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« On ne parle pas d’éducation, on parle chiffon ». La formule de la députée S Rubin (LFI) résume assez bien la deuxième journée de débats sur la loi Blanquer. Mais il faudrait ajouter : « chiffon puant ». Car les 8 heures de débat ont été accaparées par l’examen d’amendements particulièrement réactionnaires déposés par la droite et l’extrême droite. Une nouvelle fois le ministre n’a pas su résister à son attirance vers ce camp. Comme le 11 février pour les drapeaux, les députés LR et JM Blanquer ont fait amendement commun le 12 février. Au petit matin du 13 février, le débat en était encore à l’article 1 de la loi. Le 1bis n’est toujours pas atteint. Il reste encore 850 amendements et quasiment tous les articles à examiner.

Un uniforme pour les profs ?

En principe c’est une loi sur l’école. En réalité la seconde journée du débat sur la loi Blanquer a été l’occasion du déballage des idées les plus réactionnaires sur l’éducation, dans une sorte de surenchère permanente entre droite LR et extrême droite. Face à ces offensives outrancières, le ministre a marqué ses inclinaisons, répondant avec tact et légitimant les idées les plus mortifères pour l’école de la République.

La première journée de débat, le 11 février, s’était terminée par un accord LR et LREM sur l’obligation d’installer des drapeaux dans chaque salle de classe. La seconde journée a démarré sur la Marseillaise. L’hymne national est appris à l’école primaire. La question c’était l’apprentissage dans le second degré et la fréquence des chants. D’autres amendements ont posé la question du salut aux couleurs ou encore l’affichage dans chaque salle de classe d’une carte de France. Une dizaine d’amendements ont porté sur l’uniforme. Ainsi cet amendement 124 de Mme Trastour-Isnard (LR) demandant l’uniforme pour les élèves et aussi que « le chef d’établissement veille à ce que le corps enseignants porte une tenue conforme à l’autorité que doit inspirer un enseignant ». « Un drapeau qui se lève, des uniformes, un hymne qui se chante. Ca ne me dit rien qui vaille pour notre démocratie », réagit le député M Larive (LFI).

Proximité idéologique LR – Blanquer

Face à ces amendements, JM Blanquer ne se braque pas. Bien au contraire, il répond avec beaucoup de tact. « Vous avez raison il faut une carte de France « , répond-il à D Lorion(LR). « L’amour du pays doit être partagé et c’est mon rôle de ministre de l’éducation. Mais ce débat nous amènerait à tapisser toutes les salles de classe de nos bonnes intentions ». Sur l’uniforme : « j’ai vu les bienfaits de l’uniforme. Je continue à l’encourager ». La proximité idéologique est telle qu’une députée LR, Mme Kuster, invite JM BLanquer à la rejoindre. « Vous vous retenez. Lâchez vous. Allez jusqu’au bout. On a besoin de vous ».

L’occasion est rapidement trouvée de secondes retrouvailles. Les Républicains et la majorité se mettent d’accord sur un amendement commun sur des sanctions pour les harceleurs (amendement 1134).

Aussi l’amendement de V Petit (LREM) en faveur des parents homosexuels passe t-il sans autre réaction que celle ,indignée, de Mme Thill (LREM). Cet amendement demande que les questionnaires de l’éducation nationale parlent de « parent 1  » et « parent2 » au lieu de père et mère (834).

Lors de la seconde séance , le débat se porte sur l’histoire nationale, ou plutôt le roman national, et la priorité donnée aux familles en éducation sur l’Etat. A Ramadier veut qu’on apprenne les grands hommes de l’histoire de France et JM Blanquer rappelle qu’il a changé les programmes. L’EMC est particulièrement ciblée car portant une éducation morale qui devrait rester l’apanage des parents. Ce qui est enseigné à l’école doit l’être « dans le respect de l’éducation qu’il reçoit dans sa famille ». « Personne ne nie le rôle primordial des parents », répond JM Blanquer.

De nouveau le voile

Le point culminant est atteint avec un amendement d’E Ciotti (LR) pour interdire les mères voilées dans les sorties scolaires. «  »Il y a des quartiers où la majorité des mamans sont musulmanes et elles font confiance à l’école de la République. Si dans ces quartiers on exclut les mères alors il n’y aura plus de sorties et de parents au conseil d’école », explique F Pupponi. « Les écoles salafistes diront à ces parents : venez chez nous ».

« Je me suis déjà prononcé , j’ai recommandé aux directeurs d’école de ne pas avoir de signes ostentatoires lors des sorties scolaires » , répond JM Blanquer. « On a commencé à agir et on n’est pas en faveur du port du voile ».

Les députés de gauche ont pu faire passer deux amendements. R. Juanico a fait reconnaitre l’importance de l’EPS dans la formation des élèves (amendement 697, article L 111-2 du code de l’éducation). G Serville (GDR) a fait passer un amendement inscrivant « la France d’outre mer » dans la diversité enseignée à l’école (amendement 1069).

Globalement la capacité des Républicains à dominer les débats est affirmée. Cette position de force est possible grâce à la connivence , transparente ou pas, avec JM Blanquer.

François Jarraud

Le dossier législatif

La première journée

Amendement 791

Amendement 1134

Amendement 697

Amendement 834

Amendement 1069