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 » Avec Parcoursup, nous avons fait faire un premier pas, mais un pas de géant pour la démocratisation de notre enseignement supérieur « . Comme tous les membres du gouvernement, Frédrique Vidal a donné une orientation très sociale à son discours de rentrée le 25 septembre, largement consacré à Parcoursup, un peu tempéré par un discours assez malthusien sur les aspirations des étudiants des filières courtes. La nouvelle plateforme a-t-elle fait mieux qu’APB ? Il y a quelques progrès dans les accès en STS et IUT et c’est important, mais on reste loin des besoins. Mais globalement la croissance du nombre d’étudiants n’a pas suivi celle du nombre de bacheliers. Et il reste des zones d’ombre que la ministre refuse d’éclairer tout comme elle refuse la publication des algorithmes locaux. La ministre a annoncé de nouvelles mesures. Parmi elles le retour de formations en un an qui augurent mal du devenir des bacs pros. A noter aussi, une décision qui concerne les PLP : la généralisation de l’expérimentation donnant au conseil de classe de bac pro le droit de donner un avis positif pour entrer en STS.

Parcoursup face à la vague étudiante

« Parcoursup a donc rempli sa mission : il a permis aux futurs étudiants de trouver la formation de leur choix pour la rentrée ». La ministre a présenté Parcoursup comme une pleine réussite.  » APB était un outil d’affectation, dont la vocation principale était d’affecter le plus rapidement possible le plus grand nombre d’étudiants possible. Peu importait de savoir si ces étudiants se présentaient effectivement à la rentrée ou s’ils abandonnaient ou échouaient au cours du premier semestre. Parcoursup, quant à elle, est une plateforme d’orientation : elle permet aux futurs étudiants de mûrir leurs projets, de recevoir les réponses des formations et de faire leur choix », affirme F Vidal en s’appuyant notamment sur l’effort budgétaire du Plan étudiant

Autre point fort de Parcoursup : « elle a donné un plus large choix aux futurs étudiants… ce qui a conduit plus d’étudiants à accepter une proposition et à s’inscrire effectivement. Ils sont plus de 583 000 au total, soit près de 27 000 de plus qu’en 2017 avec APB ».

Le problème c’est qu’il y a eu 34 000 bacheliers en plus en 2018. Selon les chiffres du ministère le nombre de bacheliers a augmenté de 5.3% et celui des étudiants de seulement 2.2%. Autrement dit Parcoursup n’a pas réussi à absorber la vague étudiante de 2018 alors que se profile une nouvelle hausse en 2019. Mais il a un peu mieux réussi en IUT (+3.2% d’inscrits) et en STS (+2.4%).

Parcoursup a-t-il démocratisé l’entrée dans le supérieur ?

Alors Parcoursup a t-il réussi à démocratiser l’accès dans le supérieur ? Selon les chiffres du ministère, le bilan est mitigé. Dans le budget de l’enseignement supérieur, la principale mesure pour les étudiants, la suppression du versement sécurité sociale, ne bénéficie qu’aux non boursiers (100 millions par an pour 123 millions de Plan étudiant).

D’un autre coté, F Vidal a beau jeu de rappeler que « depuis 2013, des quotas étaient fixés chaque année, mais ils restaient purement déclaratifs. Avec Parcoursup, ils ont été intégrés dans la plateforme et ont enfin produit leurs effets : cette année, les bacheliers professionnels sont 23,2 % en plus à avoir accepté une proposition en BTS ; quant aux bacheliers technologiques, ils sont près de 19 % en plus à avoir accepté une proposition en IUT ». Une progression qu’il faut saluer.

Le cas des STS et IUT

Mais qui doit aussi être ramenée à ses justes proportions. Si la hausse est si forte en pourcentage c’est que les volumes restent assez faibles. 96 237 bacheliers professionnels ont demandé à aller en STS en 2018. 44 402 ont accepté une proposition en STS. On ne sait pas ce que sont devenus les 51 835 restants. Il y a quelques mois F Vidal refusait de nous croire quand nous avancions le chiffre de 100 000 bacs pros souhaitant accéder en BTS… Finalement 8368 bacheliers professionnels supplémentaires seulement ont accédé en BTS.

77 771 bacheliers technologiques ont fait un voeu pour entrer en IUT. Seulement 16 821 ont accepté une proposition soit 2658 de plus qu’en 2017. A ce rythme le chemin de la démocratisation sera long…

Là où la ministre rompt vraiment avec ses prédécesseurs, c’est qu’elle est assez remontée contre les jeunes qui suivent des filières courtes et qui ensuite veulent poursuivre. « Il n’y a qu’en France que tout le monde pense qu’on a besoin d’un bac +5 », dit-elle. « On a besoin de gens qui occupent des fonctions de techniciens supérieurs.

F Vidal veut à a fois ouvrir davantage les STS mais aussi d’autres filières courtes, voire ultra courtes. Elle annonce « la généralisation de l’expérimentation qui a permis, au cours des deux dernières années, de favoriser l’accès des bacheliers professionnels aux STS sur la base de l’avis du conseil de classe ».

Mais en même temps, « nous souhaitons que cela soit l’occasion d’intégrer au dispositif les classes passerelles, qui permettent aux étudiants de se préparer et qui sont des tremplins vers la réussite en BTS ». Rappelons que ces classes passerelles d’une année ne sont ni diplomantes , ni certifiantes, et ne donnent pas non plus un droit d’accès en STS. Ce sont juste des parkings où faire attendre des bacheliers professionnels. Selon le syndicat ID FO, les bacheliers professionnels ne les auraient pas demandées.

Dans le même état d’esprit, la ministre réveille le fantome d’une nouvelle « offre de formations professionnalisantes, afin de proposer de nouveaux parcours d’une, deux ou trois années ». L’idée d’une formation d’un an réservée en fait aux bacs pros refait surface.

Impasse sur les sorties et les algorithmes locaux

F Vidal est restée beaucoup plus évasive sur certains sujets. Interrogée sur les candidats restés sans solution (officiellement 900) et les inactifs, la ministre refuse de donner des chiffres sur leur profil et ce qu’ils sont devenus. Début septembre il y avait , outre les 200 000 jeunes ayant déjà quitté la plateforme, près de 50 000 candidats sans propositions (actifs et inactifs) et 80 000 n’ayant accepté une proposition que sous réserve.

Même refus à propos des algorithmes locaux. La Commission d’accès aux documents administratifs, consultée par le sénateur Ouzoulias, a reconnu qu’ils étaient communicables. Mais la ministre refuse de les communiquer. « Les établissements d’enseignement supérieur sont autonomes et je leur demande pas tous les matins comment ils fonctionnent. Sinon on ne serait pas dans l’enseignement supérieur ».

F Vidal ne veut pas croire aussi que de nombreux jeunes se plaignent de ne pas avoir la formation de leur choix. « Quand je vais sur le terrain j’interroge les présidents d’université ce n’est pas ce qu’ils me disent »…

Les améliorations annoncées pour Parcoursup

La ministre a annoncé des améliorations dans Parcoursup. L’affichage du rang du dernier candidat retenu l’année précédente sera systématique. Le calendrier de Parcoursup sera modifié : la première phase de la procédure se terminera plus tôt « au plus tard fin juillet ». Parcoursup proposera aussi aux candidats de signaler les formations pour lesquelles ils répondront automatiquement oui. Mais il n’y aura pas de hiérarchisation formelle des voeux. Elle promet de rendre plus lisibles les intitulés des formations et de favoriser la mobilité des étudiants grâce à un fonds spécial doté de 30 millions.

Le dernier chantier apparait un peu en contradiction avec la forte confiance affichée envers le supérieur et la logique de tri qui sous tend Parcoursup.  » Face aux craintes de discriminations dans l’accès à l’enseignement supérieur, je suis prête à travailler à l’anonymisation des dossiers analysés dans le cadre de la procédure d’entrée dans l’enseignement supérieur », annonce F Vidal. A suivre…

François Jarraud

Dossier de presse et discours

Sur le budget de l’enseignement supérieur