cette évaluation comporterait une analyse des résultats de l’enseignant ».

Les syndicats d’enseignants réagissent immédiatement contre ce projet dévoilé par le Café qu’on leur a caché. Et on entre dans un bras de fer , grèves à l’appui, contre le projet gouvernemental. La question entre dans la campagne électorale de 2012 et se politise. Alors que certains syndicats négociaient encore avec L Chatel ils rompent les discussions et le ministre doit faire face à un front commun. Malgré tout il publie les textes au journal officiel au lendemain de la défaite de N Sarkozy. La gauche ne tardera pas à annuler le décret en 2012.

De Vallaud Belkacem à JM Blanquer

Avant dernier épisode : la réforme de N Vallaud-Belkacem. La gauche met plusieurs années à revenir sur ce sujet qui est politiquement connoté à droite. En 2015 les syndicats et la ministre négocient un accord qui entre dans les négociations PPCR. En 2016 le projet est adopté. Il prévoit la double évaluation dans le second degré et des « rendez vous de carrière » avec des critères explicités. Finalement le texte fait l’unanimité et les textes sont entrés en vigueur.

C’est cet accord qui est maintenant remis en question par JM Blanquer. Le ministre parle d’évaluation des établissements. Il annonce une prime au mérite en Rep+ et plaide pour une personnalisation générale des rémunérations basée sur les résultats des élèves. Il recycle les thèmes que la droite a assimilé dans les années 90 et les projets qu’il a mené avec L Chatel avant 2012.

Mais ce qui intéresse les deux sociologues auteurs de l’article c’est pourquoi certains projets échouent là où d’autres réussissent. Pour eux cela ne tient pas à une « culture de la confrontation » chez les enseignants. Notamment parce que N. Valaud-Belkacem a réussi là où L Chatel avait échoué. La crise tient à la fois à des aspects institutionnels ( la montée en puissance de la DGRH de Chatel par exemple) que politiques. La gestion de N Vallaud Belkacem montre comment dépolitiser une réforme pour éviter la confrontation. Ce que Cnatel et son Dgesco n’ont pas su faire, bien au contraire…

François Jarraud

L’article d’ Hélène Buisson-Fenet et Xavier Pons

Notre article de 2011

Prime au mérite : histoire d’une obsession

Blanquer met l’évaluation au centre de sa politique éducative

La France est-elle résistante aux réforme éducatives ?

Mais que font les inspecteurs ?