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 » Une partie du contenu et les modalités de passation des évaluations CP et CE1 posent de nombreuses questions sur la pertinence de ce dispositif ministériel ». Après avoir réuni ses responsables départementaux cette semaine, le Snuipp Fsu a décidé d’agir sur les évaluations nationales. Il demande un moratoire au ministère et appelle à ne pas les faire passer tout de suite et à ne pas saisir les résultats. Le syndicat prend aussi l’initiative de publier les livrets de passage au risque que les parents les parcourent.

Des tensions montantes ces derniers jours

Des tensions étaient perceptibles depuis l’arrivée ces jours derniers des évaluations de CP et CE1 dans les écoles comme nous l’avons montré dans plusieurs éditions du Café pédagogique. Début septembre plusieurs sections départementales Snuipp Fsu avaient pris l’initiative d’appeler au boycott des évaluations. Mais le syndicat national attendait la réunion de ses sections départementales à Paris du 11 au 13 pour décider une position nationale.

Des évaluations ambigües

« On déploie ces évaluations pour que les professeurs aient des outils pour mieux connaitre les élèves », avait affirmé JM BLanquer lors de sa conférence de presse de rentrée fin août. Après un échec à la rentrée 2017, son entourage annonçait des évaluations de grande qualité, construites par le Depp, la Dgesco et le Conseil scientifique. On promettait qu’elles viseraient seulement la réussite des élèves en fournissant aux enseignants des indications sur les difficultés de chacun de leurs élèves. Le traitement des résultats doit effectivement envoyer sur des ressources pédagogiques mises en ligne par la Dgesco. A vrai dire le discours ministériel n’était pas cohérent. D’un coté on promettait que les inspecteurs auraient seulement un tableau de leur circonscription et non une vision précise des classes et des écoles malgré la remontée des résultats au niveau national. De l’autre, dans Le Nouvel Obs du 30 aout, le ministre lui même expliquait comment les évaluations seraient utilisées pour évaluer le mérite des enseignants d’un établissement et piloter leur paye….

Des contenus inappropriés

Du coté des enseignants, les critiques portaient à la fois sur les contenus et les finalités des évaluations. Des enseignants nous avaient signalé de nombreux pièges dans les livrets de français. Par exemple dans l’exercice 3 du cahier 1 de CP on demande de repérer le mot qui débute par le même phonème que le mot cible. Or 6 lignes sur 9 proposent des images de mots qui finissent par des sons identiques ce qui va attirer l’attention des élèves à tort. Dans l’exercice suivant, pour 5 lignes sur 8, le mot dit par l’enseignant peut provoquer un rapprochement spontané avec l’une des 4 images sous les yeux des élèves, ce qui est une source d’erreur. « C’est impressionnant de proposer des réponses offrant à ce point des pièges », nous a dit une enseignante .

Et puis il y avait la méthode. « On travaille depuis des années sur les évaluations et là ça tombe du ciel », remarquait une autre enseignante. « Les enseignants n’ont pas besoin d’envoyer les résultats à Paris pour aider leurs élèves », affirmait un autre. Face aux injonctions pédagogiques de plus en plus fortes en français et en maths, des enseignants se raidissent. Nourri par les déclarations ministérielles sur le mérite et par l’expérience du passé, le soupçon s’est répandu que ces évaluations servent surtout à établir les données nécessaires à la fois à une mise en concurrence des écoles en publiant les résultats et à une évaluation du mérite de chaque enseignant.

Prolétarisation du métier selon le Snuipp

Dans son communiqué, le Snuipp « constate que de nombreuses activités sont inadaptées tant du point de vue de leur contenu que de leur présentation ou des conditions de passation imposées. Des durées d’exercices strictement limitées et irréalistes seront trop souvent génératrices de stress et l’interdiction d’aide et d’explication contrariera inévitablement la relation pédagogique en construction par les enseignants avec leur classe et leurs élèves. De nombreuses propositions contiennent ce qu’on est bien obligé d’appeler des pièges et relèvent davantage de compétences expertes que de compétences exigibles à ces niveaux de la scolarité ». Une vidéo donne des exemples précis de ces pièges.

D’autre part, « le SNUipp-FSU dénonce le fait que ce protocole, articulé aux différentes prescriptions concernant la lecture, fera glisser le métier d’enseignant d’un métier de conception vers un métier de simple exécution ». Les enseignants ne sont associés ni à la conception ni à la correction des tests.

Ne pas saisir les réponses

Par conséquent, le syndicat demande un moratoire  » afin de surseoir à leur passation ». Il « appelle les équipes à reprendre la main sur l’évaluation, acte inhérent à la fonction d’enseignant, à ne pas les faire passer dans l’immédiat, ne pas saisir les réponses et à faire remonter les besoins de terrain ». La publication des cahiers d’évaluation se situe dans cette démarche d’éviter une mise en concurrence des écoles.

En 2017 face aux erreurs des premières évaluations, le ministère avait fait machine arrière facilement. Qu’en sera-t-il cette fois ci ? Le Se Unsa, l’autre grand syndicat du premier degré, a lui aussi demandé qu’il n’y ait pas de remontée des résultats vers le ministère sans appeler au boycott de leur saisie. Pour la première fois le ministre doit clarifier sa politique ou prendre le risque d’affronter des enseignants. Il bénéficie de l’expérience d’autres crises avec les professeurs des écoles, notamment des premiers « désobéisseurs » et de l’impasse dans laquelle X Darcos s’était mis. Mais JM Blanquer connait-il le doute ?

François Jarraud

Communiqué Snuipp

Primaire : Vers le boycott des évaluations ?

Se Unsa

Evaluations : Leçons d’histoire