Print Friendly, PDF & Email

« Le gouvernement attend les vacances de Noël. Mais nous préparons déjà la rentrée de janvier ! » Face à la « panique » du gouvernement, Louis Boyard , président de l’UNL, l’organisation lycéenne qui a lancé la contestation, met en garde sur les risques à continuer la répression du mouvement lycéen avec cette violence. Rodrigo Arenas, co-président de la Fcpe, première association de parents d’élèves, Laurence Roques, présidente du syndicat des avocats de France et Carlos Lopez, secrétaire national du SNPES PJJ-Fsu témoignet le 11 décembre de l’importance de la répression qui s’abat sur les lycéens et demandé le respect de l’Etat de droit et des discussions avec le gouvernement.

« Mardi noir » dans les lycées

L’UNL a voulu faire de la journée du 11 décembre un temps fort du mouvement lycéen. Pour cette 12ème journée d’actions, ce sont 450 lycées officiellement qui ont été perturbés, unchiffre largement sous estimé pour l’UNL. Des manifestations ont eu lieu dans de nombreuses villes, dont Paris , avec parfois des enseignants dans les cortèges comme à Nantes et Toulouse. Les lycéens manfestent contre Parcoursup et la réforme du lycée, deux mesures phares du gouvernement.

« Ce qui se passe est exceptionnel »

« On ne pensait pas que le mouvement prendrait cette ampleur ». Le 11 décembre, « mardi noir » de la contestation lycéennes, près de 450 lycées sont perturbés selon le ministère, beaucoup plus selon l’UNL. L’organisation lycéenne souligne « la répression délibérée » qui frappe les lycéens avec déjà un millier de lycéens interpellés en une semaine et des scènes qui ont frappé l’opinion à Mantes-la-Jolie.

« Ce qui se passe en France est exceptionnel et Blanquer n’en prend pas la mesure », explique t-il. Le ministre préfère discuter avec le CNVL , une assemblée non représentative pour l’UNL. L’UNL a rappelé les revendications lycéennes. D’abord la suppression de Parcoursup et la fin de la sélection dans le supérieur. « Parcoursup on a vu les résultats. On sait vers quoi on va ». L’UNL veut retirer de la réforme du bac le contrôle continu qui aboutit à supprimer le caractère national du diplôme et crée des bacs d’établissements. Le syndicat lycéen veut aussi le retrait de la réforme du lycée, accusée de créer des inégalités sociales et territoriales. « JM Blanquer dit que tout le monde pourra s’épanouir avec 7 spécialités par lycée. Mais en zone rurale, on ne peut pas aller dans un autre lycée. C’est ce qui explique la mobilisation des lycée ruraux ». L’UNL veut aussi mettre un terme à la réforme du lycée professionnel où les enseignements généraux et professionnels sont réduits. Enfin il y a le SNU jugé lui aussi négativement. L’UNL voudrait que l’argent du SNU aille aux lycées et à la création de postes en université.

Pour L Boyard, le mouvement continuera jusqu’à satisfaction. « Le gouvernement attend les vacances de Noël. Mais nous préparons déjà la rentrée de janvier ! »

« Le gouvernement tente d’écraser le mouvement »

Rodrigo Arenas, co-président de la Fcpe, partage l’inquiétude des lycéens. « On craint qu’un gamin reste sur le carreau », explique-t-il. La Fcpe demande aux parents d’être aux cotés des lycéens. Il interroge le ministre : « comment se fait-il qu’il y ait autant de lycées bloqués si la réforme satisfait tout le monde ? ». Parents et lycéens ne sont pas entendus sur les réformes. R Arenas dénonce la volonté gouvernementale de se passer des corps intermédiaires.

Carlos Lopez, secrétaire national du syndicat FSU de la protection de la jeunesse, souligne la vague de déferrements systématiques des lycéens depuis une semaine. Des parquets comme à Marseille demandent de la prison. D’autres comme à Créteil envoient les jeunes au dépot plutot que les convoquer. « C’est une situation folle : la justice des mineurs est instrumentalisée dans le but d’impressionner les jeunes ».

« Jamais on a vu autant de déferrements. Le gouvernement tente d’écraser le mouvement », estime t-il. « On voit débarquer tous ces jeunes qui ne sont pas dans notre radar et on s’interroge : comment le gouvernement peu répondre de cette façon à un mouvement social ? C Lopez souligne que cette répression « touche tous les enfants « .

« La répression touche tous les enfants »

Représentante des avocats, Laurence Roques montre que les parquets sous pression de la Garde des sceaux multiplient les déferrements et « perdent la boussole du respect des droits ». Des mineurs sont entendus en l’absence de leur avocat. La masse des déferrements empêche d’ailleurs la défense de s’exercer normalement. Elle invite les parents de Mantes la Jolie et d’ailleurs à porter plainte contre l’Etat et rappelle que dans l’affaire de la place Bellecourt en 2010, la chambre judiciaire vient de poursuivre le préfet et le directeur de la police.

Dans un communiqué final, les 4 organisations dénoncent « les atteintes répétées aux droits constitutionnels des lycéen.nes par un usage clairement disproportionné et quasi systématique de la force publique et un recours abusif aux interpellations préventives, collectives et indifférenciées des lycéen.nes ». Ils demandent le respect des procédures. « Nous exigeons des autorités le respect de l’Etat de droit afin que ces jeunes puissent exercer pleinement et sans entrave leur liberté d’expression, de réunion et de manifestation et accéder ainsi à la citoyenneté ».

Les syndicats enseignants au CSE

Dans sa déclaration au Conseil supérieur de l’éducation (CSE) du 11 décembre, la Fcpe revient sur les inquiétudes des lycéens.  » Les inquiétudes des lycéens sont aussi celles de nombreux parents : les différentes mesures prises depuis le début du quinquennat affectent leur avenir et sont porteuses d’inégalités. La rapidité des réformes sans concertation ne fait qu’ajouter à l’incompréhension. ParcourSup, loi Avenir, loi ORE, réforme de l’enseignement professionnel, réforme du baccalauréat, réforme du lycée, tous ces textes se suivent dans une cadence infernale. Chaque réforme nous arrive de façon parcellaire, avec aussi une multiplication des dispositifs dérogatoires, sans une vision d’ensemble de ce qui sera proposé à notre jeunesse. Et vous vous étonnez que les lycéens soient dans la rue ? Si nous, fédération de parents, n’arrivons pas à suivre le rythme de vos réformes et à répondre aux questions légitimes des familles sur le terrain, comment ne pas comprendre les inquiétudes des jeunes ? »

L’Unsa éducation « condamne les actes qui ont eu lieu dans des centaines de lycées », formule qui concerne « les actions violentes  » des lycéens. « Parcoursup, bac 2021 et lycées, si l’Unsa Education ne partage pas toutes les inquiétudes des organisations lycéennes sur ces réformes, nous avons toujours expliqué qu’elles devraient se faire avec les acteurs concernés ».

Le Sgen Cfdt condamne nettement la réforme du lycée.  » Le maintien voire le confortement des paliers d’orientation de 6ème, entre SEGPA et collège, de 3ème entre voie pro et voie GT et de 2nde entre voie G et voie T sont autant de moments de tri de ceux qui ont gâché leur chance de parvenir aux premières places dans la compétition scolaire. Le « rétablissement » du redoublement va dans le même sens. La réforme du lycée n’a pas plus remis en cause la hiérarchie des filières G, T et P… La dotation des établissements en options ou en spécialités (note de service aux recteurs de cet été) doit se faire en fonction de l’attractivité des lycées et collèges et non de leur profil social. Le principe d’une hiérarchie des établissements est pour ainsi dire naturalisé, l’essentiel pour les pouvoirs publics étant de permettre à chacun d’entre eux de participer à une forme de compétition visant à attirer les élèves. Une telle logique oublie que les inégalités scolaires, prégnantes dans notre système scolaire sont particulièrement corrélées aux inégalités socio-économiques des familles. La lutte contre ce déterminisme a été évacuée du discours ministériel, sauf à considérer le dédoublement des CP/CE1 en REP et en REP+ comme la solution unique et définitive à ce problème. Le SNU, qui vise à un brassage social, ne sera qu’un piètre alibi à une politique qui va renforcer cette ségrégation scolaire ».

François Jarraud

FCPE au CSE

Sgen au Cse

Unsa au cse